Etudiants étrangers: Simonet dit «stop»

Communauté française-ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Etudiants étrangers: Simonet dit «stop»
VINCENT ROCOUR

© La Libre Belgique 2005
Mis en ligne le 09/09/2005
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Plus de 85pc des étudiants de première année de médecine vétérinaire viennent de l’étranger. Et ce n’est pas le seul cas. La ministre Simonet réagit. Elle veut limiter dans ces facultés le nombre d’étudiants ne résidant pas en Belgique.

ENTRETIEN

Mardi à Marche, un concours était organisé pour sélectionner les 250 étudiants qui seront autorisés à entamer des études en sciences vétérinaires cette année. Quelque 822 jeunes – dont 74pc de Français – étaient inscrits. Les résultats sont tombés hier après-midi: seuls 34 étudiants parmi ceux qui ont été retenus disposent d’un diplôme de la Communauté française. Une situation qui pousse la ministre de l’Enseignement supérieur en Communauté française, Marie-Dominique Simonet (CDH), à réagir. Energiquement.

Que pensez-vous des résultats du concours organisé cette semaine pour les études de vétérinaire?

Nous venons de les recevoir. Sur les 250 étudiants retenus, on n’en compte que 34 (13pc du total) qui disposent d’un diplôme belge. Les 216 autres (87pc) sont détenteurs d’un diplôme étranger. Ce qui nous interpelle, c’est que le taux de réussite des diplômés belges – ils étaient 192 au total à participer à l’épreuve – n’est que de 17,7pc, alors que celui des diplômés non-belges est de 35pc. Deux fois plus élevé.

Pourquoi? Les études secondaires en Communauté française prépareraient-elles moins bien à l’enseignement supérieur?

Non. Mais parmi les étudiants étrangers inscrits au concours, beaucoup ont déjà tenté leur chance dans leur pays d’origine, en France principalement, et ont parfois déjà suivi une ou deux années universitaires. Ceux-là sont avantagés.

On en est à la troisième édition de ce concours. Au moment de sa mise en place, il avait été décidé qu’une évaluation serait effectuée après 3 ans. On y est.

Effectivement. Et les chiffres sont là. La première année, on avait 380 inscrits; la seconde, 540 et aujourd’hui, 822. L’effet dissuasif ne joue pas. Dans le même temps, on s’aperçoit que le nombre de Français – qui viennent ici parce qu’il y a un contingentement chez eux – est lui aussi en augmentation.

Cela pose un problème?

Oui. Il y a d’abord un problème de santé publique. A terme, on pourrait avoir une pénurie de vétérinaires en Belgique puisque la majorité des diplômés étrangers retournent dans leur pays pour pratiquer leur métier. Il y a aussi un problème budgétaire. C’est la Communauté française qui finance les études de ces étudiants. Si leur nombre continue de progresser à cette allure-là, on n’y arrivera plus. D’autant que les facultés vétérinaires ne sont pas les seules concernées. On compte aussi 78,5pc de diplômés non belges inscrits au baccalauréat en kiné, 75pc pour la formation d’accoucheuse, 61pc en podologie.

Maintenant, je dis «stop». Il faut revenir à un équilibre. Il y a des choses qui ne vont pas. La France n’autorise que 400 vétérinaires par an. L’année dernière, 160 ont été diplômés en Communauté française. Plus du tiers.

La mobilité étudiante, c’est pourtant une des pierres angulaires des politiques européennes…

La Belgique est le quatrième pays d’accueil d’étudiants étrangers après l’Australie, la Suisse et l’Autriche. Il y a chez nous 10pc d’étudiants venant d’un autre pays alors que la moyenne européenne est de 2pc. Et je m’en félicite. Mais quand vous avez 87pc de diplômés non belges dans une faculté, cela pose question. Pourquoi avons-nous imposé un concours à l’entrée des études de médecine vétérinaire? Parce qu’on ne pouvait plus donner cours dans des conditions valables. Mais si nous n’avions pas tant de diplômés étrangers, nous n’aurions pas été obligés de le mettre en place. Et tous nos jeunes auraient pu s’inscrire. C’est leur accès à l’enseignement qui est en jeu.

Vous voulez revenir «à l’équilibre». Mais comment?

Je propose de limiter, dans les facultés les plus concernées, le nombre d’étudiants qui ne résident pas en Belgique depuis un certain temps.

A combien porterez-vous le plafond?

Cela reste à déterminer. Mais je l’imagine assez large. Il devrait en tout cas être supérieur au taux moyen d’étudiants venant d’un pays tiers et qui sont inscrits chez nous – autour de 10pc. Du reste, il faudra introduire ce plafond progressivement. On ne va pas mettre en péril les institutions qui accueillent aujourd’hui beaucoup d’étudiants d’autres pays.

L’Europe peut-elle accepter?

Plusieurs de mes prédécesseurs ont déjà imaginé des mécanismes de limitation du nombre d’étudiants étrangers. Mais ces initiatives ont toujours été cassées par la Cour de Justice européenne. Nous avons épluché la jurisprudence. Notre idée tient la route.

La Cour européenne dit qu’on ne peut pas établir de critères sur la base de la nationalité. Ce n’est pas le cas: nous ne visons que les étudiants qui ne résident pas en Belgique depuis un certain temps. Un million d’étrangers sont domiciliés chez nous. Ils ne sont pas concernés.

La Cour européenne dit aussi que la mesure doit répondre à un objectif d’intérêt général admissible. C’est le cas: les étudiants de certaines de nos facultés sont pénalisés par l’afflux d’étudiants venant de l’étranger. Assurer le meilleur accès aux études me paraît être un objectif d’intérêt général.

La Cour parle enfin de mesures proportionnées. Nous respectons cela: seuls les départements où un problème manifeste se pose seraient concernés. En plus, nous n’imposerions le plafond que pour le premier cycle d’enseignement.

Quand serez-vous prête avec votre proposition?

Nous avons un an devant nous. Nous devons soumettre notre idée, rédiger un projet de décret, le faire adopter. Cela prendra du temps.

© La Libre Belgique 2005

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