Sans papiers – L’Europe désunie

L’Express du 16/05/2005
Sans papiers
L’Europe désunie

par Boris Thiolay

Contre l’immigration clandestine, la France sévit, l’Espagne s’adoucit, l’Italie et le Royaume-Uni varient…

A chacun ses clandestins? En matière de lutte contre l’immigration irrégulière, on pourrait croire que les cinq grands pays d’Europe occidentale composant le G 5 – Allemagne, Espagne, France, Grande-Bretagne et Italie – sont unis comme les doigts de la main. Voire. Le 11 mai, Dominique de Villepin, ministre français de l’Intérieur, a présenté un nouveau plan d’action pour renforcer les moyens de contrôle aux frontières et augmenter le nombre d’expulsions d’immigrants en situation irrégulière (15 660 en 2004, 20 000 prévues en 2005). En précisant qu’il y aurait en France «entre 200 000 et 400 000 clandestins». Parmi les huit mesures annoncées, la création d’une police de l’immigration et l’installation d’un Office central de lutte contre le travail illégal. Avec un mot d’ordre: «Pas de régularisation collective pour les sans-papiers.»

Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà? Le 7 mai dernier, le gouvernement espagnol a clôturé sa quatrième campagne de régularisation massive depuis 1990. En deux mois, plus de 600 000 sans-papiers se sont vu attribuer un permis de séjour. Cela afin «de mettre au jour tout un pan de l’économie souterraine et de contrer les mafias» qui exploitent les travailleurs invisibles. L’Italie, qui, en 2004, a effectué près de 40 000 expulsions, avait, deux ans auparavant, également procédé à une régularisation massive. «Derrière une apparence d’unité, les Etats européens de l’espace Schengen font absolument ce qu’ils veulent, sans prévenir leurs partenaires», constate Jean-Pierre Garson, chef de la division des migrations internationales de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Ainsi, en quelques années, le Royaume-Uni est passé d’une politique d’ouverture à un net durcissement des conditions d’entrée. Il est vrai que, en 2002, la Grande-Bretagne avait enregistré 110 000 demandes d’asile.

Pourquoi de tels revirements? Les pays européens calquent désormais leur politique migratoire sur leurs besoins économiques. L’Allemagne a opté pour une immigration sélective, tournée vers l’emploi. Seuls les étrangers hautement qualifiés sont persona grata. En revanche, l’Espagne, où l’agriculture, le tourisme et la construction connaissent une forte croissance, peut se permettre d’absorber des centaines de milliers de travailleurs de l’ombre.

Reste que le processus de régularisation espagnol a eu le don d’irriter ses voisins. En premier lieu la France. «Cette démarche ne résout rien: le travailleur régularisé est aussitôt remplacé par un autre clandestin, affirme le ministère de l’Intérieur. Cela crée un appel d’air qui est préjudiciable pour les Etats limitrophes.» Depuis quelques mois, plusieurs dizaines de milliers d’immigrés clandestins, en quête d’un sésame en Espagne, ont été refoulés à la frontière franco-espagnole par la Guardia civil. Où sont-ils aujourd’hui?

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