CAMEROUN – Fonction publique : Interrogations sur les salaires des 25.000 recrues

Le budget 2011 n’a pas prévu une augmentation de la masse salariale de l’Etat, qui est déjà jugée asphyxiante par le ministre des Finances.

«Le salaire des agents de l’Etat est un caillou dans la chaussure du gouvernement (…) Nous sommes en train d’avoir une masse salariale qui va nous dépasser». Ainsi s’exprimait le ministre des Finances le 30 novembre 2009 devant les députés, à l’occasion de la plénière d’adoption du budget de l’Etat du Cameroun de l’année 2010.
Essimi Menye répondait ainsi à une proposition du député Sdf Joseph Banadzem, qui réclamait une augmentation des salaires des fonctionnaires avec les «excédents budgétaires» présentés par le gouvernement. Et comme pour étayer ses inquiétudes sur les difficultés que pourrait avoir le gouvernement camerounais à assurer la rémunération de ses agents, Essimi Menye a révélé ce jour-là que la masse salariale actuelle des quelques 170.000 fonctionnaires que compte le Cameroun s’élève à environ «53 milliards de Fcfa par mois».

Calculette en main, cela fait 636 milliards de Fcfa par an, somme qui représente les enveloppes cumulées pour la construction du port en eau profonde de Kribi (400 milliards de Fcfa) et le barrage de Lom Pangar (160 milliards de Fcfa), les deux projets structurants les plus importants du Cameroun aujourd’hui, pour lesquels le gouvernement a eu recours à divers emprunts. Les 76 milliards restants sur cette colossale enveloppe, pouvant d’ailleurs contribuer à mettre également en route le projet de construction du second pont sur le Wouri, dont le coût est évalué à 110 milliards de Fcfa.
Conclusion d’Essimi Menye lui-même : la masse salariale des fonctionnaires camerounais, qui représente environ «50% des dépenses courantes de l’Etat, est très au dessus des standards».

Mais visiblement, cette situation ne semble pas inquiéter le chef de l’Etat. Lui qui, le 10 février dernier, a annoncé le recrutement à la Fonction publique d’un coup, de 25.000 jeunes diplômés (soit 8% du personnel actuel de l’Etat), qui doivent tous être pris en charge dès le mois de juillet prochain, alors que le budget de l’Etat avait déjà été voté au moment de l’annonce faite par le président de la République, et ne prévoyait aucune augmentation de la masse salariale publique, déjà jugée hors norme par le grand argentier national.
La question de la prise en charge de ces futurs nouveaux agents de l’Etat est d’autant lancinante que le budget 2011 a été légèrement revu à la hausse par rapport à celui de 2010 (1%), qui a dû lui-même être réduit de 50 milliards de Fcfa (passant de 2570 à 2520 milliards de Fcfa) en septembre 2010, suite aux difficultés liées à la réalisation des prévisions de recettes faites par le gouvernement.

Election présidentielle
Au regard de ce qui précède, depuis le 14 mars dernier, même si les jeunes se ruent vers les sous-préfectures pour déposer les dossiers en vue du recrutement des 25.000 nouveaux agents de l’Etat, l’appréhension de ne pas être aussitôt pris en solde hante les esprits.
Des craintes que balaie le ministre des Finances, qui, tout d’un coup, semble ne plus penser que «nous sommes en train d’avoir une masse salariale qui va nous dépasser». Cette fois-ci, le grand argentier, après avoir rappelé que la prise en solde des nouvelles recrues va nécessiter la mobilisation supplémentaire de 15 milliards de Fcfa pour les six derniers mois de l’année, soutient que «l’argent, il y en a toujours. Je crois que la première préoccupation du gestionnaire du budget que je suis, c’est les disponibilités budgétaires. Nous avons des réserves budgétaires, il y a des crédits qui nous permettent pour le moment d’assurer le financement du recrutement des 25000 nouveaux agents que le chef de l’Etat a promis».

Cette assurance d’Essimi Menye est d’autant plus surprenante que le ministre des Finances aime lui-même rappeler publiquement que ses collaborateurs et lui perdent généralement le sommeil à partir du15 de chaque mois, lorsqu’il faut s’apprêter à payer les fonctionnaires. Selon les calculs objectifs, la masse salariale de l’Etat devrait dépasser les 80 milliards de Fcfa à partir du mois de juillet prochain, si les nouvelles recrues doivent être immédiatement prises en solde, de même que les recrues de l’année dernière qui attentent toujours leurs premiers salaires, doublé de rappels.
Dès lors, l’on est fondé à se poser la question de savoir comment un Etat qui a dû revoir son budget à la baisse en plein exercice 2010 pour prévisions de recettes non satisfaites; recourir à un emprunt obligataire de 200 milliards de Fcfa pour compléter son budget 2010, peut-il aussi facilement assurer 25.000 nouveaux salaires ? Lesquels n’ont du reste pas été pris en compte dans le budget en cours d’exécution ?
Aussi, les supputations fusent-elles, puisque, coûte que vaille, la promesse du chef de l’Etat doit être respectée et satisfaite, surtout en cette veille d’élection présidentielle. Laquelle consultation électorale nécessite, elle-même, la mobilisation d’importantes ressources financières.

Brice R. Mbodiam

SOURCE: http://www.quotidienmutations.info

4/04/2011

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