L’Afrique du Sud malade de ses hôpitaux publics

L’Afrique du Sud malade de ses hôpitaux publics

ACORNHOEK (AFP) — "Si vous n’avez pas de chance, vous pouvez mourir debout, ici", lance Samson Mashaba en montrant la file d’attente qui s’étire devant lui pour voir un médecin, dans un hôpital de la province rurale sud-africaine du Mpumalanga.

L’Afrique du Sud jouit des hôpitaux les plus modernes du continent dans les villes comme Le Cap ou Johannesburg. Mais à la campagne, les infrastructures souffrent d’un manque criant de personnel et de moyens pour couvrir de vastes étendues.

Le Mpumalanga, province de quelque 80.000 km2 et 3,5 millions d’habitants dans le nord-est, ne compte que 550 médecins, un pour environ 6.000 patients.

Seulement 44 sont des spécialistes. En cas de problème, les généralistes doivent envoyer leurs patients à des centaines de kilomètres de là, dans les hôpitaux publics de la riche province du Gauteng, où se trouve Johannesburg.

Cela est devenu si fréquent que la caisse publique d’assurance maladie du Mpumalanga doit quelque 44 millions de rands (4,5 millions euros) au Gauteng qui a soigné ses patients.

Selon Selby Maphophe, directeur de l’Association des médecins ruraux d’Afrique du Sud, beaucoup sont partis pour la ville ou bien le secteur privé, las des mauvaises conditions de travail.

"Nous sommes confrontés à de sérieux défis comme le logement, les salaires en retard, le manque d’équipements et de soutien émotionnel. C’est frustrant. Nous en venons à mettre la vie des gens en danger", dit ce médecin d’un hôpital rural du Limpopo, la province voisine.

"Une fois, j’ai dû renvoyer une diabétique car nous n’avions pas le matériel pour tester son taux de glycémie. Nous n’avons rien pu faire d’autre que de l’envoyer dans un hôpital mieux pourvu", cite-t-il en exemple.

A 69 ans, M. Mashaba, qui attend de voir un podologue à l’hôpital de Tintswalo à Acornhoek, connaît bien le problème.

"J’ai été renvoyé trois fois parce qu’il n’y avait pas de docteur pour m’examiner jusqu’à ce qu’on me conseille d’aller à Mankweng", à environ 250 km de là. "Là, on vous renvoie à nouveau faute d’équipement ou de spécialiste."

Un autre patient âgé ajoute que ce genre de mésaventure est un vrai cauchemar. "Certains d’entre nous sont des retraités sans argent. Comment parcourir de longues distances en quête d’un médecin?", demande-t-il sous le couvert de l’anonymat.

Le gouvernement accepte mal les critiques et le président Thabo Mbeki a réagi avec fureur lorsque l’état déplorable d’un hôpital d’East London, dans la province de l’Eastern Cape (sud), a été dénoncé dans la presse. Un médecin, qui s’était exprimé publiquement, a été suspendu.

Du coup, aucun responsable de l’hôpital de Tintswalo n’accepte de parler ouvertement. Mais, demandant à ne pas être nommée, une infirmière confirme que la charge de travail est insupportable.

"Nous exerçons avec un personnel réduit et sommes sous pression car nous devons négliger nos tâches pour accomplir celles des médecins. C’est vraiment difficile", dit-elle.

"La situation met sans nul doute le nombre limité de médecins sous tension dans le secteur public (…) mais nous travaillons dur pour y remédier", affirme Mpho Gabashane, la porte-parole du département provincial de la santé du Mpumalanga.

Le gouvernement recrute de plus en plus de médecins étrangers, de Cuba, de Tunisie et d’Iran, et a adopté des mesures d’incitation, comme une prime en zone rurale. "Nous avons aussi chaque année une équipe de médecins qui font du service communautaire en zone rurale et nous envisageons d’y inclure des infirmières l’an prochain", assure le porte-parole du ministère de la Santé, Sibani Mngadi.

Source: AFP 11/09/07

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