Le diplôme ne mesure pas tout. La sociologue Elise Tenret a proposé à 766 étudiants de quatre filières de l'enseignement supérieur (STS, IUT, classes préparatoires et université) de critiquer le titre scolaire, censé mesurer le mérite individuel. Les étudiants interrogés sont nombreux à douter de la capacité de l'école à reconnaître leurs mérites.
Le diplôme n'est pour eux qu'une mesure "partielle et partiale". Ils pensent que l'école n'est pas en mesure de reconnaître les efforts de chacun. La note sanctionne les connaissances, rarement un savoir-être. 68% d'entre eux jugent ainsi que le diplôme devrait récompenser les efforts plutôt que les capacités. Elise Tenret rappelle que des élèves qui ne croient pas en une école capable de valoriser l'effort sont plus enclins à remettre en cause la légitimité du diplôme comme déterminant d'une hiérarchie sociale. S'effondre alors pour une partie d'entre eux le mythe d'une méritocratie scolaire, "modèle de justice sociale fondé sur la reconnaissance du mérite".
Pour 43% des jeunes interrogés, le rôle des études est trop important pour trouver un travail. Au détriment de qualités qui ne sont pas jugées par le diplôme. Ils mettent en avant des qualités extra-scolaires à leur sens oubliées par le système scolaire. En première place, les qualités morales, qui regroupent des notions variées telles que la volonté, les efforts, la rigueur ou l'ouverture d'esprit. Puis les qualités sociales (sympathie, ponctualité, aisance à l'oral…), les qualités pratiques (initiative, rapidité…) et intellectuelles.
DIFFÉRENTES VISIONS DE LA MÉRITOCRATIE
Les résultats de l'enquête ont été publiés fin janvier par l'Observatoire national de la vie étudiante. Et montrent que le type d'étude affecte les représentations de la méritocratie et de l'avenir professionnel. Trois types de réactions se démarquent selon les filières.
Pour les étudiants en STS (sections de techniciens supérieurs préparant aux BTS), les études ne sont pas toujours un critère pour établir une hiérarchie dans la société. 49,5 % d'entre eux considèrent que l'on accorde trop d'importance au diplôme dans le monde du travail.
Même constat du côté des IUT. Mais pour les STS, il est possible de réussir sans diplôme. La méritocratie s'oppose alors à l'école. C'est l'adage du "si on veut, on peut" qui l'emporte.
Au sein des classes préparatoires, la méritocratie est un modèle de justice sociale qui ne se fait pas contre mais avec l'école. 52% d'entre eux pensent que sans diplôme, on ne peut pas réussir dans la vie professionnelle. Pour eux, l'école est juste, elle récompense les élèves pour leurs efforts et leurs capacités.
A l'université, les étudiants ont une vision plutôt sombre de la méritocratie. Ils jugent que le diplôme est une condition nécessaire à la réussite. Mais doutent plus que les autres filières de la possibilité de réussir uniquement grâce au titre scolaire. Ils sont 70% à trouver que la société est injuste.
Marie-Hélène Soenen
Source: LeMonde, 04/02/2011