Education, Les études littéraires dévaluées

Education, Les études littéraires dévaluées
Source : Soir de Bamako
http://www.afribone.com/article.php3?id_article=2133

La séparation des filières des Lettres est devenue une nécessité avec le développement rapide des connaissances dans les nouvelles branches des sciences humaines.

Les Lettres couvraient en effet la littérature, la philosophie, l’histoire, l’archéologie, la sociologie, la psychologie, entre autres.

Désormais seule la sociologie (et son rejeton les Sciences de l’éducation, qui ont à peine 50 ans) est respectée dans la cité et à ce titre couverte d’or, comme la communication, omniprésente, la science que tout le monde pratique sans le savoir, comme Harpagon faisait de la prose sans le savoir.

Les diplômés de littérature, laissés pour compte, ne sont pas demandés par les ONG aux tâches d’encadrement de la société en développement.

Il s’agit là de la marginalisation d’une filière, les belles-lettres (pour les appeler de leur nom propre) située au coeur de tout programme d’IEC (Information-Education-Communication) digne de ce nom, une margilisation qui ne manquera pas d’être fatale aux sciences sociales dont elles sont un élément de base.

Peut-être faudrait-il tout simplement, pour combler le retard scientifique des littéraires purs (s’il en existe) procéder à une refonte des séries LL (Langues et Littérature) et SH au lycée pour réunir ce qu’on n’aurait jamais dû séparer : la sensibilitÚ litteraire et les sciences humaines. L’Excellence bafouée

Les critères d’orientation en LL sont clairs : avoir 12/20 de moyenne en français et en anglais, ce qui correspond à une sélection des meilleurs dans la matière de base, le français, qui est le médium de l’enseignement et le substrat de la culture.

Aujourd’hui, surtout depuis l’augmentation du nombre des boursiers algériens et marocains, les meilleurs en français ne vont pas en LL mais en SH ¨, semble-t-il, ils ont plus de chance d’accéder à la bourse.

En conséquence, seuls des élèves passables sont appelés à poursuivre les études littéraires, ce qu’ils ne feront assurément pas. En effet, à la Faculté des Lettres, langues et sciences humaines, les adeptes de la filière lettres, déjà les moins nombreux, vont devenir encore plus rares.

Cet isolement de l’extÚrieur ressemble à une aubaine pour la revanche des passables. L’Histoire et la Géographie, ces matières de l’Enseignement supérieur, frappent à la porte des matières de base du lycée et veulent s’installer à côté du français et de l’anglais.

C’est l’aboutissement d’une action entreprise de longue date par les professeurs de ces matières, refusant (bizarrement) de partager la loge des professeurs de français qu’ils sont aussi pourtant.

Pendant des siècles, à l’Université tous furent en effet logés à la même enseigne : les docteurs es-lettres étaient littéraires, historiens, sociologues, etc.

L’actuel attelage anglais : français au lycée est lui-même d’un coup de force, remontant à la supprématie anglo-saxonne dans le monde.

Non seulement l’anglais est entré dans le carré d’as des matières retenues pour le Diplôme d’Etudes Fondamentale (DEF), à savoir la rédaction, la dictée, les maths et la physique-chimie, le (transformant en pentagone,) mais il s’est imposé comme langue vivante première d’office au lycée, les autres langues vivantes étant automatiquement secondes.

Cette exclusivité, qu’on n’observe d’ailleurs pas dans les lycées des pays francophones voisins, est-elle explicitement prévue dans les textes?

Toujours est-il qu’on n’a pas fini de mesurer les conséquences du mal anglais. Ira-t-on bientôt, comme au Rwanda, proposer purement et simplement l’anglais pour remplacer le français dans son statut de langue officielle?

Car c’est bien l’argument de l’utilité de l’anglais qui a été utilisé pour aller à l’assaut des terres du français. Jusqu’où ira la retraite de celui-ci?

L’autre faux frère du français n’est autre (ô suprême trahison ! ) que la philosophie, la discipline des sages et des fous. Il faut pourtant préciser que c’est au Mali seul (à l’exclusion, encore une fois, des pays francophones) que la séparation est arrivée et cela, à cause de la vieille et erronée doctrine communiste.

En effet, notre Première République, qui se méfiait des littéraires ( à vrai dire, elle les détestait avec la France, qui était une des principales puissances capitalistes mondiales) arrêta le français en Onzième et le fit remplacer en Terminale et au bac par la philosophie.

Ce ne fut malheureusement pas tout. On élimina l’épreuve de français après l’adoption du bac unique, alors qu’il existait dans toutes les séries de la Première Partie du Baccalauréat.

Personne n’a bronché, même quand on a vu le niveau en français du bachelier malien péricliter dangereusement, du fait qu’après le DEF, il n’a plus de souci à se faire pour ses fautes de langue (ou simplement d’orthographe) à un examen.

Il ira ainsi au doctorat avec comme seul niveau certifié en français celui du DEF. On le constate, surtout avec les sortants de notre propre université, les dégâts sont immenses, car l’expression, c’est l’homme, c’est la culture, c’est la société. La Francophonie et les ONG Tout le problème est de savoir donc vers quelle société nous évoluons. La Francophonie sera-t-elle une réalité demain, ou s’agit-il d’un mirage, d’un fantôme sorti des âges ?¨ le français rayonnait dans le monde ? L’organisation internationale de la Francophonie doit coopérer avec les ministères de l’Education et les ONG pour trouver la place du français à côté des langues nationales dans les différentes opérations réalisées sur le terrain en direction des populations.

Il faut en effet savoir que ces ONG, qui sont les véritables gouvernements des pays pauvres, ne s’apitoient guère sur le sort du français et des littéraires, étant donné qu’elles-mêmes parlent plus souvent, anglais, scandinave ou allemand que français. Ce ne sera pas une tâche aisée, vu la concurrence ouverte entre les langues au plan mondial.

Mais le lus important, (et peut-être plus facile), c’est de veiller à redonner aux études littéraires la place qui était la leur, une place centrale, devant permettre aux diplômés des belles-lettres d’être employés partout où on fera appel aux autres diplômés des sciences sociales, notamment les sociologues, les historiens, les pédagogues et les psychologues.

Une simple retouche des programmes devrait permetre d’y arriver. Il y va de l’avenir de la Francophonie et, partant, d’une évolution harmonieuse de notre culture.

Ibrahima KOITA

27 octobre 2005.

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