Vingt conseils pour réussir ses études de droit

Vingt conseils pour réussir ses études de droit
Source : Le Figaro
Ils sont, cette année, 175 900 apprentis juristes inscrits en faculté pour la rentrée d’octobre
Vingt conseils pour réussir ses études de droit
A la rentrée universitaire, début octobre, 175 900 étudiants prendront le chemin de la faculté de droit (pour 1 360 000 étudiants au total), dont 65% de femmes. Parmi eux, un peu moins de 25 000 (soit 5,2% des bacheliers cru 2004) entreront en 1re année, pour la première fois. De fait, ils seront à peu près la moitié à en refaire une l’année suivante. Le taux de réussite au DEUG de droit en deux ans, n’est que de 35%. Afin de les guider et de les aider à accomplir leurs études avec succès, nous avons interrogé Stéphane Guérard, maître de conférences en droit public à la Faculté de droit de l’Université de Lille II, membre du Centre d’études et de recherches administratives, politiques et sociales (Ceraps, CNRS), chargé de cours à la Faculté libre de droit, d’économie et de gestion (FACO) de Paris et à la Faculté libre de droit (FLD) de l’Université Catholique de Lille. Voici ses 20 «indispensables».
Justine Ducharne
[15 septembre 2004]

PROLOGUE

Au préalable, il ne faut pas oublier que même les génies doivent travailler pour réaliser de grandes choses.

LES ACQUIS

1. – Parler, écrire et comprendre le français
Le droit est une matière intrinsèquement littéraire et pratiquement plutôt scientifique. En effet, il se lit à travers les codes et la jurisprudence, avant de se comprendre, et ensuite seulement de s’apprendre. Et d’autant plus que pour «faire du droit» le juriste aime jouer avec les mots. Il est donc préférable de lire plutôt que de s’avachir devant l’intégrale en DVD de la série «Friends».

2. – Savoir parler
Hélas, aujourd’hui, un grand nombre de matières orales se passent à l’écrit du fait du grand nombre d’étudiants. Pourtant, par tradition, le juriste est recherché pour son talent oratoire. Cela est vrai pour les avocats mais ce n’est pas la seule profession juridique, et encore moins la seule profession où l’on trouve un grand nombre de juristes, qui réussissent grâce à un tel talent. Les milieux de la publicité, du journalisme et de la communication en général sont de plus en plus envahis par les juristes. Pour les timides, un seul remède : le théâtre.

3. – Savoir se présenter, se tenir
Certes, aujourd’hui, il est de bon ton d’afficher un «négligé bien réglé». Toutefois, malheur à celle qui, tout ventre dehors, passe son oral de Droit des Institutions Administratives en argumentant non de connaissances mais de son nouveau piercing au nombril. Résultat : note piercée aussi, dégonflée à 4/20. Il est utile, après une nuit blanche de révision, de passer par la salle de bains avant de passer l’oral. Les facs de Droit sont des lieux encore relativement policés alors gare aux étudiants trop laxistes. Etre étudiant, c’est aussi se comporter comme un préprofessionnel.

4. – Savoir utiliser un ordinateur
C’est aujourd’hui, professionnellement, un acquis évident donc implicite. Les filles doivent couper leurs ongles joliment manucurés pour s’habituer à taper avec de plus en plus de dextérité sur le clavier et rendre en TD (séances méthodologiques de mise en pratique des matières juridiques d’écrit) des devoirs tapés. Quant à la maîtrise des logiciels, nombreux, complexes et variés, pas de panique, le juriste fait un usage basique de l’ordinateur. Pour lui, l’ordinateur est, professionnellement, une machine à écrire du XXIe siècle doublée d’un centre de gardiennage de ses informations et d’archivage de ses dossiers.

5. – Manier parfaitement l’outil internautique
Il existe aujourd’hui un grand nombre de sites juridiques. Ces derniers font gagner beaucoup de temps aux juristes dans la recherche d’informations fondamentales et surtout actualisées.

LES MÉTHODES ACQUISITIVES

6. – Comprendre avant d’apprendre
La tête d’un bon juriste doit être bien faite avant qu’elle ne soit trop remplie. On n’apprend pas les codes par coeur d’une part parce que le droit change et évolue quotidiennement, et d’autre part, parce qu’un texte sans la jurisprudence (c’est-à-dire l’ensemble des décisions de justice importantes) donne une vision incomplète du droit positif.

7. – Travailler régulièrement
Le travail régulier est plus important que le travail par «à-coup» au moment des révisions semestrielles à renfort de litres de café et de nuits blanches. Dès lors, et spécifiquement pour la préparation des TD, il faut que le travail soit maîtrisé mais hebdomadaire.

8. – Organiser son emploi du temps
Il s’agit là d’un réflexe préprofessionnel. Chaque semestre (il y en a deux dans une année universitaire) dure environ douze semaines (drôle de semestre au demeurant). Durant ce laps de temps, l’étudiant doit assimiler vite et bien, d’autant que les examens enchaînent presque la fin des cours. Sans oublier que le contrôle continu en TD détermine partiellement les notes des matières écrites. Ainsi, l’étudiant doit convaincre de ses capacités en un temps record. Le temps sert à apprendre, et le juriste doit apprendre à s’en servir utilement.

9. – Privilégier les matières écrites
Même si la semestrialisation met quasiment au même niveau toutes les matières du semestre, l’étudiant intelligent, qui voit plus à long qu’à court terme, doit privilégier les matières écrites. Pour ce faire, il ne doit pas, au-delà de la préparation régulière de TD y afférents, négliger de les approfondir et de lire des articles voire des ouvrages parallèlement. La plus grande critique – elle est hélas régulière – des enseignants à l’égard d’un grand nombre d’étudiants : leur absence de curiosité intellectuelle.

10. – Travailler en équipe de deux ou trois
Inutile de se forcer : il faut faire équipe avec des personnes avec lesquelles on s’entend bien. En effet, à trois voire à quatre grand maximum, on se pose plus de questions. Cela permet, en tant que futur professionnel, d’apprendre à travailler en équipe. Il faut passer outre l’un des nombreux paradoxes français qui consiste à favoriser l’individualisme en société et à l’université, alors que le monde du travail privilégie considérablement le travail en groupe. Il faut éviter de devenir inadapté au monde moderne de l’entreprise.

LES «À-CÔTÉS» À DÉVELOPPER OU À PRÉVOIR

11. – Apprendre les langues
Les connaissances linguistiques sont essentielles, même pour un juriste, d’autant plus qu’avant de s’internationaliser, le droit se communautarise. Il faut absolument que le juriste continue, sur son temps libre, à approfondir une ou deux langues étrangères. La langue de William Shakespeare est indispensable.

12. – Optimiser le système LMD
Un étudiant en droit confiant dans l’avenir, doit profiter du système LMD en prévoyant, au regard du 11e conseil, mais aussi et surtout de son avenir, un semestre d’études dans une faculté de droit européenne en priorité, voire hors de l’Union européenne. Le coût n’est pas obligatoirement un obstacle : de nombreux systèmes de bourse existent.

13. – Faire des stages
L’étudiant en droit veillera annuellement à trouver un stage, si possible rémunéré. Celui-ci permet à l’étudiant, simultanément à son cursus, de découvrir ses aspirations professionnelles ou – c’est tout aussi important – ce qui ne l’attire pas du tout. De surcroît, plus les années avancent, plus le stage responsabilise l’étudiant. Sans oublier que, lors d’un futur entretien d’embauche, il convient de valoriser ces stages, fort bien vus par les employeurs potentiels.

14. – S’intéresser à l’actualité
C’est une nécessité parce que le droit vise à régir une société composée d’êtres biens vivants, voire mortels. On ne comprend mieux le droit qu’en appréhendant la société dans laquelle il a vocation à s’appliquer et qu’en connaissant mieux la nature humaine. Au-delà de la psychologie, soit disant plus féminine que masculine, la bonne connaissance de l’actualité permet de mieux percevoir et maîtriser les évolutions juridiques fondamentales.

15. – Se cultiver
Le bon juriste doit non seulement lire du droit au delà du raisonnable, mais il doit aussi lire tout court, et pas seulement pour maîtriser le français. En effet, un grand nombre de concours (avocature, magistrature, concours administratifs très nombreux en période de papy-boom de la fonction publique, écoles de journalisme, Sciences po…) sur lesquels débouchent les études de droit, font appel à une culture générale importante ; très souvent, ces concours comprennent une épreuve écrite voire orale de Culture gé, parfois fortement coefficientée. Le juriste doit être, au regard du 14e conseil, une sorte de philosophe des Lumières perdu au XXIe siècle. L’avantage, c’est que le kitch est «très tendance» : le «come back» de Danièle Gilbert à la «Ferme» ou de Chantal Goya en «boîte» ne le prouve-t-il pas avec force et vigueur ?

LES TRUCS AUXQUELS IL FAUT PENSER

16. – Réfléchir beaucoup avant de parler
Cela peut paraître une lapalissade mais un juriste doit toujours réfléchir beaucoup avant d’écrire ou de parler. Le droit n’est pas, loin s’en faut, seulement une matière à connaître, mais bien plutôt, un domaine de réflexion, de démonstration et d’argumentation. Après quelques années de Droit, l’étudiant peut ainsi réussir, à force de raisonnement, à obtenir la voiture de ses parents le week-end, la maison vide, le réfrigérateur plein, à vider la cave, et en prime, de l’argent de poche et un sourire satisfait de ses parents. Tout est une question autant de forme que de fond.

17. – Préparer la rentrée suivante
Il convient de passer une partie de ses grandes vacances à préparer, un peu, la rentrée prochaine, particulièrement les matières d’écrit, en lisant quelques ouvrages de Droit. En un mot : il faut anticiper.

18. – Préparer les débouchés
Il importe durant ses études, et en toutes occasions (salons de l’étudiant, centre de documentation et d’orientation, repas avec des amis des parents, rencontre avec les juristes conseillant la famille…), de s’informer des débouchés du droit. On fait des études de Droit pour en vivre. À cet égard, il ne faut jamais hésiter à aller interroger les professionnels, quitte à provoquer les rencontres, en évitant de trop parler de soi.

19. – Bien choisir ses matières
En L (Licence, 1er cycle à bac+ 3), le choix des matières est essentiel dans la mesure où souvent il peut déterminer l’admission en M (Master, 2e cycle à bac+ 5). Dès la 2e, voire la 3e année de L, l’étudiant doit avoir une idée assez exacte de son avenir professionnel, et par-là même du Master qui l’intéresse. Ainsi, il fera des choix d’autant plus judicieux de matières en 3e année de L qu’il aura en tête une profession et un Master précis.

20. – Fouiller, synthétiser
Pour résumer, il convient de rappeler qu’un bon étudiant en droit doit savoir en fin de 2e cycle où chercher l’information juridique, comment la trouver et construire un raisonnement structuré.

ÉPILOGUE

Si la majorité des juristes n’exercent pas un métier juridique, c’est parce que leur formation les amène souvent à très bien se débrouiller professionnellement hors des arcanes du monde juridique. Et ce, parce qu’ils sont fort recherchés, dans des domaines professionnels très différents et variés, du fait de leur esprit de synthèse, de la clarté de leur exposé oral et de leurs qualités de réflexion et d’aisance dans l’exposé écrit.
En somme, le bon juriste, professionnel opérationnel, est un scientifique partiellement loupé et un littéraire un peu raté. Ni trop, ni trop peu, la juste mesure aristotélicienne.

A suivre : les 20 conseils pour réussir ses études de sciences éco à la fac, par Antoine d’Autume, professeur à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, polytechnicien, docteur en économie.

3 Comments

  1. Merçi pour les nombreux conseils. Je suis étudiant en L1 droit à L’Université Omar Bongo , et j’avoue que vos dires sont de portée utile. Aussi , selon que vous le pouviez , j’aimerai avoir votre aide sur des questions plus spécifiques au droit lorsque le besoin se fera , s’il vous plaît…

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