RD Congo – L’eldorado sud-africain est un enfer pour les Congolais
(Syfia Grands Lacs/RD Congo) L’eldorado sud-africain est une illusion. Les jeunes Congolais qui y partent chercher fortune se retrouvent, au mieux, gardiens. Ils ne peuvent pas aider leur famille restée au pays et ont honte de rentrer. Ils sont pris au piège…
De plus en plus de jeunes Congolais quittent ces dernières années la République démocratique du Congo, fuyant la misère et la guerre (oh !), pour l’Afrique du Sud où ils espèrent trouver une vie meilleure. Cette ruée vers le pays arc-en ciel s’est surtout accentuée avec le durcissement des conditions d’immigration en Europe, qui demeure la destination de prédilection des Africains. Ils affluent dans le pays de Nelson Mandela soit par avion de Kinshasa ou par la route de la province du Katanga, en traversant la Zambie, le Mozambique et le Botswana. Mais arrivés là bas c’est la désillusion.
Venu du Sud-Kivu, la trentaine bien sonnée, Tony Mushagalusa, a déposé son balluchon à Yeovil, un quartier de Johannesburg. Mais sa vie dans ce coin de la capitale économique d’Afrique du Sud s’est vite transformée en cauchemar. "Je pensais trouver un bon boulot en arrivant ici. Mais, faute de mieux, je fais aujourd’hui le Security (vigile ou gardiennage)", déplore-t-il. Il gagne net 3000 rands, environ 400 $, et ne peut que se serrer la ceinture. "Ce maigre salaire me permet à peine de payer mon loyer mensuel qui s’élève à 200 $, et de faire des provisions qui ne suffisent d’ailleurs pas", poursuit-il.
A Bareo, un autre quartier de Johannesburg, S. M., une jeune Katangaise, venue rejoindre son fiancé, rumine sa déception. "Les premiers jours de mon arrivée, surprise par le luxe dans lequel vivait mon fiancé, raconte-t-elle, j’ai tenté de savoir quelle était son occupation, mais en vain. Puis un jour les policiers sont venus le cueillir la nuit et depuis, il purge une peine de 10 ans à la prison centrale de Sun City pour "activités illicites".
La longue attente des parents
Ces jeunes partis à l’étranger représentent un immense espoir pour leurs familles restées au pays. Certains parents ont dépensé leurs petites économies pour faciliter le départ d’un fils, d’une fille, d’un neveu, et attendent parfois indéfiniment d’en tirer bénéfice. Alphonse Musombwe, qui a misé sur son fils, ne décolère pas. "J’ai investi 500 $ avec l’espoir qu’une fois en Afrique du Sud, Alex allait prendre en charge les études de ses jeunes frères. Mais, 5 ans après, je ne vois rien arriver. Ses frères n’étudient plus faute de moyens", lance, le regard vitreux, ce père dépité, furieux qu’en lieu et place de l’argent, son fils envoie des ″photos prises devant de somptueux immeubles".
Léonard Chishugi, un Congolais du Nord-Kivu qui rentre d’un séjour de sept mois à Johannesbourg pour le compte de l’Eglise de Scientologie, tente de donner une explication aux difficultés que rencontrent les Congolais en terre sud-africaine. "Les jeunes se font beaucoup d’illusions. Moi, j’étais pris en charge par l’organisation qui m’a invité. Je n’ai rien trouvé qui pouvait me retenir au-delà du confort dans lequel je vivais. Pour rien au monde je ne peux vouloir y rester si je n’ai pas un emploi décent, ce qui est rare pour les étrangers surtout quand on n’est pas architecte ou médecin". Pour lui, le pire pour ces Congolais, sans papiers pour la plupart, c’est de travailler avec des pièces d’identité de leurs frères ou amis. ″Ils scannent juste leurs photos sur ces documents", témoigne-t-il.
Sungura Kayembe, un sociologue congolais d’une cinquantaine d’année, a profité de son séjour médical à Johannesburg pour mener une enquête sur les conditions de vie des Congolais qu’il a rencontrés. Le résultat est sans appel. "Sur 105 jeunes essentiellement des garçons, 95 % travaillent comme gardiens de nuit comme de jour, constate-t-il. Certains gardent des voitures devant des supermarchés et sont payés 2 à 5 $ par jour ; d’autres sont employés par des sociétés privées de gardiennage ou dans des boîtes de nuit où ils courent énormément des risques". Selon son enquête, les ″plus chanceux″, sont employés de restaurants. Seuls 5% trouvent en Afrique du Sud un emploi bien rémunéré. "C’est ce qui explique que nombreux parmi eux, gênés de leur misère, ne retournent pas au pays et ne disent jamais ce qu’ils font comme travail", conclut Sungura.
Multiplier les jobs pour s’en sortir
Les plus courageux font plusieurs petits boulots à la fois, économisent longtemps et finissent, au bout de mille et une peines, par voir le bout du tunnel. "J’ai fait des petites économies pendant que j’avais un salon de coiffure que ma femme gère, explique Marjolain Ngoma, installé depuis trois ans à Johannesbourg. Je fais maintenant des navettes entre Johannesboug et Lubumbashi où je vends des voitures et des appareils électroménagers". Sauf imprévu, dit-il, il envisage de regagner définitivement le bercail, lui et sa famille pour ″poursuivre les affaires à Lubumbashi.″
11-10-2007
par John Kadjunga
Source: http://syfia-grands-lacs.info