MALIENS DE L’EXTERIEUR

Maliens de tous les pays…
Les migrants participent à la vie économique et sociale en rapatriant une partie des ressources gagnées en terre étrangère.
« Le Mali est comme un grenier vide. Le matin, tous les hommes de la concession arpentent le chemin des champs pour arracher à la terre de quoi le remplir. » L’image attribuée à Salif Keita, l’une des plus belles voix mandingues de notre époque, illustre une vieille réalité. Plus étendu que le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Burkina et le Bénin réunis, le Mali est un territoire aride au milieu du Sahel, enclavé, pauvre, dépourvu de ressources naturelles et de moyens de communication. Chaque année, de nombreux migrants quittent donc le pays pour aller travailler dans des contrées plus favorables au niveau économique. Il y a très peu d’endroits au monde où le Malien n’a pas posé son baluchon pour chercher de quoi remplir les greniers de Kayes, de Mopti, de Tombouctou…
Ceux que l’on appelle les « Maliens de l’extérieur » seraient environ 4 millions, sur une population de 11 millions de personnes.

Plus qu’un exode de personnes en quête d’un mieux-être, l’émigration est un enjeu économique de premier plan. Les « Maliens de l’extérieur » envoient au pays 60 millions d’euros par an, soit plus que toute l’aide française au développement du pays.

La principale destination des migrants est la Côte d’Ivoire voisine, où sont établies, selon les estimations, entre 1 million et 2 millions de personnes, la plus forte communauté malienne à l’étranger. L’éclatement de la crise ivoirienne et son lot de brimades contre les étrangers (au moins dix Maliens ont été tués à Abidjan, victimes de la répression de la « marche pacifique » du 25 mars dernier) n’ont pas provoqué un retour massif au bercail, comme le craignaient les autorités de Bamako. Une cinquantaine de milliers seulement ont profité du dispositif d’accueil mis en place par le gouvernement.

Courageux, animés du culte de la réussite, les Maliens ne rechignent pas à affronter des risques pour réaliser leurs rêves… même dans des contextes de guerre, en Angola, au Congo-Brazzaville ou en RD Congo. Pas plus que ne les découragent les contraignantes lois sur l’immigration en Europe, aux États-Unis, au Canada, en Australie… En France, première destination européenne des migrants du pays, on dénombre 120 000 Maliens, dont 60 % de clandestins, selon les estimations du ministère français de l’Intérieur.

Symbole de leur présence dans l’Hexagone : les vingt-cinq foyers pour travailleurs que comptent Paris et sa banlieue. Tous peuvent trouver dans ces foyers des plats traditionnels africains à bas prix, ainsi que des objets divers proposés à la vente. Ancienne usine de pianos reconvertie en 1961 en centre d’hébergement pour travailleurs africains, le foyer Bara de Montreuil est aussi célèbre au Mali que la colline de Koulouba à Bamako sur laquelle trône le palais présidentiel.

Près de 90 % des immigrés maliens en France sont des Soninkés originaires de la région de Kayes, au nord-ouest du pays, qui vit essentiellement grâce à l’argent envoyé de France par la diaspora et les aides des projets de développement. Un peu trop pour certains opérateurs, qui dénoncent parfois une situation rentière et le manque d’ambition de ceux qui restent au pays. Environ 7 millions d’euros ont ainsi été transférés en 2002 vers la ville de Kayes, qui, avec six agences bancaires, est aujourd’hui la deuxième place financière du Mali, après Bamako.

« L’argent de France » permet la mise en place d’infrastructures socio-économiques de base : construction d’écoles et de cases de santé, rénovation de routes, forages de puits… Rien que dans l’Hexagone sont enregistrées 182 associations oeuvrant dans des domaines divers du développement du Mali, qui reçoivent les cotisations assidues de leurs membres.

Pour être un instrument de lutte contre la faim et la pauvreté, l’apport de la diaspora à l’économie nationale constitue un important facteur de stabilité politique et sociale du Mali. Le gouvernement l’a compris, qui cherche à tirer le meilleur de l’émigration. Il a ainsi organisé, du 13 au 17 octobre 2003, un « Forum de la diaspora malienne ». Une occasion qui a réuni des représentants de la diaspora venant d’Afrique, d’Europe, d’Asie et des Amériques, ainsi que des délégations officielles en provenance des pays de la sous-région de l’Afrique de l’Ouest, de l’Union africaine, de l’Organisation internationale des migrations, du ministère français des Affaires étrangères. Objectifs : permettre un dialogue entre les délégués au Forum et le gouvernement, structurer la diaspora malienne, lui faciliter l’accès à la propriété et à l’investissement au Mali, répertorier les compétences à l’extérieur (universitaires, chercheurs, cadres…), faire une place aux Maliens issus des deuxième et troisième générations de l’émigration…

Le Forum a recommandé de dynamiser le Haut Conseil des Maliens de l’extérieur, fondé en novembre 1991, pour prendre en charge les problèmes des émigrés et leur implication dans la vie du pays. Il propose également le recensement de tous les Maliens de l’extérieur et de leurs compétences ainsi que la création d’un forum électronique pour les échanges entre les membres de la diaspora.

Les pouvoirs publics cherchent à renforcer les liens avec les migrants. Comme en témoigne la publication du Guide du Malien de l’extérieur, fin 2003.

Cheikh Yérim Seck
Source : http://www.lintelligent.com

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