Avant les années 90
Au début des années 90, ils étaient moins nombreux les étudiants guinéens qui aspiraient à un diplôme décroché dans les institutions supérieures des pays occidentaux. Aujourd’hui, avec la mondialisation où les notions de frontières perdent de leur sens, un flux considérable de jeunes bacheliers et étudiants guinéens prennent d’assaut les ambassades et consulats accrédités en république de Guinée à la quête d’un visa d’étudiant pour « se sauver de l’école guinéenne ». Une école abandonnée aujourd’hui dans un état de délabrement total. La cause en est que les dignitaires au pouvoir soustraient soigneusement par égoïsme et favoritisme leurs progénitures pour les prestigieuses écoles et universités étrangères au grand détriment de la majorité des jeunes du pays. Les jeunes diplômés pauvres qui n’ont pas « les bras longs » pour trouver un emploi se demandent à quel saint se vouer. Leur seule destination est aujourd’hui la rue.
L’emploi des jeunes, une préoccupation en Guinée
L’emploi des jeunes demeure une préoccupation majeure en Guinée. Depuis que l’Etat, principal employeur a fermé ses portes aux diplômés des institutions d’enseignement supérieur, l’emploi est devenu une denrée rare. Il s’avère que depuis le changement de régime en 1984, aucune promotion de l’université guinéenne n’a bénéficié d’un emploi. Avec l’option libérale, l’Etat a voulu encourager les initiatives privées. Une autre source d’emploi. Mais voilà que beaucoup reste à faire dans ce domaine du fait que les investisseurs ne trouvent pas le terrain favorable à leurs activités. Il n’y a plus à se réjouir du système éducatif guinéen.
Les universités et autres institutions d’enseignement supérieur sont réputées comme des fabriques de chômeurs ouvrant ainsi largement la voie à la pauvreté, à la misère mais surtout à la violence et à l’insécurité. A tous les niveaux c’est la débâcle.
A l’ambassade de France, située en plein cœur de la capitale sur le boulevard du commerce, nous avons interrogé quelques uns parmi ces candidats qui optent pour l’exil. Ils ont sans ambages accepté de se confier à nous, en commençant par dire que l’Etat guinéen affiche une déconsidération à la formation des jeunes qui constitueront demain la relève.
Tous les étudiants veulent partir
Selon Abdoulaye Diallo, diplômé de l’université de Conakry, qui, depuis deux ans s’est transformé en taximan faute d’emploi : « La seule solution pour avoir un avenir radieux, c’est de quitter ce pays, même s’il faut être clochard ailleurs, c’est mieux que d’y rester dans un lieu où pour réussir, il faut avoir des bras longs ». Les initiatives publiques comme privées susceptibles de proposer de nouvelles opportunités de débouchés aux jeunes diplômés sont rares. Ajoute-t-il avant de rejoindre la file indienne qui s’est formée devant l’ambassade.
Pour la jeune bachelière Mariama Kaba qui a tenté à deux reprises le concours d’accès à l’université, ironiquement appelé le baccalauréat troisième partie, la poursuite des études en Guinée où la corruption et la fraude s’institutionnalisent n’a plus son sens.
François Monémou, qui vient de décrocher son baccalauréat deuxième partie, que nous avons rencontré au service des examens et concours scolaires, venu retiré ses attestation et relevé des notes n’a pas mâché ses mots : « J’envisage de quitter ce pays pour la simple raison que les programmes ne sont pas exécutés correctement. S’ils ne sont pas bâclés, ils sont arrêtés à mi-parcours. Les problèmes d’infrastructures et d’enseignants se posent avec acuité. Une situation qui a provoqué aujourd’hui une explosion d’effectifs dans les universités. Le nombre d’étudiants à l’université de Conakry dépasse de loin aujourd’hui les 12.000 sans oublier qu’elle a été construite dans les années 60 que pour 1.500 étudiants. En plus les conditions de vie et d’études restent à désirer».
L’exil comme seule solution
Les étudiants guinéens empruntent, dans leur majorité, le chemin de l’exil dans le seul but d’acquérir une formation de pointe pour un lendemain meilleur. Une formation qu’ils présument ne pas obtenir dans le pays faute d’inadéquation entre la formation et le besoin du marché mais aussi de la non compétitivité de l’enseignement qui y est dispensé. De plus, c’est fuir la cherté de la vie, le chômage endémique, le surpeuplement des campus ; un personnel enseignant corrompu et médiocre autant de maux qui gangrènent aujourd’hui les universités et institutions guinéennes.
Correspondance de Touré Fodé saliou
Guinée Conakry