RD Congo: la guerre des Kivus ne veut pas finir
La RDC est déchirée par des combats entre l’armée, appuyée par des milices, et les rebelles qui ont pris une partie du Nord-Kivu. Les civils fuient devant leurs exactions.
Par Thierry Vircoulon, l’ancien expert de la Commission européenne en République Démocratique du Congo
En partenariat avec le Centre d’Etudes et de Recherches Internationales (Ceri)
Comme en 2006 et en 2007, le second semestre 2008 a vu la reprise des combats, dans les régions de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), entre les forces gouvernementales congolaises (FARDC) et le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), dirigé par le chef de guerre Laurent Nkunda. A la différence près qu’à la fin du mois d’octobre 2008, le CNDP a non seulement défait les troupes de Kinshasa, mais a fait comprendre qu’il pouvait s’emparer de Goma, la capitale du Nord-Kivu, quand bon lui semblait, malgré les casques bleus de l’ONU et leur droit à user de la force.
Ramifications internationales
Le Nord-Kivu et, dans une moindre mesure, le Sud-Kivu sont le théâtre d’un affrontement de basse intensité mais de longue durée entre des Tutsis congolais soutenus par le Rwanda d’une part, et les troupes gouvernementales congolaises et leurs alliés locaux (milices locales Maï-Maï et Hutus des Forces démocratiques pour la libération du Rwanda – FDLR) d’autre part. Les racines de cet affrontement remontent au génocide de 1994 au Rwanda, qui a exporté la guerre entre Hutus et Tutsis en territoire congolais (après le génocide, près d’un million de Hutus se sont réfugiés dans les Kivus), ainsi qu’à la rupture entre le successeur de Mobutu, Laurent-Désiré Kabila, et le gouvernement rwandais qui l’avait installé au pouvoir en RDC en 1997. Et dans cette lutte contre Kigali, le nouveau régime congolais s’est appuyé sur les milices Maï-Maï et les FDLR. Cette configuration d’alliances ne s’est jamais démentie depuis lors.
Malgré ses dénégations, le régime rwandais, qui considère toujours les FDLR comme une menace pour sa sécurité, soutient le CNDP de Nkunda qui se présente comme le défenseur des Tut-sis congolais. De leur côté, les Hutus des FDLR réclament un dialogue inter-rwandais, la possibilité de rentrer au Rwanda et l’intégration dans l’administration. Ayant un ennemi commun (les Tutsis), les FDLR ont des allian-ces de circonstance avec les milices Maï-Maï, groupes d’autodéfense locaux appartenant à divers groupes ethniques (Bahunde, Banande, Babembe, etc). A part les troupes congolaises, tous les groupes armés des Kivus ont donc une base ethnique, les Tutsis étant démographiquement minoritaires au Nord-Kivu mais militairement dominants.
Le cycle d’affrontements caractérisant les Kivus depuis plus de dix ans s’est intensifié cette année à la suite de l’enlisement du processus de paix (deux initiatives, en novembre 2007 et en janvier 2008, n’ont pas permis de désarmer les combattants), ainsi qu’à la volonté, à Kigali comme à Kinshasa, de privilégier une option militaire.
Après sa victoire contre l’armée congolaise, Laurent Nkunda, qui veut voir entérinée officiellement sa domination du Nord-Kivu, a exigé des négociations directes avec le président de RDC, Joseph Kabila, et a nommé une administration dans les territoires sous son contrôle. La crainte d’un retour au scénario de 1996 (contagion de la rébellion tutsie dans tout l’Est congolais et interventions militaires des pays voisins) a conduit la communauté internationale à se mobiliser très vite. Le 7 novembre, une conférence internationale s’est tenue à Nairobi, au Kenya, et a appelé à un cessez-le-feu immédiat et à la protection des populations civiles. Les combats ont fait environ 500 000 déplacés qui se sont réfugiés sous la fragile protection des casques bleus de la Mission de l’ONU en RDC (Monuc) à Goma et ses environs. Deux médiateurs africains ont été nommés, la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) s’est dite prête à envoyer une force de maintien de la paix. Et les Nations unies ont demandé 3 000 hommes supplémentaires pour renforcer la Monuc. Au delà de cette activité diplomatique fébrile, force est de constater que les causes réelles du conflit (foncières, économiques, communautaires) sont ignorées des médiateurs, tout comme l’exploitation illégale des ressources naturelles des Kivus qui a des ramifications régionales et internationales. Et permet aux groupes armés de terroriser les populations depuis plus de dix ans.
Thierry Vircoulon : ancien expert de la commission européenne en République Démocratique du Congo
Alternatives Internationales – n°41 – Décembre 2008
http://www.alternatives-internationales.fr