Un étudiant sourd du Mali à l’université Gallaudet (Etats-Unis)
Un nouvel étudiant à l’université Gallaudet a réussi quelque chose de presque impossible. Né en 1981 au Mali, Dana Benjamin Diarra a relevé des défis énormes et est parvenu, grâce à ses efforts et à sa persistance, à entamer des études supérieures. Il est entré cet automne à Gallaudet, la seule université du monde à être spécifiquement conçue pour donner aux sourds et aux malentendants un accès égal à l’éducation.
À l’âge de six ans, M. Diarra avait déjà perdu le sens de l’ouïe et est allé pendant quelque temps à une école pour sourds dans sa région natale de Ségou. Puis son père apprit l’existence de l’École pour les déficients auditifs à Bamako ; le jeune Diarra partit pour la capitale, à 240 kilomètres de chez lui, pour apprendre le langage gestuel. Élève brillant, il ne tarda pas à y exceller et fut envoyé en France pour obtenir un certificat de formateur en langue des signes. Il revint ensuite à Bamako en tant qu’enseignant pour les plus jeunes élèves de son ancienne école.
Dans le système éducatif local, il n’y avait pas de collèges pour les malentendants au-delà de la troisième. Pour poursuivre des études secondaires, M. Diarra s’inscrit dans une école où la langue des signes n’était pas utilisée. Mais cela ne l’empêcha d’être premier de sa classe en suivant les cours sur le tableau et les notes que prenaient ses camarades.
Selon Mme Kathleen Peoples, qui est diplomate à l’ambassade des États-Unis à Bamako et avait travaillé auparavant à l’université Gallaudet, il est difficile pour les enfants handicapés d’avoir accès à une éducation valable dans une grande partie d’Afrique. Les ressources sont maigres et l’infrastructure inadéquate. Souvent, les parents ne savent pas que leurs enfants seraient capables d’apprendre pour peu qu’on leur donne les outils nécessaires. Mme Peoples a dit que les enfants sourds contribuent fréquemment au revenu de leur famille en faisant du travail domestique ou en mendiant bien qu’ils soient en mesure de faire beaucoup plus.
M. Diarra dit que c’est grâce aux encouragements de ses parents, et surtout de son père, qu’il a poursuivi son objectif. Son père le conduisait à l’école et ses frères et sœurs l’ont aidé à avoir confiance en lui-même. Excellent élève, M. Diarra réussit à impressionner le directeur de l’école qui était sceptique quant à son potentiel. Et cela poussa ce dernier à convaincre le ministère malien de l’éducation que les déficients auditifs pouvaient être éduqués. Également impressionnés, les camarades de M. Diarra apprirent eux aussi la langue des signes.
« Les sourds le peuvent », affirme sans équivoque M. Diarra, souhaitant éliminer l’idée répandue en Afrique qu’un enfant sourd n’a pas d’avenir. Et cette phrase concorde bien avec celle du premier président sourd de l’université Gallaudet qui avait déclaré : « Les gens sourds peuvent tout faire à part entendre. »
M. Diarra a bénéficié du soutien de nombreuses personnes qui avaient reconnu son potentiel. En 2008, il était interprète pour un étudiant américain de l’université du Texas qui faisait des recherches au Mali et qui l’avait présenté à Mme Peoples. Celle-ci a vu l’élan et l’intelligence de M. Diarra, et consciente des possibilités limitées d’une éducation supérieure pour lui au Mali, elle a consulté ses anciens collègues à Gallaudet puis a soumis son nom comme candidat à la World Deaf Leadership Scholarship, une bourse qui vise à donner aux sourds les moyens de jouer un rôle significatif dans la société et qui est financée par la fondation Nippon. Accordée chaque année à un ou deux étudiants de pays en développement, cette bourse fournit les fonds nécessaires pour obtenir un diplôme de quatre ans à Gallaudet et pour une cinquième année d’études visant à aider les récipiendaires à faire une différence au niveau de l’éducation des sourds dans leur pays d’origine.
M. Diarra a obtenu l’une de ces bourses et est arrivé à l’université Gallaudet en août.
Une seule bourse d’études mais de nombreux bénéficiaires
Environ 1.700 jeunes étudient à l’université Gallaudet, qui se trouve dans un quartier boisé au milieu de la capitale très urbaine des États-Unis et où ses bâtiments de style victorien et leurs tourelles construits de grès rouge se dressent aux côtés d’immeubles modernes tout brillants, de terrains sportifs et de dortoirs. Quelque 10 % des étudiants viennent de l’étranger.
« Je suis fier et reconnaissant de me trouver ici », a dit M. Diarra à America.gov. « Maintenant que je suis à Gallaudet, je sais que je pourrai faire d’importantes contributions pour améliorer l’éducation des sourds quand je rentrerai au Mali. C’est grâce à la World Deaf Leadership Scholarship, à l’université Gallaudet, à Mme Kathleen Peoples, aux autres personnes qui m’ont aidé et à ma famille que je suis parvenu à ce point. »
À la question relative au message qu’il souhaiterait transmettre aux autres élèves sourds d’Afrique, M. Diarra a dit qu’il les encourageait à être patients et à persévérer, surtout s’ils ne vont pas à des écoles pour malentendants. « Ils doivent solliciter l’aide du directeur et continuer à faire pression. L’alphabétisation est essentielle », a déclaré M. Diarra.
« De nombreux parents pensent que leurs enfants sourds ne peuvent pas apprendre mais nous devons partager avec eux notre expérience pour que tout le monde sache que ces enfants peuvent apprendre. »
M. Diarra, qui a commencé ses études à Gallaudet à l’Institut de langue anglaise, a dit que les deux premières semaines étaient remplies d’expériences nouvelles et qu’il avait particulièrement aimé rencontrer les autres étudiants sourds et connaître leur histoire.
Pour l’enseignant Alexander Quaynor, l’enfance de M. Diarra au Mali lui a rappelé des souvenirs de sa propre enfance au Nigéria où il a grandi sans pouvoir entendre. M. Quaynor dit avoir eu la chance de travailler directement avec le pionnier de l’éducation pour les sourds, M. Andrew Foster, qui avait été le premier Américain noir à obtenir un diplôme à Gallaudet. M. Foster s’était rendu en 1957 en Afrique en tant que missionnaire, convaincu avec passion de l’importance de donner à tous les enfants sourds accès à l’éducation. Il a fondé plus de trente écoles pour eux sur le continent, notamment au Bénin, au Congo, au Tchad, en Côte d’Ivoire, au Kenya, au Nigéria, en Sierra Leone et au Cameroun.
L’adage de M. Foster, « Ne dites jamais « je ne peux pas » avant d’avoir essayé », est un conseil qui occupe constamment les pensées de M. Quaynor.
M. Diarra a dit qu’il ne serait pas le seul à tirer profit de la bourse financée par la fondation Nippon ; en profiteront aussi tous les Maliens sourds qui obtiendront une éducation parce qu’il aura utilisé cette bourse pour élargir leur accès aux études dans son pays.
« La fondation Nippon, par le biais de ses programmes de bourses à Gallaudet, a touché de nombreuses vies et a aidé à changer le statut des personnes sourdes dans leur société et ce dans le monde entier », a dit M. Asiah Mason, directeur des programmes pour les étudiants étrangers à Gallaudet. « La bourse est décernée à une seule personne mais le travail que les diplômés font quand ils rentrent dans leur pays transformera leurs collectivités, la politique des gouvernements à l’égard des personnes handicapées et bien d’autres choses. »