Crise de l’enseignement supérieur en Afrique de l’Ouest : les universités en mal de capacités d’anticipation
Sud Quotidien (Dakar)
14 Mai 2004
M.Mika LOM
L’enseignement supérieur est en crise en Afrique de l’Ouest ! Ce constat amer a été dressé hier, jeudi 13 mai 2004, par le panel organisé par le Conseil pour le développement de la recherche en sciences sociales en Afrique (Codesria) , dans le cadre du Salon international de l’éducation et la formation (Eduform).
Une rencontre animée par quatre universitaires très au fait de la chose de l’enseignement supérieur dans la sous-région. Il s’agit des professeurs Amuwo Adekunlé , un chercheur Nigérian qui enseigne à African Intstitute of South Africa ; Issiaka Bagayogo de l’Université de Bamako, Amadou Lamine Ndiaye de l’Académie des Sciences et techniques du Sénégal et Adama Saba de l’Université de Ouagadougou.
En effet, de Dakar à Lagos, en passant par Bamako et Ouagadougou, voire dans toute l’Afrique au Sud du Sahara, l’enseignement supérieur vit les mêmes réalités : absence de capacités d’anticipation aux grandes crises à laquelle il est confronté, absence de démocratie dans les systèmes de gestion de ses modes de financement, banalisation des compétences universitaires. Autant de difficultés qui font, qu’avec le contexte de la mondialisation, la crise dans le secteur universitaire s’étend et s’aggrave d’année en année pour prendre des proportionnelles universelles. Et ce qui semble surtout grave , a fait observer le Professeur de philosophie Sémou Pathé Guèye, le premier intervenant à ce panel, c’est que la société africaine n’est pas dans les dispositions à transformer l’université qu’elle considère tout juste comme une chose qui lui est étrangère. Les raisons semblent évidentes parce que pour lui, " les universités ne sont ni adaptées, ni rationnelles et les moyens qui leur sont consacrés sont loin de répondre aux objectifs visés ".
Pourtant , ces difficultés à la fois d’ordre structurel et conjoncturel, remontent juste aux années 80 à l’avènement de l’ajustement structurel (Pas). C’était la fin de la période d’abondance dans les pays africains, une période qui était marquée par l’absorption par l’Etat de tous les produits universitaires. C’est ce qu’appelle le Prof Bagayogo de l’Université de Bamako, " la période de l’Etat patron ou l’Etat employeur ". Au cours de cette période qui a vu arriver une forte affluence d’étudiants dans les campus et en même temps, se créers une distorsion entre le cursus universitaire et l’environnement économique. Conséquence, levée de boucliers général au sein de l’opinion. C’est le mauvais procès fait à l’enseignement supérieur avec l’ère des diplômés chômeurs . Or, pour le Pr Bagayogo , " les Africains de l’Ouest n’avaient pas à être trop surpris par un tel phénomène, puisque les systèmes d’enseignement universitaire étaient bâtis dans l’ignorance totale de l’environnement économique ".
Politisation des acteurs des universités
L’universitaire malien sera conforté dans son propos par son collègue Amadou Lamine Ndiaye de l’Académie des Sciences et techniques du Sénégal, selon qui, avec l’inadaptation des programmes, l’absence de structures d’accueil, de financements conséquents et avec le déséquilibre entre les ressources consacrées aux prestations sociales et académiques, il n’est pas étonnant d’assister aux crises actuelles dans les universités africaines. Toutefois, il fera remarquer qu’il y a à dissocier la mission de l’université et celles des autres structures de l’enseignement supérieur, tout en fustigeant la politisation trop poussée des acteurs du système universitaire.
Ce sont les confusions des rôles, tant au niveau de l’Etat que celui des structures qui ont donné naissances aux crises étatiques qui se répercutent sur les systèmes de gestion universitaire.
En effet, les institutions universitaires manquent de tout "absence d’équipements adéquats, insuffisance de personnels d’encadrement, dégradation des infrastructures, baisse du niveau de formation des enseignants Et des étudiants ". Une autre conséquence du désengagement de l’Etat dans la mise en oeuvre des actions capables de développer l’enseignement supérieur en Afrique. Or, comme le souligne le Pr Adama Saba de l’Université de Ougadougou " si l’Etat ne s’implique dans le système éducatif, aucune proposition ne peut donner de résultat ". Ce qui a donné lieu, au Nigéria à l’indifférence et au découragement total des intellectuels. Le travail de recherche universitaire s’en est ressenti , a dit le Pr Adekunwo Adekunlé , un universitaire Nigérian à l’université du Cap (Afrique du Sud).