Droit d’asile : la France plus stricte pour sept pays

Droit d’asile : la France plus stricte pour sept pays
IMMIGRATION «Le Figaro» révèle la première liste des pays d’origine considérés comme respectueux des droits de l’homme
Droit d’asile : la France plus stricte pour sept pays
En 2004, la France a enregistré plus de 65 000 demandes d’asile. Le gouvernement vient d’établir une liste des pays d’origine sûrs – présumés respectueux des droits de l’homme – qui vise à accélérer les procédures et à décourager les opportunistes. LeFigaro a pu la consulter.
Marie-Christine Tabet
[13 avril 2005]
Source : Le Figaro

Bénin, Cap-Vert, Ghana, Mali, île Maurice, Sénégal, Mongolie. Les ressortissants de ces sept Etats seront désormais soumis à un régime particulier lorsqu’ils demanderont l’asile politique en France. Ils appartiennent en effet à la première liste des «pays d’origine sûrs» que le ministère des Affaires étrangères vient d’établir en collaboration avec l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

Ces Etats bénéficient du label «sûrs» parce qu’ils sont réputés respectueux des droits de l’homme. Les demandeurs d’asile en provenance de ces pays verront leur dossier examiné selon une procédure «prioritaire» n’excédant pas quinze jours. Contrairement aux autres réfugiés, les préfectures ne leur délivreront pas d’autorisation provisoire de séjour, ils ne percevront pas d’allocation d’insertion et n’auront pas droit à un hébergement. Enfin, si le statut de demandeur d’asile leur est refusé, ils pourront s’adresser à la Commission des recours des réfugiés (CRR) comme auparavant mais ce recours ne sera pas suspensif. En clair, ils pourront être renvoyés chez eux dans l’attente de la décision contrairement aux autres demandeurs qui ne sont pas expulsables pendant cette période. Avant d’épuiser les procédures, certains étrangers peuvent ainsi se maintenir en toute légalité sur le territoire pendant plusieurs années. «Il faut en moyenne un an pour traiter un dossier standard», explique un spécialiste de l’Ofpra.

«Les demandes émanant de ces pays, explique un fonctionnaire du Quai d’Orsay, seront prises en compte. Certains de leurs ressortissants pourraient même se voir accorder la protection de la France. Nous ne fermons pas la porte. Mais comme nous estimons que ces pays présentent certaines garanties démocratiques, il est logique que la procédure soit accélérée.»

En fait, avec cette liste qui doit être présentée au conseil d’administration de l’Ofpra le 21 avril, la France veut décourager les demandes «opportunistes». Certains étrangers misent en effet sur les délais administratifs pour s’installer en France. Il s’agit davantage d’immigrants économiques que de réfugiés politiques.

Près de 85% des demandeurs d’asile qui sollicitent une protection de la France essuient un refus. Mais lorsque la famille est installée et les enfants scolarisés, il est très compliqué d’organiser leur retour. «Nous avons beaucoup de réticences à éloigner les déboutés, avoue le secrétaire général d’une préfecture. Les associations se mobilisent. Cette situation n’est pas humainement satisfaisante.»

Depuis trois ans, le gouvernement compte sur une accélération des procédures pour endiguer les arrivées au titre de l’asile. En vain. La France est devenue en 2003, le pays européen le plus sollicité. En 2004, quand la Grande-Bretagne et l’Allemagne enregistraient une baisse respective de 33% et 26,1%, la France affichait une progression de 5,8%.

Le principe de la liste des pays sûrs a été fixé par la loi sur la réforme de l’asile en janvier 2004. La France a décidé de l’établir sans attendre l’Europe. Et pour cause. Les Quinze n’ont pas été capables de s’accorder sur les pays qui doivent y figurer. Les Britanniques auraient bien voulu y inscrire des Etats du Maghreb quand la France s’y opposait. Paris poussait en revanche la «candidature» du Mali contre l’avis des Allemands.

En France, un consensus n’a pas été simple à trouver non plus. Il fallait respecter certaines contraintes diplomatiques. «Au sein du gouvernement, explique un conseiller, certains ministères auraient aimé que la Turquie y figure. Car c’est une des toutes premières provenances en nombre mais aussi un des membres potentiels de l’Union.» En revanche, la présence du Mali a fait grincer des dents. Certains considérant que l’excision et les mutilations sexuelles n’en font pas un modèle de respect des droits… des femmes. Devant la difficulté de l’exercice, les Affaires étrangères ont choisi une version a minima de la liste. Au départ, une vingtaine de pays avaient été envisagés. La Bosnie-Herzégovine a par exemple été écartée contre l’avis de l’Intérieur. Car plus de 60% des demandeurs qui en venaient ont obtenu le statut de réfugié l’an dernier !

En 2004, les sept pays retenus ne représentaient que 1 500 demandes, soit moins de 6% du total. La liste ne va donc pas provoquer une baisse brutale des arrivées. Pour le gouvernement, il ne s’agit en fait que d’un premier jet. L’inventaire devrait rapidement s’allonger : le ministère des Affaires étrangères aurait cependant donné l’assurance au ministère de l’Intérieur que la liste des pays sûrs serait révisée avant la fin de l’année.

Les pouvoirs publics veulent tester les réactions des associations qui soupçonnent le gouvernement de vouloir réguler la demande grâce à ce filtre. «Les choix doivent être uniquement opérés en fonction de la qualité de la démocratie dans le pays», prévient Olivier Brachet, directeur de Forum Réfugiés.

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