Avis académique : Beaucoup d’appelés, peu d’élus
Source : Quotidien Mutations
8 Novembre 2005
Josiane R. Matia (stagiaire)
De nombreux étudiants se sont vus refusés le visa pour des études en France, faute des l’avis favorable du consulat.
Jean-Claude est perdu. Cela se voit à son regard hagard et à ces allers et venues qu’il n’arrête pas de faire dans le hall du Centre culturel français (Ccf) de Yaoundé. "Je ne sais pas ce que je fais ici, mais je n’y peux rien. J’ai l’impression d’avoir raté ma vie. Je continue de venir au Ccf parce que j’espère un miracle", avoue le jeune bâchelier de 23 ans. Le manège, lui, dure depuis ce jour de septembre 2005 où on lui a annoncé, au consulat de France, qu’il ne pourrait pas aller faire ses études de médécine dans ce pays, faute d’un avis académique favorable. Mais le miracle n’aura pas lieu. Du moins pas pour cette année académique. " Ils ne m’ont pas expliqué pourquoi je n’ai pas eu cet avis. J’ai passé un entretien et je pensais que tout se passerait bien. Mon dossier était complet. Mais au consulat, on m’a dit au dernier moment que je n’irais pas", raconte le jeune homme qui a dû s’inscrire à l’université de Ngoa-Ekellé. "malgré moi".
Jusqu’alors, cette décision revenait aux écoles sollicitées qui se basaient sur les bulletins scolaires envoyés par les postulants. Désormais, seul l’avis académique du Ccf compte. Il est donné par les responsables du Ccf, après un entretien avec les candidats qui veulent faire des études en France. L’entretien porte essentiellement sur le parcours académique de l’étudiant, son niveau, ses aspirations sur les études à entreprendre à l’etranger. De même, une participation aux frais de 10.000 Fcfa est demandée lors du dépôt du dossier. Elle correspond aux frais de gestion et de transmission des candidatures, et comprend les frais liés aux entretiens pour la délivrance des avis académiques.
" Il est question de faire le rapport entre ce que le candidat a fait comme études ici et ce qu’il va aller faire en France. Parfois, les étudiants vont pour autre chose et profitent du visa étudiant pour s’installer là-bas clandestinement ", explique une source au Ccf de Yaoundé. Il est également question d’encourager les étudiants camerounais à faire leurs études dans leur pays, dans des filières qui existent déjà. "Pourquoi aller faire des études de médécine en France, même si le niveau est meilleur, alors que des facultés existent au Cameroun?", demande notre source.
Une explication que Florence Bayihan ne comprend pas. Elle a d’ailleurs décidé, à 26 ans, d’abandoner ses études et de chercher du boulot : " J’ai vraiment été marquée. Je souhaitais obtenir le visa pour des études de commerce à Lille depuis 4 ans. Et pour une fois que mon dossier n’avait pas de problème, on me refuse l’autorisation pour une affaire d’avis académique dont je ne suis même pas au courant ", affirme-t-elle. Une ignorance dans laquelle était plongée une grande partie des candidats aux études en France qui n’ont appris l’existence de l’avis académique qu’au moment où ils se sont rendus au consulat pour l’obtention de leur visa. " Nous avons été pris de cours, nous n’étions pas prévenus. Ni par le consulat lors de la composition de nos dossiers, ni par les écoles françaises au moment des pré-inscriptions. Nous ne disposions que de quelques semaines alors pour obtenir le fameux document ", s’insurge Anabelle Ngoumou, qui n’a pas pu voyager cette année.
Pourtant, dans un dossier de presse présenté par l’Ambassade de France, le 10 mars dernier à Yaoundé, il est clairement dit que l’avis académique est nécessaire "à la délivrance d’un visa pour études ", au même titre qu’un certificat de pré-inscription dans l’université désirée. De même, " cet avis est établi par le service de coopération et d’action culturelle au vu des pièces fournies par l’étudiant ainsi que les éléments recueillis au cours d’un entretien obligatoire qui se déroulera de juillet à octobre au Centre Culturel français de Yaoundé. L’avis académique est confidentiel. Il est communiqué directement au Consulat de France et fait partie des pièces exigées pour toute demande de visa pour études ".
Si l’utilité de l’avis académique n’est pas démontrée, malgré nos multiples demandes restées vaines au consulat de France à Yaoundé, il est toutefois précisé que le dépôt d’un dossier ne préjuge pas de la décision qui sera prise quant à la délivrance du visa étudiant. par ailleurs, sont considérés comme critères d’évaluation dans ce cadre, outre la conformité du dossier de demande d’admission et le respect des conditions exigées par le consulat de France en matière de visas, les éléments suivants : l’âge du candidat, les notes obtenues au baccalauréat et la qualité du dossier scolaire en relation avec la spécialité choisie, la continuité et la cohérence du cursus scolaire et universitaire et la possibilité ou non d’effectuer au Cameroun les études envisagées.