Emploi : les femmes ingénieures, des oiseaux rares
90.000 ingénieurs sur 800.000 ingénieurs sont des femmes
Colette Guillaupé se rappelle que sa mère lui disait que "mathématicienne, ce n’est pas un métier de fille". Aujourd’hui encore, les préjugés sur les femmes scientifiques, notamment les ingénieures, ont la vie dure.
"Parents, professeurs, conseillers d’orientation, tout le milieu social limite le choix des filles", regrette Colette Guillaupé, 57 ans, mathématicienne à Paris XII, qui participe à la 14e Conférence internationale des femmes ingénieures et scientifiques (Icwes), organisée à Lille de mardi à vendredi.
La mixité dans l’enseignement supérieur à partir des années 70 n’a pas été suivie de "mesures d’aménagement", comme l’instauration de la parité dans les jurys d’écoles d’ingénieurs, affirme la mathématicienne.
En France, sur 800.000 ingénieurs, 90.000 seulement sont des femmes. "En 2007, on comptait 26% d’étudiantes en écoles d’ingénieurs: c’est le secteur où les femmes sont les moins représentées dans l’enseignement supérieur", écrit dans son étude annuelle le Conseil national des ingénieurs et scientifiques de France (CNISF), qui organise la conférence internationale à Lille.
Dans les autres filières scientifiques, où leur nombre progresse, "c’est dommage de voir tant de jeunes filles prendre des orientations stéréotypées, à la mode et parfois bouchées, comme la médecine ou la biologie", déplore Marianne Rodot, ingénieure du groupe Mapa-Spontex à Beauvais (Oise) et membre active de l’association "Femmes ingénieurs".
La France n’est pourtant pas le pays occidental le plus mal loti en ingénieures. Au Canada, "la proportion des filles dans les écoles d’ingénieurs est tombé à 10%", s’inquiète Monique Frize, présidente du Réseau international des femmes ingénieures et scientifiques (Inwes).
"Avec l’éclatement de la bulle internet au début des années 2000, des enfants ont vu leurs parents perdre leur emploi, puis cumuler plusieurs boulots. Ces enfants-là se sont dits : ce n’est pas pour moi", explique-t-elle.
Au Japon, le poids de la tradition dissuade souvent les femmes d’embrasser une carrière scientifique. "Une maman qui fait de la science a une mauvaise image", affirme Chika Suzuki, étudiante japonaise en sciences de l’environnement. "Les métiers de prédilection des femmes sont artistiques alors que la science est perçue comme académique", poursuit-elle.
Yvonne Issié Gueye, ingénieure en électricité en Côte-d’Ivoire, a été la première diplômée du lycée technique d’Abidjan, en 1972. "Quand je suis entrée au lycée, le censeur n’y croyait pas : il a fallu l’intervention du proviseur pour lui confirmer que j’étais admise!", sourit-elle.
Fière de son statut de "pionnière", Mme Gueye estime que les choses sont en train de changer en Côte-d’Ivoire même si seulement 6% des ingénieurs du pays sont des femmes, selon elle. "Plus que les mentalités, le vrai frein, c’est les moyens", assure-t-elle.
Source : AFP, par Etienne BALMER
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