France – Les « amis africains » du président
L’Afrique n’est plus un enjeu économique majeur pour la France, mais elle compte pour les quelques entreprises dirigées par des proches du chef de l’État.
Envoyée spéciale.
Source:
http://www.humanite.fr
28 juillet 2007
« La France n’a pas besoin économiquement de l’Afrique », avait déclaré Nicolas Sarkozy en mai dernier lors d’une visite au Mali. De fait, Maghreb compris, « la part de l’Afrique dans les exportations françaises est passée de 8,7 % en 1970 à 5,6 % en 2006 », rappelle l’économiste Philippe Hugon dans un récent numéro de Politique africaine. À elle seule, la zone franc ne représente plus que 1 % du commerce extérieur français alors que l’Afrique ne dispose que de 1,5 % des investissements directs étrangers (IDE) de la France dans le monde. L’accroissement de la compétition avec d’autres pays, ainsi que la disparition progressive de l’aide liée, qui conditionnait l’octroi d’aides à l’utilisation de biens et services français, ont peu à peu réduit le nombre d’acteurs économiques français sur le continent.
Ce désengagement n’empêche pas l’Afrique d’être ren- table pour la vingtaine d’entreprises françaises qui y sont présentes, soit dans le secteur pétrolier, soit dans les transports de marchandises, l’eau ou l’électricité, notamment dans les anciens pays du pré carré francophone. Ainsi, en 2000, elles ont enregistré 40 milliards de bénéfices sur 150 milliards investis en Afrique. Pour garantir ces positions, des groupes com- me Areva ou Total, entre autres, se sont de tout temps appuyés sur la diplomatie française.
L’arrivée de Sarkozy au pouvoir ne devrait pas remettre en cause cette imbrication entre intérêts privés et pouvoir public. Parmi les « amis » du nouveau président figurent au moins deux chefs d’entreprises pour qui le continent noir reste un enjeu économique d’importance. Vincent Bolloré, l’homme qui a invité le président sur son yacht au lendemain du résultat de l’élection présidentielle, fait ainsi 20 % de son chiffre d’affaires en Afrique. Celui qui a affirmé n’avoir « jamais eu aucune relation commerciale avec l’État français » est surtout présent dans les pays du pré carré francophone où ses parts de marché dans le secteur des transports et de la logistique peuvent atteindre jusqu’à 50 %. Selon la journaliste belge Colette Braeckman, le groupe, présent dans l’exploitation forestière au Cameroun et au Congo-Brazzaville, deux pays dirigés par des piliers de la Françafrique, contrôle également « 22 ports africains, soit toute la côte Ouest du continent et domine le commerce maritime ». Et malgré la volonté affichée de se reconvertir dans les médias, le groupe caresserait de nouvelles ambitions.
Symbole d’une certaine continuité d’approche des marchés africains, le numéro deux du groupe en charge de l’Afrique est Michel Roussin. Cet ancien directeur Afrique du MEDEF a été un proche de Jacques Chirac, ce qui lui a valu d’être mis en examen dans plusieurs affaires sur le financement occulte du RPR. Un missi dominici utile, qui entretient de nombreux et amicaux contacts avec les dirigeants africains.
Martin Bouygues est le deuxième entrepreneur « afri- cain » de l’entourage de Nicolas Sarkozy. L’entreprise de bâtiments et travaux publics réalise de juteuses affaires sur le continent. Face à une concurrence chinoise très rude dans le secteur du BTP, Bouygues a redéployé une grande partie de son activité sur ldu Nord. En revanche, il continue de contrôler la distribution de l’eau dans les grandes villes du Sénégal, ainsi que d’électricité en Côte d’ivoire. Dans ce dernier pays, Bouygues comme Bolloré n’a pas hésité, au plus fort de la crise anti-française, à jouer la carte Gbagbo, ce qui lui a notamment permis d’obtenir dans des conditions dénoncées par la Banque mondiale, la gestion du lucratif port d’Abidjan. Les deux hommes d’ailleurs ont su tour à tour s’appuyer ou se désolidariser d’une diplomatie française qui devrait continuer à prendre en compte leurs intérêts dans ses relations avec le continent.
C. B.