Négocier son salaire à l’embauche en période de crise
Le marché de l’emploi est toujours au plus mal et vous êtes pourtant sur le point de recevoir une proposition d’embauche. Une chance que vous ne voudriez pas gâcher par des exigences salariales trop ambitieuses. Faut-il pour autant vous brader ? Comment évaluer la marge de manœeuvre dont vous disposez ? Quels arguments auront le plus de poids dans la négociation ? Réponses.
Evaluer ce que l’entreprise peut offrir…
Partir avec l’idée qu’en temps de crise, on ne peut rien négocier avec son futur employeur est une erreur. Il faut surtout se faire une idée précise du rapport de forces dans lequel on se trouve. Vous affûterez vos arguments en fonction.
En période d’instabilité économique, il faut être réaliste mais pas fataliste à l’égard du marché. Il est vrai que les sociétés ne peuvent plus, en règle générale, promettrent à leurs nouvelles recrues les mêmes différentiels de salaire qu’elles offraient il y a deux ou trois ans.
Cependant, il y a toujours de la marge pour une négociation. Votre capacité à obtenir une amélioration de l’offre dépendra beaucoup du succès financier de la société. Recherchez toutes les informations possibles pour déterminer dans quelle mesure vous pouvez insister au cours des négociations. Vous devez donc vous renseigner sur le chiffre d’affaires de l’entreprise, sa croissance, les pratiques internes si vous disposez de relais sur place. "Les études de rémunérations des cabinets de recrutement, les articles de presse et les sites Internet spécialisés sont des sources fiables d’information pour (ré)évaluer son salaire", cite Oliver Gélis, directeur général de Robert Half International. Disposer d’un réseau professionnel de confiance peut aider sur ses questions de benchmark de salaire mais n’en espérez pas trop : parler rémunération reste encore fortement tabou en France.
… et ce que vous valez
Une fois connue la situation réelle de l’entreprise, sachez évaluer votre valeur particulière. En somme, êtes-vous plutôt le candidat lambda sur un marché saturé ou la compétence rare en pénurie sur votre secteur ? Si vous vous trouvez de près ou de loin dans ce second cas, ne laissez pas passer cette opportunité. Les entreprises qui souhaitent acquérir ces profils malgré la crise savent qu’elles vont devoir les motiver pour quitter leur poste actuel, synonyme de sécurité. Et cela se traduit par une prime de risque qui doit venir gonfler le salaire à l’embauche. Sachez la demander.
Pour cela, vous devrez bien entendu justifier votre valeur ajoutée et vos performances, en vous appuyant sur des éléments tangibles qui feront la preuve de vos compétences. Vous devez vous présenter comme une source de profit pour l’entreprise par le biais de vos expériences passées, en avançant des chiffres et des résultats quantifiables. En période de crise, on attendra d’un commercial qu’il démontre sa capacité à débaucher des clients chez les concurrents ou à maximiser le chiffre d’affaires des clients existants. Un manager prouvera sa capacité à fédérer les énergies autour d’un projet, quelles ques soient les circonstances économiques et sociales.
Peaufiner une stratégie
Une fois ces arguments préparer, il faut définir une stratégie de négociation. Comment aborder la question du salaire ? Quelle fourchette annoncer ? Autant de questions qu’il faut anticiper.
Ne pas se dévoiler trop tôt
"La question de la rémunération ne devrait être abordée qu’à la fin du deuxième entretien avec l’employeur potentiel", souligne Olivier Gélis. Laissez l’employeur s’avancer avant vous, pour voir ce qu’il est prêt à vous offrir. Ne répondez pas immédiatement à une offre, même en période de crise. Notez ce que l’employeur est prêt à changer et ce qui n’est pas négociable, puis demandez une période de réflexion.
Attention, si vous donnez une fourchette de salaire vous admettez un plafond mais surtout un plancher que le recruteur s’empressera de choisir. Ce niveau doit correspondre au salaire que vous estimez être le meilleur selon les résultats de votre enquête.
Couvrir ses arrières
Face à une proposition de poste intéressante, un léger sacrifice financier peut être stratégique. Mais attention : l’écart que vous créerez ainsi en votre défaveur par rapport à vos collègues sera presque impossible à rattraper. "N’oubliez pas que le salaire d’embauche est très important car il est difficile de le renégocier durant les deux ou trois premières années dans l’entreprise, avertit Olivier Gélis. Il ne faut pas raisonner en se disant ‘j’accepte ce niveau qui me paraît faible, mais je vais le renégocier’, cela ne fonctionne pas". Faites donc preuve de souplesse mais couvrez vos arrières. "Si la proposition de l’entreprise est 5 à 10 % sous vos attentes, vous pouvez l’accepter mais seulement avec une promesse, inscrite dans le contrat de travail, de révision à la hausse après une période donnée", préconise Olivier Gélis. Vous pouvez par exemple prendre le repère de la fin de la période d’essai.
Jouer sur les compléments de rémunération
Si vous trouvez vraiment que le montant proposé n’est pas à la hauteur de vos espérances mais qu’il s’agit du poste de vos rêves, négociez sur les éléments périphériques de la rémunération. Cette dernière ne se limite en effet pas au montant indiqué au bas de votre fiche de paie. Il existe d’autres leviers sur lesquels l’entreprise ne sera pas aussi rigide.
Avantages annexes
Certaines entreprises offrent ainsi plusieurs avantages sociaux (mutuelle, prêts, prévoyance et retraite par exemple) et en nature (voiture de fonction, téléphone, ordinateur portable, tickets restaurant, chèques vacances, chèques cadeaux, remboursements des pleins d’essence…), un aménagement du temps de travail (4/5ème pour le même salaire, télétravail, congés supplémentaires), ou encore le financement d’une formation pour augmenter son employabilité. L’ensemble de ces éléments permet effectivement de gonfler votre rémunération réelle. Le but est de ne pas se bloquer uniquement sur le salaire. En étant inventif, vous créez une situation de gagnant/gagnant dont vous serez le premier bénéficiaire.
Négocier la partie variable
La partie variable de la rémunération (intéressement, commission, primes au résultat…) reste plus facile à négocier. Dès l’entretien, suggérez des critères d’évaluation de vos résultats et valorisez-les en monnaie sonnante et trébuchante. Attention à ne pas vous survendre : pour déclencher une prime, l’employeur attend généralement de vous que vous dépassiez les objectifs et non uniquement que vous fassiez ce pour quoi vous avez été embauché.
Vous pouvez également essayer d’obtenir une prime à l’embauche, sorte de "golden hello", en contrepartie de vos concessions salariales. Plus simple à obtenir car ponctuel, ce type de bonus est tout de même moins intéressant qu’une prime de risque sur votre salaire brut d’embauche.
Et si vous êtes un jeune diplômé
Vous venez d’être diplômé et vous vous apprêtez à rentrer sur le marché du travail très tendu en cette période de crise. Voici quelques conseils à mettre en place pour préparer et négocier au mieux votre premier salaire d’embauche.
Choisir d’autres alternatives
Jeunes diplômés 2009, si vous ne souhaitez pas débuter avec un salaire inférieur à vos ambitions, le mieux serait de "reporter votre entrée sur le marché du travail en CDI", conseille Olivier Gélis. En effet, privilégier la poursuite des études, un stage de longue durée à l’étranger ou un VIE sont des moyens d’enrichir son expérience, d’augmenter sa valeur sur le marché du travail en se préservant d’un contexte difficile.
"Si cette possibilité n’est pas envisageable, on peut choisir une tactique temporaire pour gérer au mieux cette période sans se dévaloriser", préconise le directeur général de Robert Half. Pour cela, privilégiez les missions en intérim. En plus d’accumuler de l’expérience, de nouer de nouveaux contacts professionnels, vous avez la possibilité de revoir votre salaire à la hausse à chaque nouveau contrat et donc de "coller" à l’évolution favorable attendue du marché. Il sera toujours temps de se recentrer ensuite sur le marché CDI quand les temps seront plus favorables.
Analyser le marché
De même qu’un candidat avec de l’expérience, un jeune diplômé doit scruter le marché pour avoir une idée de sa valeur. Mais gare aux fausses références. "Les jeunes diplômés arrivant sur le marché du travail cette année ne doivent pas prendre pour référence les salaires obtenus par la promotion précédente car le contexte de marché est complètement différent", recommande Olivier Gélis. Alors comment définir son salaire ? Vous pouvez vous informer sur les salaires des débutants dans la même région, à des postes similaires. Vos camarades de promotion sauront vous renseigner. Vous pourrez ainsi, au moment de l’entretien, dévoiler vos prétentions salariales en fonction de ces précieuses données. "Il faut examiner avec soin la qualité/l’intérêt du poste proposé, quitte à demander une revalorisation du salaire dans 6 mois", rappelle Olivier Gélis. En n’oubliant pas, là non plus, de demander à ce que cela soit écrit dans le contrat de travail. "L’idée est simple : rassurer l’entreprise tout en montrant une attitude positive sur le mode ‘Laissez-moi faire mes preuves et vous constaterez que je mérite amplement la rémunération à laquelle je prétends’ ".
Ce que vous pouvez valoriser
Avant l’entretien, vous devrez trouver des appuis pour votre négociation. Naturellement, vous irez puiser dans votre expérience acquise en stage, notamment ceux de longue durée, en césure, en alternance ou apprentissage. A noter qu’un stage dans l’entreprise en question est un gros plus, tout comme chez un concurrent. Votre opérationnalité rapide sera donc le premier argument. Vous pouvez aussi mettre en valeur votre exposition internationale sous forme de séjours et échanges universitaires à l’étranger : être "bi culturel" est généralement un plus. Par ailleurs, Votre maîtrise d’une ou plusieurs langues étrangères reste une valeur sure, notamment dans une langue rare. Pour les domaines où l’expterise prime, vous pouvez aussi vous servir de vos résultats académiques, classement ou mention éventuelle, de vos travaux de recherche et rapport dans le domaine (mémoire de fin d’études, thèse professionnelle). Sans oublier les expériences associatives à responsabilités bonne anti-chambre du travail en entreprise.
Réalisé par HAFIDA ABOULOUARD, Journal du Net Publié le 28/09/2009
Source: http://www.journaldunet.com