A l’université : De grands projets, mais peu de moyens…
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L’université de la Réunion prévoit d’accueillir près de 12 000 étudiants cette année, dont un quart dans le Sud. Un chiffre en constante augmentation qui, même s’il “est le signe d’un attrait certain des jeunes pour les formations dispensées dans le cadre de l’enseignement supérieur”, se heurte à un accompagnement insuffisant des moyens pour assurer l’encadrement.
il manque encore des professeurs
“Sur huit ans, cent postes ont été créés à l’université. Ils nous permettent juste de tenir le coup. Car en même temps, nous sommes passés de 8 000 à 12 000 étudiants. Depuis six ans, nous gardons le même retard, malgré la création de postes”, explique Lionel Leduc, secrétaire du SNESUP-FSU.
D’après lui, “les efforts du ministère ne font que combler la croissance démographique, sans rattraper le retard” et il faudrait environ un tiers de professeurs en plus pour pouvoir fonctionner correctement.
Le besoin se chiffre donc à 200 postes d’enseignants et soixante IATOSS (personnel non enseignant). Cette année, le problème se répète. Encore une fois, le Snesup-FSU tire la sonnette d’alarme.
Pourtant, suite au mouvement des enseignants chercheurs de l’année dernière, le ministère de l’Éducation avait annoncé la création de 1 000 postes au niveau national. Environ 700 ont été effectivement créés et cinq ont été attribués à la Réunion…
“Le ministère accompagne la croissance démographique, mais à un rythme insuffisant. L’université doit donc prendre sur son budget pour embaucher des contractuels”, confirme Serge Svizzero, le président de l’université, qui a pris ses fonctions en mai.
Ainsi, l’université a dû embaucher 80 contractuels IATOSS en plus des 265 postes alloués par le ministère. L’année dernière, vingt postes supplémentaires avaient été demandés, et seulement deux accordés… “Plus ça va, moins on a de postes à la Réunion. Plus ça va, plus on a d’étudiants dans toutes les filières”, ajoute le président. Un IUP (institut d’études professionnelles) de génie civil a même été créé à Saint-Pierre, mais sans création de poste. Du coup, les enseignants déjà en place devront prendre sur leur temps de travail pour faire tourner la formation. “Mais dans un IUP, 50% des enseignements sont dispensés par des professionnels extérieurs”, tempère M. Svizzero. De même, la réforme LMD – mise en place cette année pour les mastères de droit – doit être faite à budget constant. Pourtant, trois nouvelles filières ont été créées.
“LES GENS ONT UNE VISION CLICHÉ DE LA VIE SUR L’ÎLE”
Cette situation n’engendre pas uniquement des problèmes d’encadrement : l’état de la recherche est bien sûr aussi en jeu. Moins il y a de postes, plus les enseignants augmentent leur volume horaire et moins ils ont le temps de se consacrer à la recherche. Toutes ces heures se font au détriment de la qualité du travail et de la préparation des cours. Et les fonds consacrés à l’embauche de contractuels ne le sont pas à la recherche. CQFD.
Certains expliquent ce constat par le centralisme fort qui prévaut rue de Grenelle et par l’influence d’éminents scientifiques sur ses décisions. Étienne-Émile Beaulieu, professeur au collège de France, a déclaré que seulement sept universités françaises faisaient de la recherche. La Réunion n’en ferait pas partie…
“Pour des gens comme lui, nous ne faisons pas de recherche. C’est faux : à la Réunion, nous produisons des travaux de qualité. Mais les gens ont une vision cliché de la vie sur l’île”, précise le président de l’université. Le ministère d’ailleurs prépare actuellement une loi de programme sur la recherche et Serge Svizzero compte bien faire entendre la voix de la Réunion lors de son élaboration.
Le projet de mise en place d’une fondation pour la recherche dans l’océan Indien est en revanche déjà lancé. Grâce à lui, les entreprises bénéficieront d’avantages fiscaux en donnant de l’argent, mais l’université pourra garder le contrôle sur l’orientation des recherches.
“Confier entièrement le financement au privé, c’est prendre le risque de voir des pans entiers de la recherche disparaître. Si on peut avoir les deux sans perdre notre indépendance, c’est bien, mais il faut faire très attention. Se rapprocher des entreprises ne veut pas dire se livrer à elles”, explique le nouveau président.
En revanche, les crédit accordés à la recherche ont été augmentés cette année grâce au conseil régional, qui s’est encore plus impliqué dans le domaine. Cela permet notamment aux thésards d’avoir plus de moyens, mais ce financement “ne peut pas remplacer le financement d’État. La Région s’implique beaucoup sur des projets avec des objectifs régionaux, mais pas forcément fondamentaux”, explique Lionel Leduc.
Les trois priorités du projet quadriennal
Malgré le manque de moyens, les ambitions pour le contrat quadriennal restent fortes et les projets ambitieux. “C’est parce qu’on va montrer qu’on a des projets qu’on obtiendra plus de moyens”, dit M. Svizzero.
Ainsi, son élaboration tournera autour de trois grands axes, dont la recherche. A ce niveau, il visera à consolider ce qui est déjà lancé le Cyclotron et le centre de calcul et à monter un centre de télédiction par satellite. Ce centre d’analyse des images par satellite pourrait être utilisé en recherche fondamentale, mais aussi à des fins économiques.
Surtout à la Réunion, car il permettrait de surveiller les mouvements de terrain, tout ce qui est relatif au volcan, l’érosion des côtes ou encore l’évolution du récif corallien. Mais son coût avoisine les quatre millions d’euros…
Deuxième priorité : l’ouverture de l’université vers l’international. Ainsi, le projet d’établissement devrait favoriser la mise en place d’un programme d’échange avec des étudiants étrangers venus de la zone océan Indien. Mais s’il est intéressant au niveau de la coopération régionale, ce projet serait très coûteux. Cette année, l’université table sur l’accueil de 500 étudiants étrangers et 300 métropolitains.
“Nous cherchons à être plus attractifs. Il y a seulement 4% d’étudiants étrangers à l’université. Nous voulons faire venir des étudiants de qualité qui cherchent à s’inscrire en mastère, car nous manquons d’étudiants à ce niveau d’études”, explique Serge Svizzero. Les collaborations avec des universités étrangères sont aussi au programme : Afrique du Sud, Madagascar, Inde.
Troisième priorité : l’épanouissement des étudiants. Pour éviter que certains étudiants en échec sortent du circuit sans diplôme, la mise en place d’un diplôme universitaire est en projet pour cette année.
Une grosse majorité de ces étudiants en situation d’échec sort du lycée professionnel. “Il n’y a pas suffisamment de places dans les BTS et les IUT, donc les étudiants les moins motivés stagnent en premier cycle et le taux d’échec est effroyable”, explique Lionel Leduc. Le taux de réussite de la première année de droit avoisinerait les 12% et 15% pour AES.
Un premier jet du projet d’établissement devrait être terminé au 1er décembre. Il devra ensuite être soumis au ministère qui, une fois qu’il l’aura validé, attribuera les moyens de sa mise en œuvre.
Marine Veith