Comme tous les milieux urbains, Diego Suarez souffre de la délinquance de ses jeunes. Depuis quelques années, le phénomène s’aggrave, des groupements de mineurs (filles et garçons) se sont formés pour donner ce que l’on appelle foroches, pirates, soldats etc.
Ils donnent du fil à retordre aux forces de l’ordre et éducateurs et parents se rejettent la responsabilité. Tandis que les autorités locales recherchent les moyens afin de maîtriser ces jeunes, d’autres personnes se sont impliquées volontairement et avec leurs propres moyens pour instaurer la paix locale à long terme. Tel est l’objectif de Mme Randimbialifera.
Cela fait maintenant douze ans qu’elle est dans l’éducation. En 1999, elle a créé l’école Blanche-Neige à Ambanja. L’école est maintenant à Diego. L’éducation et l’enseignement sont pour elle une véritable passion, elle nous confie qu’elle n’a jamais pensé pouvoir s’en enrichir. «Il est même arrivé que l’argent du ménage a servi à payer les enseignants car les parents ne payaient pas à temps les frais de scolarité des élèves.»
L’école Blanche-Neige ne ressemble pas du tout aux autres écoles. Elle est surtout considérée par les parents et les élèves comme un centre d’accueil car elle sert souvent d’abri à des enfants rejetés par leurs familles. Certains parents sont complètement désemparés, ils ne savent plus comment faire avec leurs enfants, ceux-ci sont violents et dépendent de la drogue. Même la Direction Régionale de la Population confie à l’école des mineurs en difficulté. L’école les accueille et arrive bien souvent à les maîtriser : «Ces enfants, quand ils arrivent chez nous n’usent plus de la violence car ils sont entourés d’autres enfants. Nous communiquons d’une autre manière, c’est-à-dire sans cri et sans violence, afin d’établir la confiance et le respect mutuels.» Mais elle avoue quand même que sa tâche ainsi que celle des enseignants n’est pas facile : « Il faut beaucoup de patience et de tolérance, on ne peut pas tout effacer en quelques heures. Le plus difficile c’est quand c’est l’enfant lui-même qui se décourage.»
Selon Mme Randimbialifera, créer un lieu tel que le centre de rééducation de délinquants à Joffreville ne devrait pas être la priorité de l’Etat : «il faut traiter le problème tant que ces enfants vivent parmi nous, au sein de notre société. Les éloigner de nous n’est pas une solution et si c’est une solution elle arrive un peu tard selon moi. Ce qu’il faut faire c’est de faciliter la tâche des personnes qui peuvent faire quelque chose pour eux». En effet, lui faciliter la tâche est bien le souhait de cette directrice d’école car elle constate que l’Administration n’accorde pas tellement d’importance à ce qu’elle fait, elle n’a jamais pu compter sur une quelconque contribution. La directrice s’est plainte de l’attitude de certaines personnes : «Elles pensent que si je fais tout cela c’est parce que quelqu’un me finance, un organisme étatique, un étranger ou un politicien. A cause de cela, certains parents d’élèves ne prennent pas leur responsabilité au sérieux, ils nous laissent leurs enfants et croient que nous pouvons nous débrouiller seuls. Et pourtant ce centre d’accueil est le fruit d’un effort personnel.»
L’école aide aussi les parents d’élèves en difficulté, ceux-ci n’ont pas à payer d’écolages mensuels, mais apportent à l’école leur savoir-faire car «si nous voulons aider les gens il ne faut pas tout donner gratuitement», il faut que les bénéficiaires participent: «on a pu bâtir l’école grâce à ces apports » explique la directrice «il y a des parents qui nous ont apporté du sable, il y en a qui sont venus ici, casser les pierres, construire les bancs et les tables».
A noter que des associations, étrangères surtout, des entreprises locales et des particuliers ont déjà apporté leurs appuis à l’école «ils nous ont fourni en matériaux et en transport, certains ont donné des aliments pour les enfants car il y en a qui mangent si peu… »
Une autre particularité de cette école aussi, trisomiques et enfants normaux étudient ensemble et sont traités de manières égales. Les enseignants et éducateurs ont constaté une amélioration chez les handicapés (au niveau du langage et de la communication surtout).
Et puisque la majorité des élèves payent leurs frais de scolarité et que les parents attendent du bon résultat, nous avons demandé à Mme Randimbialifera si cette façon "d’utiliser" l’école ne dérange pas les parents, elle a répondu que ceux-ci comprennent bien l’objectif de l’école, il n’y a jamais eu de problème de sécurité et cet objectif n’a jamais altéré la qualité de l’enseignement. La directrice est particulièrement fière de l’unité que représente son école : «on retrouve ici, toute catégorie d’individus de classe sociale différente, de toutes confessions religieuses et presque toutes les ethnies de Madagascar.»
■V.M.
26/03/2011
Source: http://latribune.cyber-diego.com