Vivre et étudier au Maroc, un togolais raconte
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Togozine débute une série sur la diaspora togolaise à travers le monde. Nous faisons aujourd’hui cap sur le Maroc. En collaboration avec le site marocain talkmorocco.net qui tient en ce moment un forum sur le sujet, nous nous penchons sur la vie des africains sub-saharien au Maroc. Christophe, étudiant togolais partage avec nous son quotidien.
Pourquoi êtes-vous venu au Maroc ?
Je suis étudiant à Rabat et je suis venu au Maroc dans le cadre d’un programme de bourse d’études à l’étranger. Les élèves qui ont décroché avec brio leur baccalauréat bénéficient d’une bourse du gouvernement marocain. En ce qui me concerne, je n’ai été informé que de l’octroi de cette bourse marocaine. Ce qui explique ma présence au Maroc aujourd’hui.
Qu’est ce qui vous marque le plus au Maroc ?
C’est le caractère cosmopolite du Maroc qui m’interpelle. Le Maroc accueille chaque année plus de 500 étudiants venus de différents horizons que ce soit d’Afrique ou d’Asie. Nous sommes 250 à 300 étudiants togolais au Maroc dont une quarantaine à Rabat.
C’est une aubaine pour chacun de nous (étudiants) d’être en contact avec la culture des autres dans un esprit de fraternité et de convivialité. Le tableau n’est pas totalement rose. Il y a toutes les petites difficultés qu’on peut rencontrer dans une société multiculturelle. Notre destin se forge chaque jour à partir de l’expérience qu’on acquiert, étant loin de sa famille.
Quelle est la différence la plus flagrante avec le Togo ?
Au Togo, on a moins de chance de côtoyer des étudiants d’autres nationalités et on gagne moins en maturité parce que la famille est toujours prête à nous venir en aide en cas de besoin. Au Maroc on est plus responsable. Parce qu’on vit à des milliers de kilomètres de la famille, on développe des facultés à se prendre en charge. C’est mon point de vue et c’est l’expérience que je vis.
Quels sont vos loisirs sur place ?
J’aime le football et je le pratique après les cours si mon temps me le permet. Nous faisons parfois des tournois et nous organisons même une mini Coupe d’Afrique des Nations. Nos résultats sont à l’image de l’équipe nationale. Comme les Eperviers, nous nous faisons souvent éliminer en phase d’éliminatoire.
Outre le football, je participe aux activités qu’organisent la Coordination des Etudiants et Stagiaires Togolais au Maroc (CESTOM). C’est aussi en quelque sorte la représentation diplomatique du Togo au Maroc. L’Ambassade du Togo la plus proche est en Lybie. Depuis 2007, la CESTOM organise chaque année des journées culturelles où nous avons l’occasion de montrer nos talents de danseur, de chanteur etc.… Nous nous retrouvons entre togolais autour de mets du pays. Pendant les vacances nous sortons, visitons des lieux touristiques, allons à la plage etc…
A-t-il été facile de vous intégrer ?
Je ne vais pas vous mentir, l’intégration n’est pas facile. La population du Maroc est majoritairement arabe et musulmane. Cela diffère profondément de l’environnement dans lequel j’ai été élevé. Si on est chrétien, il est également plus difficile de vivre sa foi et l’évangélisation est interdite au Maroc. Sans les étrangers, les églises seraient vides.
De mon coté, je ne peux pas parler d’intégration totale. Je ne comprend toujours pas certaines pratiques et habitudes sans parler du racisme qui est malheureusement une réalité au Maroc. Cela concerne l’étranger en général et ceux venant de l’Afrique subsaharienne en particulier. Nous ne côtoyons pas énormément de marocains. Certains sont très gentils mais d’autres souhaitent seulement vous utilisez.
Au Maroc, les clandestins africains sont nombreux. Quels sont vos rapports avec eux?
Nos relations ne sont pas particulièrement au beau fixe. Disons que c’est simplement une entente cordiale. Les clandestins sont parfois trempés dans des activités illégales et les étudiants ne prennent pas le risque d’être amis avec eux par peur de se faire arrêter. Nous ne sommes pas au Maroc pour les mêmes raisons. Nos frères vivent dans la clandestinité en attendant un moment propice pour tenter d’immigrer de l’autre coté de la Méditerranée. Les étudiants sont installés ici légalement. Les marocains ne font pas la différence. Ca fausse l’idée qu’ils ont de nous.
Pensez-vous rester ?
Si je reste au Maroc, c’est parce que je n’ai vraiment pas d’autre choix. La condition de vie des étudiants ici n’est pas la meilleure du monde. Je déplore l’absence de traitement égal des étudiants. Tous les étudiants ne sont pas logés dans une cité universitaire. Certains, sinon la majorité vit dans des appartements souvent situés dans des quartiers réputés dangereux. Ces étudiants ne disposent pas des moyens financiers pour vivre en pleine ville.
D’autres sont relativement bien installés dans les cités universitaires. Ils payent une somme 6 ou 8 fois inférieure à celle que paie les autres étudiants logés dans les quartiers. Les étudiants logés dans les cités universitaires payent à peu près 50 dirhams (dhrs) à 200 drhrs/mois tandis que le loyer de ceux qui sont logés dans les chambres (souvent à deux ou trois) est de 750 à 1000 dhrs/mois ou ceux qui habitent dans des appartements (souvent de 3 à 7ou 8 personnes) déboursent entre 1800 et 3500 dhrs/mois. Le logement est relativement moins cher dans la plupart des petites villes et plus cher dans les grandes comme Casablanca, Marrakech, Agadir, Fès ou Rabat.
Ceux qui font face chaque jour à la dure réalité des quartiers sont partagés entre le paiement de leur loyer (presque la totalité de la bourse de 75 euros par mois allouée tous les deux mois par l’État Marocain) et les études. En comparaison, le SMIG est de 10.64 dhrs/heure (environ 1 Euro), soit 2110 dhrs/mois (environ 200 euros). Pour les dépenses courantes, les étudiants font comme ils peuvent pour les minimiser.
La chance de trouver une bourse pour des études à l’extérieur de Maroc est minime. En gros, c’est loin d’être la belle vie au Maroc pour les étudiants issus de familles moins aisées. De plus, après les études, nous n’obtenons pas les mêmes salaires que les nationaux.
Quels sont vos projets cet été ?
Je projetais de partir pour les vacances mais les billets d’avion sont hors de prix. De plus, l’État togolais à couper les droits de vacances dont bénéficiaient les étudiants après les deux premières années. Ma promotion n’a pas eu la chance d’en bénéficier. Cela fera bientôt trois ans que je n’ai pas vu ma famille, mes proches et amis. Ils me manquent tous. Je me suis résigné à finir avant de rentrer définitivement et de revoir ma famille.
Christophe, merci pour cet entretien et bonne continuation.
Source: http://togozine.com
Juillet 2010