Europe : sans-papiers, impossible de se faire soigner
(Syfia Belgique) Le droit d’accès aux soins de santé pour les migrants sans-papiers, notamment africains, est très peu respecté en Europe. C’est ce que met en lumière une récente enquête menée par Médecins du Monde dans 11 pays de ce continent. Les plus marginalisés : les femmes enceintes et les enfants.
Deux ans après la publication de son premier rapport sur la santé des migrants, Médecins du Monde (MDM) a présenté fin septembre une enquête inédite, portant sur des témoignages de près de 1 220 sans-papiers vivant dans 11 pays européens. Ce document fournit un éclairage sur l’accès à un traitement médical de populations mal connues, pauvres et parmi les plus discriminées.
MDM s’est particulièrement intéressé à la situation des femmes enceintes et des enfants, qui figurent parmi les plus vulnérables. Parmi les facteurs qui affectent le développement et la santé des enfants, les enquêteurs citent les déménagements à la suite d’expulsions et les hébergements temporaires qui occasionnent des ruptures dans le suivi médical des familles.
Pour les femmes enceintes, le Dr Michel Degueldre de MDM Belgique, souligne "l’absence de suivi de grossesse adapté". Comme G., une Camerounaise vivant en France, dont le témoignage est repris dans le rapport : "Sans autorisation de séjour, elle n’avait pas de suivi médical et vivait dans des arrière-boutiques, des squats, parfois en foyer avec sa première fille. Son bébé est né en 2008". F., Ougandaise vivant au Royaume-Uni, n’a pas eu plus de chance : "À cinq mois de grossesse, je me sentais mal et je me suis rendue chez un médecin généraliste. Son cabinet a refusé de m’enregistrer, faute de papiers. À l’hôpital, je devais payer 2 800 €, que je n’avais pas. En guise de réponse, on m’a demandé d’aller accoucher chez moi".
Selon le Dr Degueldre "pour plus de la moitié de ces femmes enceintes, l’absence de suivi, les accouchements en urgence et les départs précipités de la maternité, de peur d’être arrêtées, constituent un risque pour elles et leur enfant". Et le médecin de rappeler la Convention internationale des droits de l’enfant qui stipule que "les "États prennent des mesures pour assurer les soins pré et postnataux des mères".
Disparités législatives
Il n’ y a pas que les femmes enceintes et les enfants qui rencontrent des obstacles dans leur parcours de santé. Selon les conclusions du rapport, "au moment de l’enquête, 80% des sans-papiers rencontrés ne bénéficiaient d’aucune prise en charge financière lors de leur dernière maladie, du fait de lois restrictives, du manque d’informations, de contraintes administratives voire de pratiques discriminatoires". Parmi les obstacles à un suivi médical adapté, le Dr Teresa Gonzalez, de MDM Espagne, cite la complexité des systèmes de santé, le coût élevé des prestations, la peur des arrestations, le refus de soins de la part de certains prestataires et le racisme dans la vie courante.
L’accès aux soins pour les migrants varie selon les pays. En Belgique, en Espagne, en France, en Italie, aux Pays-Bas et au Portugal, des lois prévoient la prise en charge de tout ou partie des traitements. Mais, dans le cas de la Belgique, "les contraintes administratives labyrinthiques", selon les termes du Dr Gonzalez, conduisent bien souvent au recours tardif ou au renoncement à bénéficier de ce droit.
Ainsi, selon le Dr Olivier Bernard de MDM France, 72 % des personnes ne sont pas ou sont peu suivies médicalement et 45 % pas du tout. Résultat : "1/3 des personnes interrogées se trouve dans un mauvais état de santé", explique encore le Dr Bernard. Et plus de 30 % des médecins interrogés diagnostiquent des pathologies chroniques (troubles du système digestif, diabète, hypertension artérielle, dépression, troubles neurologiques).
Alerter les institutions européennes
D’après les témoignages recueillis auprès des professionnels de santé, les conditions de vie et de travail des sans-papiers interrogés sont pathogènes. "Logements insalubres, précaires et surpeuplés, travail de nuit et dans de mauvaises conditions mettent en danger la santé", lit-on dans le rapport. À l’image de M., un Malien rencontré par MDM, dont les enfants sont atteints de saturnisme, une intoxication au plomb due à l’insalubrité du logement qu’ils occupent en banlieue parisienne.
MDM plaide pour un accès égal à la prévention et aux soins pour toutes les personnes vivant en Europe et demande que la question soit prise en compte par les institutions européennes, le Parlement, mais aussi les États membres. Selon le Réseau européen pour un accès aux soins non discriminatoire pour les sans-papiers et les demandeurs d’asile (HUMA) qui vient de réaliser une étude comparative détaillée dans 10 États membres de l’UE, "la santé ne doit pas être considérée comme un élément de contrôle de l’immigration". Pour MDM et HUMA, l’accès aux soins ne doit en effet pas avoir pour objectif de décourager ni l’entrée, ni le séjour de nouveaux migrants.
Par Seydou Sarr
2/10/2009
Source: http://www.syfia.info