"Donnez nous à manger !", cri des étudiants ivoiriens en France
En début de semaine, un internaute de nationalité ivoirienne a contacté Rue89 depuis Grenoble. Il voulait prévenir la rédaction de l’intervention de quelques compatriotes, boursiers de l’Etat ivoirien comme lui, qui avaient décidé d’entrer dans leur ambassade, à Paris, pour protester contre la suppression soudaine des bourses depuis quatre mois.
La manifestation a eu lieu ce jeudi matin, en voici les images, suivies du témoignage de cet internaute. Ce dernier achève une thèse d’économie monétaire parallèlement à des petits boulots pour subvenir à ses besoins. (Voir la vidéo)
Je suis Prao Yao Séraphin, doctorant en théorie monétaire à l’université Pierre Mendès France de Grenoble. Je n’ai pas l’habitude de parler de moi mais pour le besoin de la cause, je vais essayer d’enfreindre à ma devise car parfois écrire ou raconter, c’est aussi faire l’histoire.
Le lecteur le plus distrait aura peut-être une occasion de lever les sourcils en lisant mon histoire. Après mon diplôme d’études approfondies (DEA) en macroéconomie appliquée, mes parents ont trouvé bon que je vienne parachever mes études en France. C’est ainsi que j’ai débarqué dans la nation chère à De Gaule, le 29 septembre 2003.
Après avoir obtenu avec brio un master 2 en macroéconomie et développement, me voici inscrit en Thèse de théorie monétaire à l’université Pierre-Mendès-France de Grenoble.
609 euros par mois… sur le papier
Ces résultats quand même brillants -disons le avec humilité-, ont forcé le gouvernement de mon pays, la Côte d’Ivoire à m’accorder une bourse pour mener à bien cette thèse, à hauteur de 609 euros par mois. A ce moment précis, je croyais que les difficultés qui jalonnaient et meublaient mon quotidien prenaient ainsi fin. Mais vous verrez que je ne devais pas m’autoriser cet excès d’enthousiasme.
Pour être précis, c’est au cours de l’année 2006-2007 que je suis devenu boursier du gouvernement ivoirien. Dès cette première année, l’irrégularité des paiements de nos bourses était un signe avant-coureur de ce qui allait arriver, c’est-à-dire le non-paiement total.
Pour combler le vide, d’ailleurs, je dirai que, poussé, par l’instinct de survie, j’ai cherché et trouvé un petit boulot à temps partiel. On aura compris donc qu’à l’opportunité de ce vide financier prolifère cette recherche de petits boulots qu,i au demeurant, nous retardent dans l’avancement de notre thèse.
Dans mon cas, j’ai eu cette chance d’avoir un "boulot étudiant" à La Poste, qui me permet de payer le studio que j’habite. Tous mes amis étudiants n’ont pas ce semblant de "luxe", car ceux qui habitaient à la Cite internationale ont été purement et simplement éconduits, ne pouvant pas honorer leurs engagements, c’est-à-dire payer le loyer.
Quatre mois d’arriérés
Aujourd’hui, nous ne luttons pas pour le paiement irrégulier mais pour non-paiement de nos bourses. A ce jour, le gouvernement ivoirien nous doit quatre mois d’arriérés de bourses plus trois années de frais d’inscription.
On me dira que Prao dépeint la misère grandissante alors que le monde entier connaît une crise. Que veut-on que je fasse, alors que je suis à 6 000 kilomètres de mes parents? Que j’aille voler ou mendier ? Je n’ai pas reçu cette éducation. Ma seule arme, comme d’ailleurs celle de mes amis, est de revendiquer jusqu’à ce que nous ayions gain de cause.
Face à notre misère, nous avons l’impression que les autorités ivoiriennes ont décidé de nous punir pour je ne sais quoi. Aussi constatons-nous que l’écho de nos souffrances ne franchi point les portes du bureau de l’ambassadeur ivoirien, monsieur Pierre Kipré au regard de son mutisme et de son immobilisme.
Un mépris sans précédent
A notre connaissance, ce mépris des autorités ivoiriennes n’a pas de précédent car autrefois, les anciens gouvernements avaient du respect pour les intellectuels en formation.
C’est donc cette situation qui nous emmène aujourd’hui à porter à la connaissance de tous, ce traitement injuste dont nous sommes l’objet. Signe que sur la route du développement, les pays africains ont des efforts à faire.
A l’heure actuelle, j’ai besoin qu’on paye régulièrement ma bourse afin que je finalise la rédaction d’une thèse qui n’a que trop duré.
Vidéo: Cécile Lenoir
Source: Par praos | étudiant | 20/11/2008
POUR EN SAVOIR PLUS