ANKAVANDRA, 13 juin 2011 (IRIN) – La fièvre de l’or semble s’être emparée d’Ankavandra, une petite ville de l’ouest de Madagascar, et de ses écolières.
La pauvreté rurale, conjuguée à un cours mondial de l’or exceptionnel, incite en effet irrésistiblement les jeunes filles d’Ankavandra et des environs à faire l’école buissonnière pour se rendre dans les contreforts du plateau central, dans l’espoir d’y dénicher quelques paillettes d’or.
Presque chaque jour, un groupe de cinq filles, toutes issues de la même famille et âgées de huit à 15 ans, se réveillent à l’aube pour entamer d’un bon pas une marche de deux heures le long de chemins de chèvres escarpés, en direction d’un des nombreux affluents du Manambolo. Tandis que le groupe se rapproche de sa destination, il s’agrandit pour atteindre une vingtaine de membres, à mesure que s’y joignent des habitants accompagnés de leurs jeunes enfants, ainsi qu’un autre groupe de fillettes, dont certaines semblent à peine âgées de cinq ans.
Pour se protéger d’un soleil cuisant, elles se couvrent la tête de leurs batées de bois, fabriquées localement et vendues l’équivalent de cinq dollars environ l’une.
Des voleurs de bétail (ou « dahalo ») parcourent eux aussi ces collines en quête de zébus, des bœufs malgaches reconnaissables à leur bosse ; jusqu’ici, néanmoins, ils ne se seraient pas reconvertis dans l’orpaillage.
Les fillettes ont expliqué à IRIN, sous couvert de l’anonymat, qu’elles n’étaient en aucun cas les seules à pratiquer l’orpaillage dans ce district. « Ce sont les filles qui le font parce qu’en général, les garçons doivent s’occuper du “zébu” », ont-elles dit.
Il s’agit d’un travail extrêmement physique : les orpailleurs doivent battre les rives du cours d’eau à coups de pelles et de barres de fer, puis entasser de la terre et des pierres sur leurs plateaux de bois, qu’ils doivent ensuite emmener au ruisseau, non loin de là, pour les laver.
Le correspondant d’IRIN a accompagné ces fillettes pendant deux heures ; dans ce laps de temps, elles ont probablement soulevé deux cents kilos de boue chacune, sans jamais faire de pause. Elles passent environ six heures par jour à chercher de l’or, sans compter le temps de trajet, ce qui représente une journée de travail de plus de 10 heures. Ce jour-là, elles n’avaient pas emmené de quoi manger.
Les permis d'exploitation minière
En vertu du code d’exploitation minière malgache, les orpailleurs doivent se voir délivrer un permis annuel moyennant une poignée de dollars ; le permis coûte environ 50 dollars pour les vendeurs d’or, qui rachètent leur production. Ces impôts sont théoriquement prélevés par les autorités des districts pour leur permettre d’améliorer les services locaux, mais les fillettes interrogées par IRIN ont déclaré n’avoir jamais versé un centime.
Selon les statistiques publiées sur le site Internet de Zamarat Mining, société parisienne d’exploration minière qui opère à Madagascar par le biais de sa filiale Zamarat Mining Madagascar, le pays compterait environ 150 000 orpailleurs, qui produisent entre trois et quatre tonnes d’or par an ; la société reconnaît néanmoins que « la contrebande d’or est un problème majeur ».
Madagascar est classé 135e sur 169 pays à l’indice de développement humain publié par le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) ; selon cet indice, près de 70 pour cent des 20 millions d’habitants que compte le pays vivent avec 1,25 dollar ou moins par jour.
Ces dernières années, au cours de leur semaine de travail la plus faste, les fillettes ont gagné environ 14 dollars chacune en travaillant six jours sur sept, soit plus du double de ce qu’elles auraient pu gagner en effectuant d’autres tâches ingrates, notamment en lavant du linge.
Les fillettes s’adonnent à cette tâche avec la bénédiction de leurs parents, disent-elles, et l’argent qu’elles empochent leur sert à acheter des habits et de la nourriture.
Les orpailleurs continuent de s’enthousiasmer à la vue d’une paillette d’or de la taille d’une moitié de grain de riz. L’or est vendu dans des commerces généraux, à Ankavandra, à 70 000 ariarys (36,50 dollars) le gramme ; le poids minimum accepté à l’achat est d’un dixième de gramme.