France — Immigration: le projet français de test ADN vu d’Afrique
DAKAR (AFP) 09/19/07 — "Ségrégationniste", liberticide, "horrible": en Afrique, beaucoup dénoncent le projet de loi français de test ADN pour les candidats au regroupement familial, rappelant que les liens familiaux ne se déterminent pas seulement par le sang sur ce continent.
L’instauration du test ADN est contenue dans un projet en débat depuis mardi à l’Assemblée nationale française, qui durcit les conditions d’entrée des étrangers en France.
Cette initiative n’a pas encore fait l’objet de commentaires officiels dans la plupart des pays d’Afrique, mais la société civile et la presse n’ont pas attendu l’issue du vote pour réagir.
Le projet fait partie d’une série de procédures "ségrégationnistes et avilissantes", accuse ainsi l’auteur d’un commentaire publié par le site GlobalNet de Tunisie et consacré à la politique d’immigration en Europe.
"L’ADN, test porte-malheur pour Nicolas Sarkozy", titrait mercredi le journal Aujourd’hui Le Maroc (privé), rappelant que la création en France d’un ministère de l’Immigration et de l’identité nationale avait déjà suscité "les plus vives réactions" au sein de la gauche et des intellectuels.
Pour Amina Bouayach, présidente de l’Organisation marocaine des droits humains (OMDH, indépendante), une telle initiative est simplement liberticide.
Ce projet "viole le droit fondamental des individus à être libres", a déclaré Mme Bouayach à l’AFP à Rabat, ajoutant que "les liens familiaux ne peuvent être limités à des liens de sang".
La même idée est défendue au Sénégal, dont le quotidien pro-gouvernemental Le Soleil parle d’une "bien vilaine tentative de tri dans la famille africaine, où les demi-frères sont des frères entiers, les cousins germains des frères pleins, les co-épouses des mères intégrales de tous les enfants d’un même père."
Alors, "vu d’Afrique, ce projet de test d’ADN, s’il était adopté, serait une horrible machine puisqu’elle sert à diviser ce qui, en Afrique, appartient à tout le monde: le sang de la famille", ajoute l’auteur de l’article.
En Algérie, pays qui n’est pas concerné par le projet en raison de la particularité des relations avec Paris, la presse s’est faiblement fait l’écho du tollé suscité en France par le projet de texte, dénoncé notamment par des ONG, des scientifiques et même au sein du parti au pouvoir.
Le quotidien L’Expression souligne cependant "l’absurdité" de la politique d’immigration de la France, qui va "jusqu’à demander des tests ADN aux simples demandeurs de visas touristiques (pour les pays du Tiers-Monde, bien sûr)" et "instaurer des quotas annuels d’expulsions".
Nicolas Sarkozy, qui avait déjà durci la législation alors qu’il était ministre de l’Intérieur, a promis une immigration "maîtrisée" et "choisie" lors de sa campagne pour l’élection présidentielle.
Après son élection, début mai 2007, son gouvernement s’est fixé un objectif de 25.000 expulsions par an et a accentué la pression policière sur les étrangers en situation irrégulière.
"Il n’y a pas que la France qui pense ainsi" en Europe, estime L’Expression.
Les ressortissants de la République démocratique du Congo (RDC) doivent, par exemple, se plier à un test ADN depuis des années dans le cadre du contrôle des regroupements familiaux en Belgique.
Ces tests ne sont pas effectués en RDC, faute de laboratoire et par précaution contre la fraude. "Nous recourons aux laboratoires d’autres pays", a précisé à l’AFP le médecin Dieudonné Diabeno, directeur de l’Hôpital général de Kinshasa.
Aujourd’hui Le Maroc prévient: la polémique autour du test ADN "a de fortes chances de mettre fin à l’idylle que vit Nicolas Sarkozy avec l’opinion publique depuis son élection."