ETATS – UNIS
UNE POLICIÈRE ASSASSINE UN CAMEROUNAIS
Source : http://www.lanouvelleexpression.net
Peter Ayompe Njang était devenu citoyen américain. Mais cela n’a pas empêché qu’il soit molesté à mort par un policier. Pour avoir frappé à la fenêtre de sa sœur.
Arrivé aux Etats-Unis le 14 mai dernier seulement, Peter Ayompe Njang n’y aura même pas passé un an. Pas plus qu’il ne retournera vivant chez lui, au Cameroun. Le jeudi 12 août dernier, il a en effet été violemment pris à partie par un policier américain qui l’a sauvagement roué de coups. Et c’est dans un hôpital qu’il a rendu l’âme quelques instants plus tard. Ce matin-là, pourtant, rien ne présageait d’une journée plutôt triste pour le jeune homme et son entourage. Il était parti de la maison où il résidait avec son frère, Sébastien Njang Esapa, dans la ville de Hyattsville (District de Washington Dc), pour se rendre chez leur sœur aînée avec qui il avait rendez-vous. Cette dernière devant l’aider à trouver une occupation. Or, à son arrivée, celle-ci, lasse de l’attendre, était sortie.
Après avoir longtemps frappé à la porte, en vain, il entreprend de toquer à la fenêtre comme il en avait l’habitude. C’est à ce moment qu’un agent de police (une femme) patrouillant dans le coin l’approche et le soumet à un interrogatoire, sans pour autant jamais lui laisser le temps de s’expliquer véritablement. Alors, elle se met à le rouer de coups. Plus tard, elle avancera, pour se justifier, que Peter Ayompe Njang n’avait cessé de la provoquer et qu’il détenait par ailleurs un couteau. Ce que rejette totalement la famille de la victime de laquelle nous tenons ces informations. Toujours est-il que c’est à l’hôpital pédiatrique où il est transporté qu’il a été déclaré mort plusieurs heures plus tard. Agé de 25 ans seulement et originaire de Nguti (province du Sud-Ouest), Peter Ayompe N. était allé aux Etats-Unis à la faveur de la loterie américaine (Green Card) organisée tous les ans. Il entendait poursuivre des études de médecine au pays de l’Oncle Sam. Hélas, cet incident en aura décidé autrement. Sa mort a consterné les communautés camerounaise et africaine de Washington Dc, estimées à plus de 50 000 personnes. Les deux communautés entendent d’ailleurs entreprendre un certain nombre d’actions contre le Montgomery County Police Department, dont est issu l’agent de police coupable. La première action était prévue lundi dernier.
Péril en la demeure. Cet incident vient rappeler l’image de cette femme soldat américaine malmenant des détenus dans une prison irakienne et dont l’image a été diffusée en boucle ces derniers temps sur toutes les télévisions du monde entier. Sinon, c’est une manifestation flagrante de racisme qui a souvent caractérisé les interventions généralement farouches et sauvages des policiers américains chaque fois qu’ils se sont retrouvés en face des noirs, fût-il des Américains. Dans ce registre, les cas sont légion. Mais ce dernier incident est d’autant plus grave que c’est même par abus de langage et par strict repli identitaire que l’on considère encore Peter Ayompe Njang comme Camerounais.
Car, s’étant rendu aux Etats-Unis grâce à la carte verte obtenue à partir de la loterie américaine, il était devenu dès lors citoyen américain. En effet, depuis son lancement il y a plus d’une décennie, la loterie américaine offre chaque année la possibilité à 50 000 personnes (généralement originaires des pays pauvres) d’obtenir par tirage au sort la nationalité américaine et d’émigrer aux Etats-Unis. Par son truchement, de nombreux Camerounais et Africains ont pu émigrer au pays de l’Oncle Sam. Ce qui, en soi, ne comporte pas d’inconvénient. Mais si tel est le traitement qui peut leur être réservé une fois sur place là-bas, alors la question surgit spontanément : la loterie américaine n’est-elle donc qu’un piège tendu par les Etats-Unis pour appâter les jeunes des pays pauvres qui seront par la suite abandonnés à eux-mêmes ou alors aux violences policières injustifiées ? La question paraît quelque peu exagérée.
En réalité, elle ne l’est pas ; du moment qu’on se serait légitimement attendu à ce que l’administration américaine prépare toute la société avant de lancer cette vaste opération d’"importation" de populations. Pour justement éviter ce genre de déviation suffisamment grave pour discréditer ce programme si jamais des cas similaires venaient à être enregistrés à l’avenir. Car l’on a du mal à comprendre qu’ayant voyagé pour les Etats-Unis avec des papiers rigoureusement contrôlés et y vivant depuis trois mois, ce jeune citoyen ait pu subir un tel traitement, qu’on ne réserverait même pas à un sans-papiers qui, malgré tout conserve des droits. C’est dire s’il appartient maintenant à l’administration Bush et celles qui la suivront de contredire toutes ces analyses en sanctionnant sans état d’âme cette agression et ce meurtre d’un citoyen à part entière qui, parce qu’on est allé le chercher loin dans son pays (puisqu’il n’avait ni demandé la nationalité américaine, ni demandé à émigrer aux Etats-Unis) mérite une double protection. Et cela incombe à l’administration américaine et tous ses tentacules. Si rien n’est fait, il y a péril en la demeure pour la loterie américaine…
Julien Chongwang
Publié le 19-08-2004