Laval – Miser sur la mondialisation
Thierry Haroun
Édition du samedi 24 et du dimanche 25 février 2007
Source: http://www.ledevoir.com
L’université Laval compte bien tirer son épingle du jeu dans le cadre de la mondialisation des savoirs universitaires et de la concurrence qui l’accompagne, en misant sur ses atouts: la recherche et son caractère francophone. Questions et réponses avec Richard Poulin, adjoint au vice-rectorat au développement et aux relations internationales de l’université Laval.
«La mondialisation n’est pas mauvaise en soi, c’est une occasion. Il faut faire partie de la mouvance. Notre université a des choses à partager avec le monde de l’éducation. On n’a pas d’autre choix que d’embarquer. On ne peut pas se contenter d’être un simple spectateur car il y a une partie qui se joue sur cette vaste patinoire et on a avantage à y participer», estime Richard Poulin, également professeur au département de génie des mines, de la métallurgie et des matériaux.
Profil international
Si, il y a quelques années, «on avait peur d’être aspiré» par l’accélération de la mondialisation des savoirs, aujourd’hui, poursuit le professeur, il importe «de se demander de quelle manière on peut y participer? Est-ce qu’on y participe selon nos termes de référence? Et comment se donner les moyens pour y parvenir?».
Les efforts conduits au cours des dix dernières années par l’université Laval pour prendre pied sur l’échiquier mondial au moyen de son programme Profil international ont porté leurs fruits, souligne Richard Poulin. «Aujourd’hui, on est très fier de constater que 12,5 % de nos étudiants diplômés vivront une expérience internationale. Ce qui est considérable par rapport à la moyenne canadienne. Par contre, ces efforts ne vont pas sans coûts.» Et à long terme, si cette institution veut favoriser une plus grande mobilité étudiante, «il nous faudra trouver d’autres moyens de financer nos projets».
Et M. Poulin de renvoyer à un récent document de l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC), daté du 12 février dernier, intitulé «Créer un avantage du savoir grâce à l’éducation internationale» qui, somme toute, est un appel à l’aide lancé au gouvernement fédéral.
L’AUCC propose notamment au gouvernement canadien de se doter d’un programme phare qui distribuerait annuellement 1000 bourses d’études à la maîtrise, d’une valeur de 17 500 $ pour une année d’études, et 1000 bourses au doctorat, d’une valeur de 35 000 $ par année. Selon ces paramètres, un investissement de 52,5 millions de dollars serait nécessaire durant la première année du programme, 87,5 millions pendant la deuxième, et lorsque le programme aura pris son envol, l’investissement annuel s’élèverait à 122,5 millions de dollars.
«Dans le cas de l’université Laval, affirme Richard Poulin, nous avons, au cours des années, multiplié les échanges bilatéraux. En somme, nous envoyons aujourd’hui quelque 850 étudiants à l’étranger sur une base annuelle, et nous en accueillons environ 1000 de l’étranger. Ces échanges touchent particulièrement les domaines des sciences sociales, de l’architecture et des lettres.»
Jouer ses atouts
Dans une perspective plus large, Laval se distingue d’autres institutions de taille semblable par son expertise dans le domaine de la recherche, notamment en océanographie, en génie et en foresterie, ainsi que par sa couleur francophone. Deux cartes qui se jouent selon les occasions qui se présentent.
«On en est conscient et on le dit quand on va à l’international: l’université Laval n’est pas Toronto, grosse et puissante, ou encore McGill. Par contre, sur le plan de la recherche, quand on indique qu’on est classé cinquième ou sixième au Canada, ça impressionne. Par exemple, on ne vise pas nécessairement des collaborations avec la meilleure université indienne. Car si on se présente en même temps que la Sorbonne, Harvard ou Cambridge, on nous met en file d’attente. Mais si on traite avec la seconde université de l’Inde, on peut faire beaucoup de choses avec elle.»
Va pour la recherche. Maintenant, au tour de jouer la carte de la francophonie. «On est justement à travailler avec des professeurs de français en Inde. Et vous savez, la donne démographique dans ce pays fait que des professeurs de français se comptent par… milliers!» Donc, selon le cas, dit-il, «on joue la carte du français, et quand la langue importe peu, on joue la carte de la recherche de pointe».
Reste que le financement revient toujours sur le tapis quand on veut jouer dans la cour des grands. «C’est difficile. On se décarcasse beaucoup plus que les autres quand on se retrouve sur la scène internationale avec des joueurs beaucoup plus riches. Une chose est sûre, on ne peut pas acheter notre internationalisation», admet le professeur Poulin.
Collaborateur du Devoir