Les Algériens établis au Maroc et en Tunisie vivent mal
Le Grand Maghreb, un projet en suspens ?
Par Imaad Zoheir
La construction du Grand Maghreb n’est pas pour demain. Et le romantisme politique qui a présidé à sa naissance a cédé depuis longtemps la place aux intérêts des uns et des autres.
Si la langue de bois n’a pas encore son musée, il faut croire qu’elle a ses goulags.
Le sommet de Tanger qui avait réuni en 1948 Mohammed V, Bourguiba et Ferhat Abbès, autour de l’idée d’un grand ensemble régional, soulevant dès lors tellement d’espoir, n’est plus aujourd’hui qu’une relique vidée de son corpus.
A l’épreuve des indépendances, le rêve tant caressé de fraternité et de solidarité entre les peuples n’a pas résisté au terrain. Mais avant de parler des peuples, il n’est pas inutile de rappeler quelques faits d’histoire. En 1962, alors que l’Algérie commençait à peine à panser ses plaies et à mettre de l’ordre dans un pays ruiné, exsangue, la monarchie alaouite réclame subitement la restitution à son territoire, des villes de Tindouf et de Tinjab et déclare la guerre. C’était une parenthèse bien douloureuse, mais qui sera vite refermée. Il faudra un trésor de patience et beaucoup de diplomatie pour arriver à procéder enfin au bornage définitif de nos frontières avec nos voisins. Mais qu’on ne se fasse pas trop d’illusions, non plus. Nos amis tunisiens ont, eux aussi, réclamé, par la bouche de Bourguiba, une partie du gâteau algérien. C’est le général De Gaulle lui-même qui en a fait mention dans ses Mémoires. Le terrain étant miné, il fallait pour notre pays marcher sur des œufs. Pour prévenir d’éventuelles frictions et instaurer un climat de confiance entre les trois Etats du Maghreb, l’Algérie signera de nombreux traités d’amitié et de coopération avec Tunis et Rabat, dont le plus connu reste celui d’Ifrane.
En plus, dans un certain nombre de conventions, d’établissements qui devaient assurer en théorie la sauvegarde et la protection des intérêts des différentes communautés établies à travers le Maghreb. Mais là encore, ils ne serviront que de parchemins à chaque fois que la tension monte. Et quand elle grimpe de quelques crans, avec l’un de nos voisins c’est d’abord notre communauté qui essuie les plâtres. Pour mémoire, le Maroc, au lendemain de l’attentat de Marrakech qu’il croyait avoir été commis par des terroristes algériens, chassait aussitôt tous nos touristes du royaume, parfois en pleine nuit, de leur hôtel. Par représailles pour ce qu’ il croyait être son bon droit. Le roi fermera ses frontières et imposera un visa d’entrée à tous les Algériens soupçonnés désormais de terrorisme. Cette précipitation lui sera fatale, puisque l’hémorragie de nos touristes privera la ville d’Oujda d’importantes ressources en devises, qui faisaient vivre jusque-là un Marocain sur trois. Devant ce désastre économique qu’il n’avait pas prévu, pas plus qu’il n’avait pensé accuser injustement notre pays, l’enquête du Makhzen, démontrera que l’attentat avait été perpétré par des Espagnols. La monarchie se ravisera, rouvrira ses frontières et supprimera les visas pour les Algériens.
En Tunisie, ce serait faire preuve d’angélisme que de croire que l’intégration de nos ressortissants dans ce pays allait faire d’eux des citoyens à part entière, du moins avec un minimum de droits. Sur le papier peut-être. Mais en réalité, ils ont toujours été traités comme des étrangers dans les faits.
Pour en revenir au Maroc, le vin était tiré… Alors qu’un cadre institutionnel de concertation expurgée de toutes les scories et capable de dépasser les intérêts chauvins aurait pu éviter, au mieux de séparer des familles, particulièrement celles établies à la frontière, au pire le naufrage économique du Maroc oriental où vivent par ailleurs des milliers de nos compatriotes.
Source: http://www.infosoir.com
10/01/2011