Franck Noiret (Wharton Club de Paris) : "La richesse de notre réseau, c’est l’incroyable diversité des profils et des psychologies"
Le président des anciens de Wharton à Paris revient sur son expérience dans le premier MBA du monde, sur l’envolée de sa carrière et sur ce qu’apporte, au fil du temps, un réseau d’"alumni".
Wharton, c’est simplement la meilleure business school au monde. Son MBA est classé premier tous les ans par le Financial Times et l’on ne compte plus les prix Nobel, fondateurs et dirigeants des plus grands groupes, ambassadeurs et chefs d’Etat qui furent formés dans ses murs. Si Wharton, qui a inventé le modèle de la business school, revendique une tradition d’innovation, elle se distingue aujourd’hui de ses concurrentes par le rôle prééminent que jouent les étudiants et les anciens de son MBA.
Franck Noiret, diplômé en 1995, préside aujourd’hui le Wharton Club de Paris qui réunit 500 anciens (alumni). Il revient sur son expérience américaine et sur le rôle que peut avoir un réseau d’anciens dans une carrière.
Pourquoi un MBA, pourquoi aux Etats-Unis… et pourquoi Wharton ?
Diplômé de Dauphine et Sciences Po Paris, donc déjà formé au management, je recherchais une formation de très haut niveau en general management, mais aussi l’expérience de vivre aux Etats-Unis et de côtoyer le monde des affaires américain, ainsi qu’un diplôme reconnu mondialement pour pouvoir travailler dans n’importe quel pays. J’ai donc pris quinze jours de vacances pour aller voir les universités de l’Ivy League sur la côte Est, les premières universités américaines, celles qui ont créé les MBA et possèdent le savoir-faire académique, les moyens et le prestige. J’ai rencontré beaucoup d’anciens, d’étudiants et de responsables des admissions, j’ai assisté à des cours et ainsi comparé Kellogg, Columbia, Harvard, Chicago et Wharton. C’est cette dernière qui m’a convaincu, pour ses capacités de recherche et d’enseignement comme pour la collégialité flagrante entre étudiants, alumni et professeurs.
Qu’est-ce qui, selon vous, caractérise le MBA de Wharton ?
Avant tout, le fait que les étudiants, considérés comme une vraie richesse, ont un rôle primordial. Ils constituent une véritable force de proposition. Or aucun étudiant ne se ressemble : la diversité des profils et des psychologies est incroyable et l’indépendance de caractère est encouragée. D’ailleurs, on choisit soi-même son cursus : on peut d’entrée éliminer certains cours pour en approfondir d’autres. J’ai ainsi fait une triple major – management multinational, management stratégique et finance – qui m’a parfois, en première année, fait suivre des cours avec des seconde année. C’est grâce à l’accompagnement par Wharton de chaque projet individuel que j’ai su que je voulais aller vers les postes au cœur de la définition de stratégies.
D’autre part, les classes de leadership skills – au cours desquelles on passe des tests de personnalité, on se décrit dans le futur, on détermine quelles leadership skills on désire développer – aident à spécifier le type d’environnement, de secteur où l’on a le plus de chances de réussir. Ils nous apprennent également à nous concentrer sur nos forces plutôt qu’à travailler nos faiblesses, ce qui est très nouveau culturellement. C’est ce qui m’a poussé à allier mes goûts pour la finance et le management et à m’orienter vers le capital investissement, même si à l’époque, en 1995, cette activité était très récente.
Enfin, une caractéristique extrêmement prégnante de l’esprit Wharton est la volonté partagée par chacun d’avoir un impact sur son environnement. L’accent est mis sur la formation non de managers mais de leaders. C’est une différence notable entre les très bons MBA et les autres.
Vous dites également qu’étudiants et corps professoral travaillent main dans la main…
Oui, c’est une autre spécificité marquante. C’est comme ça que j’ai pu devenir l’assistant de Harold Perlmutter, professeur de management qui a, le premier, conceptualisé la mondialisation, ainsi que le conseiller du dean de Wharton sur les questions de formation liées à l’international. Ces collaborations sont bien évidemment infiniment enrichissantes.
Concrètement, comment vous êtes-vous organisé pour partir en Pennsylvanie ?
Avant d’intégrer Wharton, j’étais depuis trois ans à Londres, à la Société Générale. J’étais donc préparé à un environnement anglo-saxon et je travaillais déjà en anglais. Pour ce qui est du financement de mes deux années, je me suis appuyé sur mes économies – autour de 30.000 euros – et j’ai fait deux emprunts de 23.000 euros chacun. Au total, cela m’a donc coûté environ 76.000 euros – 500.000 francs de l’époque. Mais bien m’en a pris puisque, mon salaire net ayant été multiplié par trois dès ma sortie du MBA, j’ai pu rembourser ma dette en trois ans. Et encore, je n’ai pas choisi l’offre d’emploi la mieux rémunérée…
De quelle façon le réseau des anciens de Wharton vous a-t-il aidé dans votre carrière ?
Dès l’obtention de mon diplôme. Convaincu de la nécessité de réunir les deux Europe, j’ai souhaité travailler dans des projets de développement de l’Europe de l’Est. Au cours de mes recherches, j’ai appris qu’une élève de la promo précédente de mon MBA était très satisfaite de son poste à la BERD. Je l’ai appelée pour en savoir plus et dans l’heure qui suivait, mon CV était sur le bureau de son patron. Par la suite, le réseau des anciens m’a fait rencontrer des responsables en Europe de l’Est qui sont devenus des partenaires.
Aujourd’hui par exemple, je déjeune avec un diplômé de 2005 qui travaille avec le Premier ministre de Macédoine. Il me rencontre en tant que président du Wharton Club de Paris… car il cherche des investisseurs – mon métier actuel.
Mais le réseau permet aussi de nouer des relations amicales, ce qui peut être très utile dans les affaires. En vacances au Brésil l’an dernier, je cherchais quelqu’un qui puisse me servir de guide. Installé là-bas, un ancien de Wharton que je connaissais était en déplacement mais m’a orienté sur un de ses camarades de promo, qui lui-même m’a indiqué un autre ancien. Nous avons bu un verre, sympathisé et le lendemain j’étais invité à une réception avec une quinzaine d’industriels brésiliens. Cela m’a permis d’agrémenter mon séjour en apprenant davantage sur le monde brésilien des affaires.
En quoi consiste le Wharton Club de Paris ?
Nous organisons des rencontres plusieurs fois par mois qui nous permettent de mieux nous connaître mais aussi, en faisant venir divers invités, de débattre et de continuer à réfléchir ensemble. En quelque sorte, nous prolongeons notre MBA avec nos propres business cases. Une fois par mois, nous organisons ainsi un petit déjeuner avec un entrepreneur. Pour moi qui suis capital risqueur, c’est du pain béni ! Et si demain j’ai besoin d’un contact dans l’automobile ou l’assurance, peut-être en aurai-je rencontré un par le Club.
D’autre part, je conçois notre réseau comme une véritable communauté d’esprit. Par exemple, si un ancien revient en France après 20 ans passés en Chine et se trouve complètement déconnecté, j’estime que le Club doit absolument lui permettre de rencontrer une cinquantaine de contacts en trois mois. Ce rôle d’intégration est très important et nous y associons les conjoints, patrons et amis d’alumni qui le demandent.
On reproche souvent à ce type de réseaux d’avoir pour conséquence une reproduction sociale stérile. Qu’en pensez-vous ?
Je crois que c’est très vrai pour les réseaux français où domine le mimétisme social. Mais ils sont à l’opposé de la méritocratie américaine, où coexistent tous types de milieux, d’origines géographiques, de secteurs… L’étendue de la langue anglaise permet à beaucoup de gens d’interagir. Nos valeurs sont la dynamique, la création, le leadership, le mouvement. Des notions à l’opposé du conformisme que l’on reproche aux réseaux français. D’ailleurs, la démarche de quelqu’un qui va suivre un MBA aux Etats-Unis signifie très exactement ceci : "je ne me satisfais pas du statut quo". Dépenser autant d’argent, se remettre en question et avoir à tout recommencer ensuite, c’est démontrer que l’on est capable de prendre des risques et de changer de vie.
Recommander un ancien, n’est-ce pas du piston ?
A ce sujet, la position de numéro un de notre MBA nous impose d’être irréprochables. D’ailleurs, recommander quelqu’un qu’on ne connaît pas personnellement risquerait d’être très préjudiciable aussi bien à soi-même qu’à l’image de notre école : pour faire une recommandation, nous attendons au contraire d’être bien sûrs de notre jugement ! Notre réseau se conçoit comme un réseau d’information et certainement pas de piston. Notre recommandation n’intervient qu’après notre validation : notre réputation est en jeu.
En savoir plus Le Wharton Club de Paris et The Wharton School of the University of Pennsylvania
Parcours
Après un an et demi chez Arthur Andersen à Paris et trois ans à la Société Générale de Londres, Franck Noiret intègre en 1993 le MBA de Wharton. En 1995, il entre à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement pour s’occuper du secteur technologie-média-télécoms et conseiller les gouvernements et opérateurs d’Europe centrale et de l’Est sur les privatisations. De 2000 à 2004, il est directeur chez Apax Partners à Paris, en charge des investissements IT et télécoms. Il rejoint alors CDC Innovation où il est aujourd’hui general partner.
Membre du conseil d’administration et de suveillance de plusieurs sociétés IT et télécoms, il poursuit son engagement dans le réseau des anciens de Wharton. Président du Wharton Club de Paris depuis 2005, il appartient aussi au comité exécutif de Wharton Private Equity Partners, dont il a fondé le bureau parisien.
Source:
http://www.journaldunet.com
29/05/2007