Barème de notation
Source : http://www.er.uqam.ca
Sur une fausse note
A,B,C,D,E. L’alphabet uqamien s’arrête ici. Si certains considèrent ces lettres anodines, d’autres en font plutôt une obsession.
Julie Corbeil
À l’UQAM, comme dans plusieurs universités, les départements sont libres de choisir leurs barèmes de notation. L’excellence suprême, le fameux A +, correspond donc à des valeurs différentes selon le champ d’études de l’étudiant. Par exemple, l’étudiant en science politique doit fournir une note supérieure à 97 %, tandis que celui en philosophie reçoit un A + dès qu’il franchit la barre des 90 %. Discrimination? Injustice? Les universitaires soumis à un barème plus sévère doivent-il s’indigner?
La valeur des notes prend tout son sens quand un étudiant aspire à une bourse d’excellence. Cette aide financière est distribuée aux uqamiens, tous programmes confondus. Cette problématique constitue le casse-tête du Comité d’attribution des bourses d’excellence, composé d’un représentant de chaque faculté. «Les dossiers d’étudiants de premier cycle ne sont pas évalués uniquement sur la base de leur moyenne générale. D’autres critères entrent en ligne de compte, comme les lettres de référence, le besoin financier du demandeur et son implication sociale et communautaire», clarifie le président de la section de l’aide financière de l’UQAM, Daniel Gourde. Le processus de comparaison des résultats fait preuve de rigueur. Les noms de tous les étudiants ayant accumulé plus de 60 crédits se retrouvent dans un énorme cartable. La moyenne générale sert d’indicateur pour classer les dossiers. «En somme, un candidat au quatrième rang dans un programme de 400 personnes — comme c’est le cas dans le baccalauréat en administration — est favorisé par rapport à celui qui se retrouve quinzième sur un groupe de 30, explique-t-il en feuilletant l’interminable banque de données. Nous tentons de tuer toute forme de subjectivité dans le processus de sélection».
Mais le rapport des étudiants aux notes ne se limite pas à l’accréditation de bourses. Le choix du barème de notation peut avoir un impact sur le moral de l’étudiant. «On me parle parfois de la déception que cause un B – qu’on aurait bien voulu voir se transformer en A, par exemple», explique la psychologue au soutien psychologique des Services à la vie étudiante (SVE) de l’UQAM, Sylvie Muloin. Plus de 10 % des étudiants qui consultent ce service sont préoccupés par leurs performances académiques. Ironiquement, de nombreux étudiants en psychologie profitent du soutien moral de l’UQAM, car ils doivent obligatoirement atteindre le doctorat pour pratiquer leur profession. D’autres, comme les universitaires en sciences de la gestion, sentent une pression énorme face à l’approche de l’Examen national d’admission de l’Ordre des comptables en management accrédités (CMA). «La pression pour les notes prend une ampleur démesurée», s’indigne Sylvie Muloin.
Elle observe la tendance qu’emprunte la société actuelle et note que les exigences augmentent sans cesse. «Il y a de plus en plus de gens scolarisés, la compétition est plus féroce et le marché du travail est saturé.» Dépressions, anxiété et même idées suicidaires sont fréquentes chez les gens préoccupés par leurs notes.
Influencés par cet appétit pour la performance, plusieurs départements de l’UQAM ont ajusté récemment leur tableau d’évaluation. À la session d’hiver 2004, l’étudiant en communications qui obtenait un 80 % pour un travail se voyait attribuer la note A -. Aujourd’hui, ce même pourcentage équivaut à un B -. Le directeur du programme, Pierre Mongeau explique qu’il voulait ainsi normaliser l’ensemble des notes pour que l’étudiant exceptionnel se distingue de celui qui est excellent. «On sait que la compétition est très forte en communication puisque tous nos programmes sont contingentés. C’est pourquoi nous avons décidé d’appliquer un barème plus discriminant.» Mais les étudiants perçoivent le changement autrement. «C’est un choc quand on est habitué de voir des A dans son bulletin. Maintenant, ça va devenir presque impossible d’en obtenir», s’inquiètent des étudiantes en communication. Ce stress n’est pas vécu par certains de leurs collègues en science politique. «Avec les longs travaux de recherche que nous avons à remettre, les professeurs assignent rarement des notes aussi élevées.»
Si chacun d’entre eux peut disposer de sa propre grille d’évaluation, la valeur des notes perd un peu de son sens à l’extérieur d’un programme donné. De plus, comme le barème de notation est seulement suggéré et que l’enseignant peut établir sa grille de correction personnelle, l’uniformité devient carrément utopique. La meilleure protection pour les étudiants demeure donc l’entente d’évaluation signée en début de session, mais celle-ci demeure, pour certains, trop souvent prise à la légère.