Difficulté d’emploi en Guinée : Les étudiants diplômés "empochent" leur diplôme pour survivre
Par Touré Fodé Saliou, Correspondant d’ExcelAfrica en Guinée Conakry
05 avril 2005
Les universités guinéennes sont devenues de véritables usines de fabrique de chômeurs, conséquence d’une absence de politique d’emploi par le gouvernement. L’inadéquation entre l’offre et la demande s’observe dans tous les segments du marché du travail. L’accroissement continu de la main-d’oeuvre qualifiée contre une offre d’emploi stationnaire grossit le nombre de sans emploi. La couche juvénile comprenant les diplômés des centres professionnels et universitaires est la première victime depuis que l’Etat a gelé, par arrêté ministériel et jusqu’à nouvel ordre, toute embauche dans l’administration publique.
Les quelque entreprises privées fonctionnent au ralenti et imposent des conditions qui ne favorisent pas l’insertion des jeunes sortants. En effet, elles recherchent généralement des jeunes qui ont une experience professionnelle d’au moins trois ans, maîtrisent l’outil informatique et l’anglais. Toutes ces conditions heurtent l’employabilité des jeunes.
En désespoir de cause, les jeunes diplômés tentent de trouver des solutions miracles pour sortir du chômage endémique.
Les jeunes que nous avons rencontrés ne cachent pas leur désagrément.
« Après avoir frappé à toutes les portes pour un emploi, j’ai finalement décidé d’empocher mon diplôme pour devenir marchand de friperie » explique Bakary Kaba, un ancien diplômé en Droit Public de la Faculté des sciences économiques de l’université de Conakry.
Le grand marché de Madina situé au coeur de la capitale guinéenne, Conakry, renferme aujourd’hui des centaines de diplômés devenus marchands par la force des choses comme Bakary.
Une situation qui démontre l’absence totale d’initiatives publiques et privées susceptibles de proposer de nouvelles opportunités d’emploi aux jeunes sortants des centres de formation professionnelle et universitaire.
« La couche juvénile est complètement oubliée ou ignorée par les tenanciers du pouvoir. L’ampleur du chômage est tel que les jeunes sont contraints à toutes les tentatives pour survivre » ajoute Bakary.
Dans cette situation jugée infernale sans issue prometteuse, des centaines de jeunes dont les parents arrivent à joindre les deux bouts, prennent d’assaut les ambassades et consulats accrédités en Guinée pour d’autres cieux plus cléments comme les Etats-Unis d’Amérique et l’Europe Occidentale.
« Diplôme de sociologie en poche, je suis depuis un an chauffeur de taxi faute d’emploi » déclare Mamadou Diallo, la main gantée sur le volant. A la question de savoir s’il a des projets, M. Diallo de son sobriquet « Métro de Conakry » répond sans hésitation: « partir et encore partir ». Partir pour l’étranger voilà l’idée qui anime la plupart des jeunes. L’exil est donc devenu pour eux la solution pour fuir la galère. Ils sont nombreux aujourd’hui ces jeunes diplômés qui ont empoché leur parchemin pour devenir crieurs de journaux, photographes, gérants de télé-centre, photocopieurs,…
Et comme tous les moyens légaux sont bons pour survivre, certains acceptent volontiers de réduire le niveau de leur diplôme universitaire pour servir en qualité de contractuels à rétribution subsidiaire. « J’ai cadenassé mon diplôme d’études supérieures au profit de celui du baccalauréat pour devenir une contractuelle dans une école primaire de la capitale et cela pour éviter une vie de débauche comme le font beaucoup de jeunes filles de mon âge » confie Aminata Traoré.
A quand un lendemain meilleur pour cette jeunesse déboussolée et réduite à la pire des situations? Sûrement quand le pays se sera complètement vidé de ses jeunes.
Touré Fodé Saliou
Correspondant d’ExcelAfrica en Guinée Conakry