Etudier à l’étranger reste réservé à l’élite des étudiants européens

Etudier à l’étranger reste réservé à l’élite des étudiants européens

MOBILITE. En Europe, seuls 4% des diplômés universitaires ont fait un séjour avec Erasmus.

Les chiffres sont cruels. Un peu plus de vingt ans après le lancement d’Erasmus, ce programme emblématique d’incitation à la mobilité universitaire en Europe, seuls 4% des étudiants ont effectué un séjour à l’étranger durant leur cursus et seul un établissement sur cinq propose de participer à ces échanges. «Ce n’est pas assez. La mobilité ne doit plus être une exception réservée à quelques privilégiés, elle doit devenir la règle et s’inscrire comme une composante normale des parcours de formation», lance Filip Van Depoele, chef d’unité adjoint à la Direction générale de l’éducation et de la culture de la Commission européenne. En compagnie d’autres experts, il participait, à la fin de l’année dernière, à une table ronde sur la mobilité des étudiants en Europe, organisée à la Cité internationale universitaire de Paris par le Centre international d’études pédagogiques (CIEP).

La mobilité, une priorité

Le discours de Filip Van Depoele fait écho aux déclarations des ministres européens de l’enseignement supérieur qui, l’automne dernier, ont fait de la mobilité une priorité et ont appelé à son développement, par le biais de périodes d’apprentissage, de séjours d’études ou de stages à l’étranger pour les universitaires et les autres publics en formation. Car si Erasmus, lancé en 1987 et suivi depuis par 1,7 million d’étudiants (160000 personnes en 2006-2007), est le plus connu des programmes, d’autres actions existent en parallèle: le programme Leonardo da Vinci s’adresse aux jeunes en formation professionnelle, Comenius à l’enseignement scolaire. «Le contexte européen est original et unique au monde, explique Patricia Pol, vice-présidente de l’Université Paris-Est et experte du processus de Bologne. Il a créé des conditions favorables à la mobilité non seulement à travers ces programmes, mais également grâce au processus de Bologne qui facilite la reconnaissance des cursus et des diplômes.»

«Les études le montrent: les séjours à l’étranger permettent de développer des compétences valorisées par les employeurs. En termes d’épanouissement personnel, d’enrichissement culturel, mais aussi de développement des capacités relationnelles et d’adaptation, ainsi que des compétences linguistiques», a aussi expliqué Jean-Pierre Jouyet, secrétaire d’Etat français chargé des Affaires européennes lors du Salon de l’étudiant à Paris, fin novembre.

Pourtant, il y a loin des ambitions à la réalité et les séjours hors sol ne font pas rêver tout le monde. «La mobilité n’est pas évidente pour les jeunes. Il n’y a pas un appétit plus fort de la nouvelle génération à partir. La peur de l’inconnu n’est pas moindre et les obstacles demeurent», souligne Jean-Pierre Jouyet. En France, un chiffre a fait office d’électrochoc: sur les 27000 bourses offertes pour Erasmus en 2008, seules 23000 ont trouvé preneur. En fait, la situation est assez différente selon les pays: les étudiants des pays nouvellement arrivés dans l’Union ont encore soif de séjours à l’étranger. L’Espagne, la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne sont des destinations toujours très prisées. Mais dans d’autres Etats de l’UE, comme les Pays-Bas, les échanges Erasmus sont en baisse.

En quête d’un second souffle

Dès lors, «un second souffle est nécessaire pour passer à une autre échelle», lance Patricia Pol. Pour donner aux jeunes le désir de bouger en Europe et dans le monde. Selon les chiffres de Patricia Pol, 2,7 millions d’étudiants sont mobiles au niveau international. Ceux qui bougent le plus sont les Asiatiques: 50% partent à l’étranger durant leurs études, alors que seuls 24% des étudiants européens et 4% des nord-américains le font. Actuellement, l’Europe reste la première zone d’attraction: elle attire la moitié des étudiants mobiles, suivie par l’Amérique du Nord (25%) et l’Asie (10%). «Mais l’on remarque que l’Europe décline et que l’Asie est toujours plus attractive», commente Patricia Pol.

Pour relancer la machine, des objectifs ont été posés par les responsables européens: il s’agit de porter la mobilité à 50% pour la classe d’âge des 16-24 ans d’ici à 2020 et d’augmenter à 3 millions le nombre de séjours Erasmus d’ici à 2013.

Pour y arriver, plusieurs pistes sont avancées par les experts. Il s’agit de poursuivre l’internationalisation de l’offre de formation, de diminuer les obstacles en termes de reconnaissance et d’améliorer la validation des séjours à l’étranger. Un gros volet du dossier est financier: les bourses étant peu élevées (en Suisse, elles sont de 250 francs maximum par mois, par exemple), il est nécessaire d’améliorer les capacités de financement par des systèmes de bourses ou de prêts renforcés.

Autre point: améliorer les capacités d’accueil des étudiants étrangers, lever les obstacles administratifs et logistiques, bref leur faciliter la vie en simplifiant les procédures. «Cela nécessite, conclut Patricia Pol, des investissements élevés au plan européen, national, régional, institutionnel et individuel aussi.»

En termes personnels, il faut penser à la mobilité dès la première année de son cursus. Dans ce sens, le classement européen des universités qui dressera une carte de l’excellence par disciplines, et pour lequel un appel d’offres a été lancé mi-décembre, sera un élément supplémentaire au service des étudiants. Il permettra de construire des parcours de formation en choisissant les meilleures écoles.

Source:
Catherine Dubouloz
Vendredi 9 janvier 2009
http://www.letemps.ch

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