Radioscopie du cartable scolaire: quel pari pour la qualité ?
La rentrée des classes est très souvent vécue comme un moment intense d’investissements faramineux de la part des parents d’élèves. Des frais de scolarité à couvrir en passant par les équipements à fournir, sans oublier les vêtements à convoiter, tout un arsenal affectif est mobilisé pour satisfaire le droit des enfants à aller à l’école dans l’allégresse. Pour autant, tous répondent t-ils à l’appel des bancs dans les mêmes conditions? Evalués qu’ils seront à partir des épreuves quasi-similaires, disposent –ils tous des cartables aux contenus riches et variés ? Comment réussir le pari de la qualité pour tous si certains ont « le sac vide » pour ne pas dire le ventre vide ? Car, à vrai dire un cartable peut être le reflet de toute une situation sociale. Quel devrait être le rôle des acteurs de l’éducation pour une prise en charge efficiente de la question du cartable scolaire qui constitue pourtant un intrant non moins important de qualité. En fait, comme le panier de la ménagère sur le plan économique, le cartable de l’élève est un indicateur privilégié de la pertinence de la qualité et de l’équité en milieu scolaire. En d’autre terme, il permet de dépister les voies et moteurs véritables de la motivation chez l’enfant. Comme un ressort, il peut être le catalyseur d’une orientation scolaire et professionnelle florissante.
Nonobstant les efforts faits ici et là, pour doter chaque élève de manuels et de fournitures scolaires adéquats, le fossé se creuse davantage entre nantis et moins nantis, galvanisant ainsi le trou de l’échec parmi les plus pauvres, je veux dire les sans cartables.
Et pourtant ! Le cartable devrait être le facteur flagrant de l’intégration en milieu scolaire, la devise du savoir en puissance, le socle de la jouissance innocente et fertile.
Comble des disparités de plus en plus profondes, en ville comme en campagne, du fait de l’inflation grandissante et inquiétante de la pauvreté au sein des familles, la question du cartable doit amener plus d’un à en faire une préoccupation vitale pour une démocratisation effective de l’offre éducative.
Le cartable, miroir des rêves inaudibles, est un immense trésor aux apparences souvent trompeuses. A la fois contenant et contenu il fait la fierté du nouvel élève, le complexe de l’enfant frustré, la sentinelle des enseignants avertis. En sacoche, en bandoulière ou en morceau de tissu déchiqueté et rafistolé ici ou ailleurs, il est le symbole même du savoir, du savoir être et de l’être – du – savoir. C’est tout l’univers en miniature de l’élève, il compose et décompose sont tout : ses désirs essoufflés, ses bics décapotés, son pain en lambeaux, son gobelet d’eau en pâture, c’est toute une éternité d’instants et de fantasmes heureux ou malheureux. Mais la richesse de cet univers plaisant et faisant la nostalgie des bons vieux temps, le cartable peut être le terreau de la division sociale. Cartable de garçons, cartable de filles, de riches, de pauvres : que des couleurs incompatibles !
En effet, le cartable est un excellent nid des disparités sociales. Quel est le poids du cartable scolaire d’un enfant démuni comparativement à un enfant en situation d’aisance ? En campagne et de plus en plus dans les villes, il n’est pas rare de voir ces enfants, le vieux sac au cou, avec comme contenu quelques cahiers, rarement un livre et à peine un morceau de pain au chocolat. Comme la santé, l’éducation à un prix, à l’instar de la lumière, il fait sortir des ténèbres de l’ignorance et du sous développement. Mais, comment arriver à une éducation de qualité pour tous, si les pauvres doivent continuer à avoir des cartables pauvres et les riches des cartables plus riches ?
Le cartable favorise les déperditions scolaires. Combien d’enfants sont exclus des bancs de l’école faute de livres et de cahiers ? Sans livre de calcul, encore moins de lecture comment un enfant peut-il réussir en classe? Quelle motivation peut avoir un enfant chahuté par ces camarades qui exhibent leurs beaux sacs et fournitures ? Que peut – on faire d’un élève qui n’a de plume que son imagination ? Le complexe, l’humiliation, le ridicule sont autant de facteurs qui inhibent la lucidité d’un apprenant.
Promoteur de véritables mathématiciens, le cartable peut également être un provocateur de la désertion des parcours scientifiques et techniques. Car, mettre à la disposition des élèves, du matériel pédagogique performant (manuels de Mathématiques, de Physiques…), c’est les prédisposer à des études scientifiques. Par contre vouloir les livrer au diable de l’ignorance, c’est les laisser pétrir avec des cartables sans âmes.
Baromètre d’une santé physique et affective, le cartable peut donner le signe visible d’une enfance en situation difficile, le cartable peut enlaidir la vie des ses enfants abandonnés et vulnérables.
« Un sac vide ne peut tenir debout » dit l’adage. Au-delà de la nécessité d’assurer à tous les enfants le droit à une alimentation saine, le milieu scolaire doit favoriser l’émulation de tous. Il urge donc de renforcer les dispositifs en cours, mais de préconiser des stratégies hardies pour faire du cartable scolaire un facteur d’intégration et de motivation, bref un symbole d’égalité, de solidarité et de justice sociale.
Car, doter chaque enfant d’un cartable digne, c’est l’aider à réaliser un projet scolaire et professionnel fiable et rentable; c’est garantir à coup sur le développement socioéconomique du pays par une éducation ouverte permettant l’épanouissement optimal des ressources humaines, si précieuses – sans discrimination.
Malang MANE
Psychologue Conseiller d’Orientation
Ancien Président de l’Amicale des Etudiants de Ziguinchor (AMEZIG)
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