Sénégal : la loterie pour émigrer en Espagne
Assis sur la plage de Thiaroye sur mer dans la banlieue de Dakar, Cheikh Faye se souvient de la tempête qui a brisé sa troisième tentative d’émigrer en Europe dans l’espoir d’une vie meilleure.
”Nous étions en pleine mer lorsque soudain les deux moteurs de notre embarcation se mirent à l’arrêt, nous nous sommes ensuite retrouvés sans eau ni nourriture. Nous étions 80 personnes dans la pirogue et au bout de cinq jours mes compagnons commencèrent à tomber malades et se mirent à vomir.”
”Près de la moitié d’entre eux décéderont par la suite, nous n’avions d’autres choix que de les jeter dans l’océan. Mon propre frère décédera aussi dans mes bras- j’ai fini par le jeter à l’eau’’, raconte Cheikh.
Les survivants seront ensuite secourus par un navire de pêche mauritanien qui les ramena vers une destination qu’ils ne souhaitaient sans doute pas, c’est-à-dire chez eux au Sénégal.
Depuis quelque mois, la présence de navires de surveillance rend plus difficile l’immigration clandestine vers l’Europe.
L’année dernière, seuls 8.000 clandestins ont pu atteindre les îles Canaries contre 31.000 en 2006.
C’est dans ce contexte que l’Espagne tente d’offrir des emplois légaux afin de limiter davantage l’afflux des clandestins.
Loterie
Aliou Thiam, 35 ans, est rentré à Dakar au mois de mars dernier après avoir obtenu un contrat de neuf mois en Espagne.
Son travail consistait à récolter des pommes et des poires dans la région de Catalogne.
”Si je travaillais tous les jours de la semaine, j’aurai pu gagner la somme de 600.000 CFA et envoyer les deux tiers de mon salaire à ma famille.’’, dit-il.
Aliou, qui devrait sous peu retourner en Espagne pour un nouveau contrat, ne manque pas de saluer ce projet qui lui a permit de trouver un emploi après cinq ans au chômage.
Bienvenue à la grande loterie pour l’emploi espagnol !
”Lorsque le ministre espagnol a annoncé le programme, nous avons été inondés de demandes.
En l’espace de deux semaines seulement, près de 10.000 personnes ont déposé leurs dossiers”, se rappelle Daba Thiaw, directrice de l’Agence pour l’emploi des jeunes ou des caisses remplies de demandes sont encore visibles.
Disparitions
Grâce à ce programme, près de 1.400 personnes ont pu obtenir des contrats de quatre à douze mois en Espagne pour la cueillette des fruits ou encore les travaux de nettoyage dans les hôtels.
Mais une fois en Espagne, le retour au pays ne semble pas toujours garanti pour les immigrés.
En effet, un tiers d’entre eux ont disparu dans la nature devenant ainsi des clandestins.
Toutefois, d’après le gouvernement espagnol, les mentalités commencent à changer.
Selon lui, les immigrés comprennent de plus en plus que la pérennisation du programme dépend du respect des contrats signés avec le pays d’accueil.
Attendant patiemment avant d’ajouter son nom à la longue liste, Ousmane Pathé Diao, rêve, lui aussi, de décrocher un contrat.
”J’ai toutes les qualifications requises et je suis prêt à partir. J’ai cherché en vain un emploi au Sénégal”, explique-t-il serrant un classeur rempli de diplômes.
Mais en dépit de la frustration qu’il ressent, il confie qu’il n’est pas prêt à embarquer dans une pirogue de fortune pour se rendre en Espagne.
”Non, non, non, je ne suis pas prêt à risquer ma vie en mer. Je suis l’aîné d’une famille et je ne veux pas mourir et laisser mon jeune frère dans des difficultés”, confie-t-il.
Source: http://www.bbc.co.uk
17/07/08