ESPAGNE – Sans-papiers de tous les pays, régularisez-vous !

Sans-papiers de tous les pays, régularisez-vous !
Source : http://www.courrierinternational.com
Le 7 février 2005, le plan espagnol de régularisation des immigrés clandestins est entré en vigueur, salué par la presse des pays d’émigration, qui témoigne d’une communauté de destins d’immigrés en quête d’une existence légale.

En attente de régularisation…

"Dans une grande expectative et au milieu de critiques venant de pays comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, l’Espagne du Premier ministre socialiste José Luis Rodríguez Zapatero a commencé hier le plus important processus de régularisation desdits ‘sans-papiers’ de toute son histoire. Ainsi, grâce à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi sur les étrangers, quelque 800 000 immigrés en situation irrégulière vont obtenir un permis de travail et de résidence temporaire" de une année, annonce La Tercera de Colombie.

Les détails de ce plan sont largement rapportés par les journaux des pays d’immigration vers l’Espagne. Prévu du 7 février au 7 mai 2005, le plan nécessite de la part des étrangers demandeurs la présentation de leur passeport, d’un certificat de domiciliation antérieure au 7 août 2004 dans une municipalité espagnole, d’un extrait de casier judiciaire vierge de leur pays d’origine et d’un contrat de travail d’au moins six mois. La Tercera rapporte, d’après des données officielles, que "le nombre d’immigrés en Espagne s’élève à 3 millions, dont 800 000 en situation irrégulière". La majorité des sans-papiers viennent d’Afrique du Nord, en particulier du Maroc, ainsi que de pays latino-américains comme l’Equateur, la Colombie, le Pérou et l’Argentine, et enfin de Roumanie.

Pour mettre en œuvre son plan de régularisation, le sixième du genre en vingt ans, l’Espagne a mobilisé d’importants moyens, notamment en ouvrant 742 points d’information et 160 bureaux de la sécurité sociale. Les pays d’émigration ne sont pas en reste et facilitent l’obtention de certains documents officiels à leurs ressortissants. En Espagne, "les consulats argentins devraient accueillir dans de bonnes conditons une demande trois à quatre fois supérieure à la normale", a déclaré un porte-parole argentin à Clarín.

Le quotidien de Buenos Aires rapporte que, "pour des raisons administratives, les Argentins devaient souvent attendre plus de trois mois pour obtenir certains documents, mais que maintenant l’attente se réduit à dix jours". Son confrèrePágina 12 témoigne pour sa part à propos "des centaines d’Argentins qui se sont rassemblés hier dans les quatre consulats en Espagne afin d’obtenir les documents nécessaires à leur régularisation". D’après ce quotidien de gauche, "on estime à 120 000 le nombre d’Argentins qui pourront profiter de l’aubaine".

Libération, quotidien marocain, rapporte que "quelque 200 000 ressortissants marocains au moins sont concernés par ce processus", selon le consul général d’Espagne à Tanger. Ce dernier se félicite par ailleurs de la décision récente de Rabat de délivrer les extraits de casier judiciaire ou des fiches anthropométriques dans ses consulats en Espagne, où ils sont légalisés et traduits. Auparavant, des milliers de Marocains essayaient de faire avaliser ces documents auprès des consulats espagnols au Maroc.

A la différence des plans antérieurs du même type, le processus actuel de régularisation parie sur l’implication volontaire des employeurs d’immigrés en situation irrégulière. Toutefois, selon El Tiempo, de Colombie, "la première journée du plan espagnol le plus ambitieux jamais conçu pour améliorer la vie des étrangers n’a pas apporté les résultats escomptés".

En effet, "les immigrés en Espagne se sont consacrés à la recherche d’informations", titre El Universo d’Equateur, pays dont les ressortissants forment l’un des plus gros contingents d’immigrés en Espagne. "Beaucoup de demandes ont été refusées dès le premier jour en l’absence de certificat de domiciliation", souligne le journal. De plus, "l’incertitude pèse sur les Equatoriens qui espèrent être régularisés car plusieurs d’entre eux doivent demander à leurs employeurs tous les documents nécessaires".

Comme le souligne Aujourd’hui le Maroc, "c’est en effet à l’employeur de lancer le processus en déposant la demande de régularisation pour son employé". El Tiempo de Colombie insiste sur la menace qui pèse sur les patrons. "A l’issue de ce délai ‘d’amnistie’ de trois mois, il y aura des mesures de rétorsion implacables contre les entreprises qui emploieront des travailleurs en situation irrégulière, dont des amendes s’élevant jusqu’à 60 000 euros".

Pour le journal colombien, "l’absence remarquable d’entrepreneurs dans les bureaux de la sécurité sociale à l’ouverture du plan ravive la principale crainte des autorités espagnoles : à savoir que la majorité des patrons, et notamment les petits employeurs, ne sont pas prêts à assumer le ‘surcoût’ de charges qu’implique la déclaration d’un travailleur". L’un des objectifs majeurs du processus est en effet de renflouer le système de sécurité sociale, miné par l’économie souterraine.
Or, déplore El Tiempo, "au contraire, nombre de patrons procèdent à des licenciements massifs, selon plusieurs témoignages d’immigrés diffusés à la télévision espagnole".

Les craintes du gouvernement espagnol sont aussi partagées par l’Association des travailleurs et immigrés marocains en Espagne (ATIME). Son directeur, Mustapha Lamrabet, a déclaré qu’il espérait "que tous les entrepreneurs, pièce maîtresse de ce processus, assumeront leurs responsabilités et feront preuve de civisme afin que tous les immignants remplissant les conditions requises puissent régulariser leur situation administrative", rapporte Aujoud’hui le Maroc. Il juge les mesures du gouvernement espagnol "très positives" et affirme que "la balle se trouve désormais dans le camp des patrons".

Philippe Randrianarimanana

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