Récit autobiographique – Quand les jeunes Africains créaient l’histoire
Jean-Martin TCHAPTCHET
Collection « Graveurs de mémoire »
Bien vivre ou mal vivre en terre étrangère fait partie des facteurs dont la dynamique participe à la qualité des relations humaines aux niveaux des individus, des communautés et des nations.
Les valeurs qui animent les étrangers et les autochtones dans la gestion de leurs contacts, tout comme les principes que suivent les États pour l’élaboration et l’application de leurs politiques concernant les étrangers, contribuent, dans une large mesure, aux efforts de toutes les parties prenantes à l’édification d’un monde de paix, de progrès et de solidarité à l’échelle locale, nationale ou internationale.
Un dialogue continu entre étrangers et autochtones de bonne volonté sur la base du respect mutuel, est déterminant dans le processus du développement de relations harmonieuses, mutuellement bénéfiques, non seulement aux individus, mais aussi aux pays d’origine et d’accueil des personnes concernées. Tandis que le recours à l’arrogance, aux mensonges et aux injustices de la loi du plus fort, génère inévitablement et pour longtemps, méfiances, tensions et violences préjudiciables aux intérêts de tous.
Qu’en était-il à l’époque des premiers jeunes Africains partis étudier en France ? Etaient-ils reçus là-bas comme des étrangers ? Comme des sujets de la colonie ? Ou bien les deux à la fois ? Ou bien étaient-ils des sans statut ?
A ces interrogations, Quand les jeunes Africains créaient l’histoire répond que les maîtres de l’Empire choisirent de ne pas dialoguer avec ces Africains, préférant leur appliquer la loi coloniale du plus fort aussi bien sur les fronts culturels, raciaux et civilisationnels, que politiques, idéologiques et géopolitiques.
S’agissant de « la suite du rêve » des étudiants et des combattants africains de la liberté, ce récit pose en filigrane la question des responsabilités actuelles des dirigeants de l’empire colonial et des politiciens africains qui passèrent des accords léonins pour perpétuer la balkanisation du continent africain et hypothéquer l’avenir de son peuple.
31 euros
359 pages
ISBN : 2-296-00302-8
Jean-Martin TCHAPTCHET, Conseiller en coopération internationale. Ancien fonctionnaire du Bureau international du travail. Ancien responsable de la Fédération des Étudiants d’Afrique Noire en France, de l’Union nationale des étudiants du Kamerun et de l’Union des Populations du Cameroun.
Extraits
J’évoluai de la jouissance béate et naïve des connaissances que j’ingurgitais, de la culture cartésienne et épicurienne dans laquelle je baignais, des relations innocemment fraternelles, amicales ou fougueusement amoureuses que j’entretenais, vers une estimation de plus en plus critique, politique, idéologique et militante des choses et des relations humaines.
J’aboutis à des changements qualitatifs dans mes comportements, mes activités et mes pensées. L’élimination graduelle de ma peur irrationnelle du gendarme céda la place à une gestion clairvoyante et courageuse des libertés d’opinion et d’expression. Je mis ces libertés au service de la cause de l’indépendance et de l’unité de ma patrie africaine.
…
Nos hôtes partaient du préjugé que de jeunes Africains venus de colonies françaises, admis à l’université française, devaient bien connaître la France et maîtriser ses us et coutumes. Ils n’en parlaient donc pas. Cela étant, notre présence à leur table était l’occasion pour eux de se renseigner afin de compléter leurs connaissances sur l’Afrique qu’ils considéraient, non comme un continent jouissant d’une grande diversité ethnique, culturelle, économique, historique, climatique, mais plutôt comme un seul pays uniforme.
Parmi les trois ou quatre familles qui nous recevaient, il y en eut une, celle de l’organiste, avec laquelle mes relations durèrent un certain temps.
Les rencontres à son domicile étaient toujours des moments agréables et chaleureux. Lui et sa femme se renseignaient sur la vie religieuse au Cameroun et sur notre séjour en France.
Parmi les autres signes d’ouverture d’esprit du couple et de son souci de vivre sa foi au quotidien, il y avait l’accueil qu’il réservait aux responsables de l’Armée du Salut, des Témoins de Jéhovah et d’autres communautés protestantes dont j’apprenais l’existence pour la première fois. Les explications que chacun de ces derniers s’efforçait de donner au sujet de leurs différences théologiques et liturgiques avec l’Eglise réformée de France ne me convainquaient guère et ne m’intéressaient pas non plus.
Les conditions qui avaient été les nôtres dans nos pays respectifs étaient marquées par une triple oppression culturelle : traditionnelle d’abord, à travers les interdits et l’autoritarisme de l’éducation familiale et l’arbitraire de certains aspects de l’exercice du pouvoir de la chefferie traditionnelle ; religieuse ensuite, en raison du puritanisme et de l’obligation de confesser ses péchés dans les pratiques chrétiennes ; coloniale enfin, du fait de l’étouffement des libertés démocratiques et tout particulièrement de la liberté d’expression.
Si certains parmi nous pouvaient se targuer de jouir d’une certaine dose d’émancipation par rapport à leurs familles, il n’en reste pas moins que dans l’ensemble, l’arrivée en France était ressentie quelque part comme une sorte de libération.
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