France – Benjamin, 22 ans : un stage en Thaïlande, puis le coma

Benjamin, 22 ans : un stage en Thaïlande, puis le coma

Les parents de l’étudiant hospitalisé depuis 2005 attaquent son école de commerce.
Par Antoine Bayet
QUOTIDIEN : samedi 8 septembre 2007
http://www.liberation.fr

D’abord, il y a les Thaïlandaises, ­jeunes et accortes ; et les touriste occidentaux bedonnants. Le tout sur fond de complexes hôteliers. Puis, un agression et un accident de la route. Loin d’un polar façon Houellebecq c’est la réalité endurée par Benjamin Daniélou, un Français de 22 ans Envoyé en stage par son école de commerce en Thaïlande, en 2005, il es plongé depuis dans un coma profond. Mardi, ses parents ont déposé plaint contre l’école pour «mise en danger de la vie d’autrui par manquement à une obligation de prudence ou de sécurité» . Au-delà, son père réclame «la mise en place d’un véritable statut qui protège les stagiaires, pour qu’il n’y ait plus jamais de Benjamin».

En avril 2005, son fils est étudiant à l’Ecole de gestion et de commerce de Bretagne (EGCB), à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine). Au programme de la deuxième année, un stage de 12 à 14 semaines dans une entreprise étrangère, «dans un service commercial, marketing, communication ou achats», selon la plaquette de l’établissement. Sur Internet, Benjamin entre en contact avec Terry Patterson, un Britannique de 65 ans, installé en Thaïlande à la tête de Sunny Golf Holidays, un petit business proposant aux étrangers la visite des golfs locaux. Quelques courriels et un fax plus tard, une convention de stage est signée.

«Tragédie». La mission de Benjamin tient en quelques lignes : «Assister le directeur exécutif dans ses activités quotidiennes, aider à la préparation des comptes», le seul contact indiqué par le maître de stage est une adresse électronique. L’école valide la convention et début mai 2005, Benjamin s’envole pour Pattaya. «Pour moi, il n’y a pas eu de défaut. L’école a visité le site Internet de cette société sans qu’un élément soit de nature à douter de son sérieux», persiste Patrick Charpy, directeur général de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Saint-Malo, organisme de tutelle de l’EGCB.

Loin du tour-opérateur ayant pignon sur rue, Benjamin découvre sur place que Terry Patterson gère seul, depuis son domicile, une société même pas immatriculée au registre du commerce local. Surtout, Benjamin comprend que le principal attrait des golfs thaïlandais n’est pas la qualité de leurs greens, mais plutôt les caddies, exclusivement féminins, recrutées pour pousser les chariots des clients.

Au siège de la Sunny Golf Holidays, John Clement, un nouvel associé, regrette cette «tragédie» , mais refuse toute question sur l’activité de l’entreprise. A l’ambassade de France à Bangkok, on euphémise : «Pattaya n’est pas l’un des endroits les plus sûrs. Les touristes qui s’y rendent sont connaisseurs de la chose.» Benjamin aurait évoqué les dessous de son job à quelques amis, mais sans oser en parler à ses parents. Me Axel Pivet, leur avocat, explique : «C’est sans doute un peu difficile, quand on a 20 ans, d’annoncer à ses parents : Je recrute des putes. »

«Vérité». Dans ses échanges avec sa responsable pédagogique, Benjamin se plaint de semaines de «60 à 70 heures, sans jour de repos», évoque la possibilité de mettre fin à son stage. Mais il hésite : «Si je quitte mon stage ce sera très mal vu vis-à-vis de vous et du reste de l’administration.» La réponse de l’école est lapi daire : «Vous devez tenir, pas par obligation morale envers nous, mais pour valider votre deuxième année à l’EGCB. Vous connaissez le contrat : 13 semaines dans la même entreprise […]. Ne rentrez pas dans un scénario de rupture prématurément.»

A Pattaya, le film se noircit. Le 23 juin 2005, Benjamin est agressé, au couteau et par balle, une histoire de vol à la tire. L’école est prévenue, les parents de Benjamin demandent son retour immédiat. Pas question pour l’EGCB, qui se retranche aujourd’hui derrière la volonté affichée par Benjamin de rester sur place. Une semaine plus tard, au matin du dimanche 3 juillet 2005, Benjamin, en deux-roues, est renversé par une voiture. Longues opérations à Pattaya, puis à Bangkok, la capitale. Benjamin est dans le coma, il ne le quittera plus. Quelques semaines plus tard, il est rapatrié en France, où son état est aujourd’hui jugé «irréversible» .

Obligations. «Une entreprise a une obligation de sécurité vis-à-vis de ses salariés. Une école, quand elle signe une convention de stage, a la même vis-à-vis des étudiants. Que ce soit par le règlement ou par la loi, les obligations faites aux entreprises en matière de stage doivent être précisées», voilà l’argumentation de Me Axel Pivet, qui a par ailleurs lancé une procédure auprès de la Sécurité sociale visant à faire reconnaître l’accident de circulation comme accident du travail.

En attendant, les élèves font leur rentrée ces jours-ci à l’EGCB, acquittant des frais de scolarité de 3 000 euros par an. Patrick Charpy, de la CCI, af­firme : «Pour l’image de l’école, l’important c’est de rétablir la vérité. On donnera [aux nouveaux étudiants] toute l’information.»

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