Rwanda, Burundi: Ceux qui fuient devront rembourser leurs études
Par Albert-Baudoin Twizeyimana, Jacques Bukuru
Source:http://syfia-grands-lacs.info
(Syfia Grands Lacs/Burundi) Plus question d’investir dans la formation d’étudiants qui ne travaillent pas au Burundi une fois leurs études finies. Pour arrêter la catastrophique fuite des cerveaux, le gouvernement entend faire rembourser ceux qui ne rentrent pas, par la force si besoin est.
Le ministère burundais de la Force de défense nationale (FDN) n’y est pas allé par quatre chemins: les 15 officiers burundais sur la quarantaine partie étudier en Europe, qui ne sont pas rentrés à l’issue de leur troisième cycle ont été révoqués début décembre. Désormais, tous les étudiants qui bénéficieront d’une bourse d’études devront préalablement s’engager à la rembourser si, en fin de cursus, ils ne reviennent pas travailler au pays. Le gouvernement compte solliciter l’intervention des pays hôtes pour recouvrer ces dettes et même rapatrier les débiteurs.
Selon le porte-parole de la Force de défense nationale, le lieutenant-colonel Adolphe Manirakiza, la révocation est une mesure "très grave" : les exclus ne pourront plus, même s’ils rentraient, obtenir un quelconque contrat avec les services de l’État. Une mesure dissuasive pour les quelque 25 militaires en train de terminer leur thèse….
Le ministère estime que le pays fait de gros investissements pour une intelligentsia qui ne lui rend pas la pareille. Expliquées au Conseil des ministres par le ministre de la FDN, le général-major Germain Niyoyankana, ces mesures ont incité le gouvernement à les étendre à tous les étudiants pour tenter d’endiguer la fuite des cerveaux. Celle-ci est considérée comme "une véritable hémorragie" par le président de l’Association des professeurs de l’Université du Burundi (APUB), Isaïe Nimpagaritse. De fait, d’après le président du Syndicat des travailleurs de l’Université du Burundi (STUB), Paul Nkunzimana, plus de la moitié des docteurs formés en Europe (83 sur 163) ne sont pas rentrés sur la période de 1999 à 2006 !
65 000 $ par étudiant
Le pays a pourtant beaucoup payé pour eux. D’après une étude de 2003 de la Planification de l’éducation, la formation d’un docteur coûte à l’État et aux parents au moins 65 000 $. Sans compter la rémunération des enseignants. Pour une centaine de docteurs qui ne regagnerait pas le pays, la nation perdrait 6,5 millions de dollars, soit plus de 10 fois le budget annuel du livre de l’enseignement primaire.
Dans les années 1990, l’État burundais n’avait pas pu imposer l’idée de prêt-bourse : les étudiants, qui auraient dû rembourser petit à petit dès qu’ils avaient un emploi, s’y étaient opposés. Il est aujourd’hui décidé à faire payer au moins ceux qui ne veulent pas servir le pays. D’autant que ceux qui rentrent ne sont pas tous mal lotis. Selon le porte-parole de la FDN, les officiers docteurs peuvent travailler dans d’autres universités de la place, structures de soins de santé publiques ou privées et même dans des institutions d’expertise diverses pour compléter leur solde.
D’autres stratégies susceptibles d’inciter les Burundais les plus diplômés à rentrer ont été tentées. Sans succès. C’est le cas notamment du système TOKTEN (transfert des connaissances par des nationaux expatriés) du Pnud. Le programme des Nations unies pour le développement faisait venir des Burundais vivant à l’étranger pour travailler avec leurs compatriotes et leur faire redécouvrir les réalités de leur pays d’origine, espérant ainsi susciter en eux l’envie de rentrer définitivement. Mais aucun d’eux n’a choisi de revenir au Burundi.
Faute de mieux, le recouvrement et le rapatriement forcés évoqués en Conseil des ministres vont être formalisés et appliqués dès 2007. Mais nuance le président de l’APUB, Isaïe Nimpagaritse,"on peut être obligé de rentrer et ne pas être utile au pays".
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Rwanda
Tous les étudiants doivent rembourser
Le gouvernement rwandais demande à tous ceux qui ont bénéficié des prêts-bourses d’études universitaires de les rembourser dans les plus brefs délais, et ce, à partir de janvier 2007. D’ici peu, un arrêté présidentiel fixera les modalités de ce remboursement. Cette mesure concerne tous les boursiers d’État depuis les années 80.
Dès cette époque, les étudiants des universités tant nationales qu’étrangères étaient redevables à l’État. Chaque boursier étudiant au pays recevait 250 000 Frw, soit 500 $, par an. Selon le ministre de l’Éducation, tous ceux qui ont étudié aux frais de l’État sont dénombrés et connus.
Le fonds va continuer d’accorder des prêts aux étudiants à condition qu’ils remboursent la totalité des frais engagés. Seuls ceux qui étudient les Sciences et la technologie en seront exemptés à condition de travailler ensuite pour l’administration.