RD Congo — Les bourses des étudiants très convoitées

RD Congo — Les bourses des étudiants très convoitées

(Syfia Grands Lacs/RD Congo) Après 15 ans d’interruption, les étudiants des établissements publics congolais ont de nouveau droit à une bourse. Mais la gestion de la cagnotte aiguise les appétits de ceux-là mêmes qui doivent la gérer. Ça et là les étudiants se soulèvent pour dénoncer la magouille.

Les étudiants, finalistes du premier et deuxième cycle universitaire (bac + 3 et bac + 5) des établissements publics congolais ont touché, fin août, une bourse d’études de 15 000 FC (30 $). Supprimée depuis quinze ans, cette bourse a été applaudie de deux mains par les bénéficiaires. "Ce n’est qu’un début. C’est une innovation. Cette somme va contribuer à alléger tant soit peu la vie de nos étudiants", se félicite le ministre congolais du Budget, Adolphe Muzito. Cependant la gestion de ce pactole crée des remous au sein des universités.

Des étudiants oubliés, de faux étudiants ajoutés, des bourses amputées, tous les cas de figure se rencontrent dans les différentes régions du pays. Dans la capitale, plus de 1 200 étudiants de l’Université de Kinshasa cherchent en vain leurs noms sur la liste de paie. "Il y a certainement eu erreur, vos noms ont été omis", s’entendent-ils dire aux services administratifs de l’université où ils ont été régulièrement inscrits. Au CIDEP (Centre interdisciplinaire pour le développement et l’éducation permanente), ‘l’université ouverte’ de Kinshasa, ce sont plus de 1 300 noms d’étudiants fictifs qui gonflent les effectifs des ayants droit. Après contrôle du ministère de l’Enseignement supérieur et universitaire mis au parfum d’éventuels ‘tripatouillages’, les services administratifs du CIDEP ont avoué qu’"il y avait erreur dans l’élaboration de la liste transmise à la hiérarchie" et que le trop perçu sera remis au Trésor. A l’Université de Kisangani (Unikis), au nord est de la RD Congo, environ 1 000 étudiants fictifs ont aussi été repérés. "C’est tout simplement parce que l’Unikis ne possède pas un organe de contrôle pour vérifier les procès verbaux de l’année dernière", regrette Jacques Lofemba, vice-représentant de la Faculté des Lettres.

Trois dollars au lieu de trente
L’argent des étudiants suscite bien des envies et pousse à la faute certains gestionnaires des instituts supérieurs et universités du pays. Mais les étudiants sont vigilants. "Les autorités au plus haut niveau sont des ‘détourneurs’, nous allons leur prouver qu’on ne vole pas l’argent des étudiants", déclare, excité, Aimé Sokoni de l’Institut supérieur des techniques médicales (ISTM) de Butembo, à 300 km au nord de Goma. Dans cette institution, les "camarades", comme ils s’appellent, ont été surpris de la modique somme qu’on leur tendait : 3 $ au lieu des 30 annoncés. Somme qu’ils ont boudée en manifestant bruyamment comme leurs collègues de l’UPN (Université pédagogique nationale) à Kinshasa.
"Ce n’est pas notre faute. Nous ne pouvons pas pénaliser nos étudiants. Nous avions bel et bien envoyé nos listes à notre hiérarchie avant l’arrivée des fonds", se défend pour sa part Kakuhi Kaswera, le directeur général de l’Institut supérieur pédagogique (ISP) Muhangi à Butembo, dont l’institution a du également faire face à la fronde estudiantine. Ici, les autorités académiques expliquent que la différence entre le montant officiel annoncé et le montant payé (10 $) était dû aux difficultés dans l’envoi des fonds. "Le problème est que l’argent est venu par deux canaux différents. Une partie a transité par Goma et une autre directement par la banque de Butembo", explique Jean Ndoole, comptable chargé de la paie. Explications confirmées par le maire de la ville, Wabunga Singa Zèbédé, qui a "mis en garde les autorités académiques qui tenteront de puiser dans ces bourses d’étudiants".

Des profs mécontents
Par contre à Matadi, à l’extrême ouest du pays, l’opération de paie de la bourse s’est déroulée sans heurts. Les 268 étudiants de l’Institut supérieur de commerce (ISC) ont bel et bien perçu leurs 15 000 Fc. Anselme Mbenza Muaka, directeur général de l’institut s’est félicité de "voir l’éducation, un des cinq chantiers du chef de l’Etat congolais, prendre corps."
Si dans le camp des étudiants la joie était perceptible, leurs profs sont boudeurs. "Moi, je trouve le geste du gouvernement louable mais très injuste car on ne peut pas payer les étudiants tout en négligeant leurs enseignants", s’indigne Georges Musavuli, enseignant à Butembo. Le secrétaire général académique de l’Institut supérieure de chimie appliquée dans cette ville s’est dit "surpris que le gouvernement maîtrise mieux et rapidement les effectifs des étudiants sans le faire autant pour les enseignants".

Par
par Thaddée Hyawe-Hinyi, Lydie Makuru, Kennedy Wema, Alphonse Nekwa Makwala
07-09-2007

Source: http://syfia-grands-lacs.info

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