ESCROQUERIE AU VISA COLLECTIF : La Danoise encaisse 12 milli

ESCROQUERIE AU VISA COLLECTIF : La Danoise encaisse 12 millions de 8 Sénégalais
Source : www.lesoleil.sn
Une Danoise, un chef d’escale de la Compagnie Ibéria et 8 pigeons candidats à l’émigration, tous les ingrédients de cette ténébreuse affaire de visa collectif relèvent de l’insolite plutôt que de l’arnaque. D’ailleurs, en dépit d’une somme de plus de 12 millions encaissée par Michèle Brigit Malika Rasmussen, ses avocats ont estimé qu’elle avait agi en “ dilettante ”, alors que le procureur de la République lui-même a requis à décharge, en ne retenant que le délit d’abus de confiance, pour demander 6 mois d’emprisonnent ferme. Quant aux 8 candidats malheureux à l’entrée dans l’espace Schengen, refoulé et déçus, ils demandent réparation à la Danoise, mais aussi à la compagnie Iberia.

En atterrissant à Madrid, Bouna Fall, Cheikh Mbacké Diouf, Niaky Mbengue, Bounlaye Cissé, Youssoupha Diakhaby, Dioulabé Cissoko, Assane Dione et Oumar Alpha Tandian étaient loin de se douter qu’ils allaient reprendre le premier vol retour, en compagnie de leur convoyeuse, la Danoise Michelle Brigit Malika Rasmussen. Pourtant, dès Dakar, les policiers s’étaient opposés à leur embarquement, estimant que leur visa collectif n’était pas régulier. Mais le chef d’escale de la compagnie Ibéria, Christian Lejour, était intervenu pour dire qu’il avait pris contact avec le consulat d’Espagne qui avait confirmé la validité du document.

En fait, tout est parti de la Danoise Michelle Brigit qui, avait choisi de s’installer chez l’habitant dans le quartier de Rebeuss. Là, elle réussit à se faire des amis, à commencer par le fils de son logeur, Youssoupha Diakhaby qui, comme beaucoup de jeunes ne rêvait que de l’Europe. Il s’en était ouvert à la Danoise qui lui fit comprendre qu’elle pourrait le faire partir. Le jeune homme remit son passeport, des photos et la rondelette somme de trois millions. Mieux, il voulut faire profiter ses amis. Au total, Michelle Brigit Malika Rasmussen aura encaissé la somme de 12 millions 360.000 francs des 8 candidats.

TROIS VERSIONS DIFFERENTES

Lors de l’enquête préliminaire, la Danoise n’a pas nié les faits, mais a servi aux policiers enquêteurs, trois versions. Elle affirmait avoir introduit, auprès du ministère de l’Intérieur de son pays, une demande de visa collectif en les faisant passer par ses employés. Entendue une deuxième fois, elle dira que c’était à l’ambassade de son pays à Bamako, que les dossiers étaient envoyés. Cela n’avait pas trompé les policiers enquêteurs qui, au cours d’une perquisition à son domicile mirent la main sur un cachet et un encreur. Elle expliquera alors qu’à l’ambassade d’Espagne à Dakar elle s’était rendu compte qu’aucun de ses clients ne présentait le profil adéquat. C’est ainsi qu’au service de la coopération de l’ambassade, elle profitera d’un moment d’inattention de la secrétaire, pour faire main basse sur le cachet et l’encreur.

L’INTERVENTION DU CHEF D’ESCALE

Quid de Christian Lejour, poursuivi pour complicité ? On apprendra que le groupe ayant eu des difficultés à l’embarquement, il était intervenu pour dire qu’il avait pris contact avec l’ambassade d’Espagne qui avait authentifié le visa collectif. En fait, il avait fait croire aux agents chargés du contrôle des documents de voyage, qu’il avait téléphoné à un fonctionnaire de police au consulat de l’ambassade d’Espagne. Il a expliqué que, devant prendre une décision d’urgence, il avait délibérément menti. Michelle Rasmussen a déclaré qu’elle ne connaissait pas, auparavant, Christian Lejour. Lequel a ajouté : «quand l’avion est parti, j’ai appelé mon service de sécurité pour l’informer et l’on m’a fait comprendre que je venais de commettre une grosse faute professionnelle. J’en étais conscient, mais le coup était déjà parti…»

Répondant aux questions du juge, la Danoise a indiqué qu’elle prenait environ 1 million de francs par personne et que ce sont les candidats au voyage qui devaient prendre en charge leurs frais de séjour. De quoi déchaîner l’ire des avocats des 8 victimes.

Au nom des parties civiles, Me Samba Améti a estimé que la responsabilité pénale de Mme Rasmussen était incontestable. L’avocat est revenu sur les manœuvres par lesquelles elle avait réuni les jeunes gens : son déplacement à l’ambassade du Danemark pour convaincre Diakhaté, la présentation d’un visa collectif à Mbengue, etc.

DES PLAIDOIRIES ACCABLANTES

Estimant que le visa était manifestement un faux grossier, Me Ameti s’est appesanti sur les 3 niveaux d’intervention de M. Lejour qui a signé les «laisser-embarquer». Elle a confectionné le faux, après avoir volé le cachet et elle a fait usage du faux pour se faire remettre des sommes d’argent. Donc, il y a escroquerie, a conclu l’avocat. Il a terminé sur la responsabilité civile de M. Lejour, avant d’ouvrir une brèche sur sa responsabilité. À défaut de retenir la complicité, Me Ameti a demandé au juge de retenir la faute civile du chef d’escale.

Estimant ainsi la compagnie civilement responsable en tant que commettant, le conseil a sollicité le paiement des montants remis par les 8 candidats, majorés de la somme de 500.000 F à titre de dommage et intérêts à chacune des victimes. À sa suite, Me Ahmet Fall a estimé que la compagnie Ibéria devrait être tenue pour civilement responsable, en vertu de l’article 148 du Code des obligations civiles et commerciales.

Dès l’entame de son réquisitoire, le procureur a apprécié la complicité du dossier du fait de la mise en cause de la compagnie Ibéria. Autrement, le représentant du parquet a jugé l’affaire assez simple en remontant le fil des démarches initiées par la dame Rasmussen. Le procureur a mis en exergue les 3 versions de la Danoise poursuivie par les chefs principaux dont Christian Lejour est jugé complice. Il a estimé qu’ils étaient tous les deux «coupables et bien coupables». Pour autant, le maître des poursuites a requis à décharge quant à l’escroquerie. Le représentant du parquet a requis 6 mois d’emprisonnement ferme à l’encontre de Michelle Brigit Malika Rasmussen. S’agissant de Christian Lejour le procureur a retenu la complicité dans l’usage de faux et l’infraction d’incitation à l’émigration clandestine. Soulignant la nécessité de protéger les institutions, il a conséquemment requis 6 mois ferme.

COMPRÉHENSION ET RELAXE

La défense a été assurée par Mes El Hadj Basse, Leyti NDiaye et Doudou Ndoye, qui ont tous balayé d’un revers l’infraction d’incitation à l’émigration clandestine. Les conseils ont estimé que la Loi 65-11 a été abrogée par la loi du 6 mai 1981, par laquelle le Sénégal a supprimé le visa de sortie. Défendant Brigit Rasmussen, Me Elhadji Basse a reconnu les faits en demandant la clémence du tribunal. Pour autant, Me Basse a jugé utile d’expliquer ses motivations. «Elle n’a pas agi comme une professionnelle, il faut la comprendre”. Me Basse en a profité pour tancer les candidats à l’émigration en insistant sur le retour de la Danoise qui aurait pourtant pu disparaître. «C’est un acte salutaire», d’autant que la famille de la prévenue serait dans de bonnes dispositions pour rembourser.

Me Leyti Ndiaye a pris la défense de Christian Lejour, en s’étonnant de la présence d’un témoin qui devait, selon lui, être poursuivi le premier pour complicité et de l’absence du gérant du télécentre qui avait abrité la confection du faux.

L’avocat a réfuté l’infraction d’incitation à l’émigration irrégulière. Il s’est ensuite appesanti sur le travail du chef d’escale d’Ibéria, arbitre, pendant 1h 30 entre l’arrivée et le départ de l’avion.

Me Ndiaye a ajouté que le chef d’agence avait simplement dû décider en urgence. «Et il a menti royalement», a reconnu l’avocat. Sur les intérêts civils, le conseil a dit d’emblée que M. Lejour n’avait pas reçu d’argent. À son tour, Me Doudou Ndoye a plaidé l’innocence de Christian Lejour en apportant d’abord des éclairages sur les vols internationaux et les réceptifs, y compris la vérification des visas.

Le juge videra son délibéré ce jeudi.

MASS DIACK ET FARA SAMBE

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