Difficile d’être étudiant africain en Allemagne
Consciente que l’acquisition d’une solide formation constitue un facteur indispensable de développement durable pour une Afrique de demain, la jeunesse africaine migre de plus en plus vers les pays occidentaux, le plus souvent à leurs propres frais car obtenir une bourse devient presqu’un rêve.
La France, autrefois pays de prédilection pour ces étudiants africains francophones, ferme sans vergogne ses frontières. Le Canada n’est pas á une coudée et l’obtention du sésame rare (le visa) devient aussi un parcours de combattant. L’Allemagne, malgré la langue de Goethe jugée difficile, demeure la destination privilégiée de beaucoup d’étudiants africains.
Nous voulons ici attirer l’attention des candidats à l’étude en Allemagne sur des informations, qui d’un premier abord pourraient paraître de seconde portée, mais qui pourtant sont très importantes, afin qu’ils sachent à quoi s’en tenir. Ceux qui ignorent ces informations, sont ceux qui, très vite tombent dans la désolation et se retrouvent en difficulté avec les administrations allemandes.
En effet, l’inscription à une université allemande présuppose la réussite à un test d’aptitude à la langue allemande pour les études supérieures (D.S.H), d’une part ou du TestDaF niveau4 auquel est soumis tout étranger ; et qui n’a rien à avoir avec les diplômes de langue acquis dans nos pays.
Ces tests étant organisés par chaque université, c’est bien entendu que le contenu diffère d’une université à une autre sauf l’examen du TestDaF. Pour y réussir, une bonne préparation dans une école de langues ici est indispensable, selon le niveau. Ce diplôme réussi vous assure, après inscription à l’université, le droit à un séjour de deux années renouvelables. En cas d’échec, une seconde chance vous est accordée, si elle est encore ratée, c’est le retour certain vers l’Afrique.
Le cas de Éboué Mathias venu de la Côte d’Ivoire illustre bien la difficulté que constitue cette étape du test de langue dans la mesure où, pour ne s’y être pas sérieusement préparé, il s’est vu obligé d’effectuer un repli vers la France, après avoir échoué à deux reprises au D.S.H.
« J’étais tellement heureux de me voir sur les bancs de l’université après une année de cours de langue, et voilà qu’on me demande de faire le StudentKollege », s’indigne Isidore, étudiant burkinabé à Berlin.
Obtenir le D.S.H, ne permet á tous les lauréats d’un Bac d’Afrique l’accès direct á l’université. Le bac de certains pays africains n’étant pas reconnu en Allemagne, une remise à niveau est recommandée par les universités allemandes d’où son appellation de StudentKollège. Cette remise à niveau dure presqu’une année.
"Cela fait bientôt deux ans que je suis en Allemagne et l’accès á l’université n’est pas toujours possible. J’aurai dû franchement rester au pays » regrette Isidore
Plus qu’un conseil, c’est une nécessité absolue pour le nouvel arrivant de chercher à prendre contact avec d’autres étudiants africains déjà sur place capables de lui donner des astuces très utiles pour réussir à préparer et à obtenir son D.S.H.
Cette étape préliminaire obligatoire passée, ouvre sur une vie estudiantine difficile mais pas insurmontable. Nombreux sont ceux qui s’en tirent à bon compte. Camara Sékou, étudiant à l’institut des mathématiques de l’université technique de Berlin, depuis 6 ans, le sait mieux que quiconque. Aguerri, il donne le conseil suivant : « notre vie ici est parsemée de péripéties psychologiques et de luttes pour s’intégrer dans une société où être noir reste encore étrange. Mais c’est sur cette trame que, nous, étudiants africains, devons montrer nos capacités de se rassembler et de se soutenir afin d’atteindre nos objectifs qui consistent à contribuer au réveil d’une Afrique nouvelle, forte et gagnante ».
Les nombreuses associations d’étudiants africains de part toutes les villes allemandes ont du mal à porter leur voix et à faire valoir leurs revendications dont la plus évidente reste contre les agressions à caractères à raciales. Ermyas M., étudiant éthiopien naturalisé allemand se trouve dans un coma après avoir été sauvagement agressé par des présupposés néonazis.
Le monde du travail allemand frappé par la crise économique a enclenché sa phase de durcissement qui, pour le malheur des étudiants africains, continue sa courbe ascendante. Mais cela ne semble aucunement intimider les étudiants étrangers, et africains. C’est le cas d’Etienne A : « Qu’à cela ne tienne, l’étudiant africain avec son expérience peut aisément tirer son épingle du jeu. Mais les choses sont plus compliquées, parce que la couleur de notre peau a été établie comme critère d’élimination pour certains jobs, sans nous donner la chance de prouver notre valeur ”.
D’ailleurs, prétextant permettre aux étudiants sur son territoire – nationaux compris – de mieux se concentrer pour terminer leurs études assez rapidement (en 8 à 10 semestres environ), le politique allemand a réduit, depuis près de 2 ans, leurs heures de travail, qui passe ainsi de 6 à 3 mois. Alors que l’assurance, obligatoire pour les étudiants en dessous 30 ans, non payée conduit au refus automatique de prolongation du permis de séjour, et de la réinscription.
Ce qui a été ressenti ici comme une punition suprême, c’est une loi votée par le gouvernement allemand portant augmentation des frais d’inscription, qui s’élèveront autour de 500€ par semestre dès la rentrée prochaine dans de nombreux Etats même si un semblant de résistance est à noter dans certains länder comme Berlin.
Cette nouvelle mesure signifie pour les étudiants étrangers qu’il faut travailler plus longtemps pour pouvoir financer leurs études et d’autres réalités qui ne sont pas les moindres (loyer, assurance,etc.). Par ricochet, les études s’étirent dans le temps et l’espoir de retour au pays natal s’amenuise au détriment d’un continent qui a pleuré autrefois la fuite de ses bras valides et cette fois ci regrettera celle de ses cerveaux qu’ elle n’a pas eu le moyens de soutenir et de récupérer après les études.
La vie estudiantine en Allemagne dans son ensemble n’est pas chose aisée. Pire elle se dégrade de manière dramatique pour les étudiants issus des continents pauvres telle que l’Afrique. Les réformes dans l’éducation ces dernières années démontrent clairement que les étudiants étrangers ne sont pas vraiment pris en compte, même si c’est en leur nom et pour leur bien-être comme le prétend le politique.
Quand bien même les études dans ces pays peuvent être appréhendées comme une chance inestimable de se réaliser pour apporter sa contribution á l’édification de l’Afrique de demain, la prudence doit être de mise au risque de voir l’euphorie d’être étudiant en Europe se transformer en illusion, parfois très douloureuse.
Ceci ne doit pas être fait pour décourager les prétendants aux études en Europe, de surcroît en Allemagne et autres. Les réalités sont presque les mêmes partout pour les étudiants. La seule différence réside dans l’aspect psychologique et mental qu’elles revêtent dans ces « pays développés ».
L’idéal est d’avoir vécu ces expériences et profiter des nombreuses possibilités qu’offrent ces pays, en vue de mieux comprendre le fonctionnement de ce monde en pleine mutation et développer une politique plus adaptée à notre continent.
Alex Moussa Sawadogo
Correspondant lefaso.net
Ignace Kra Koffi ( en collaboration)
(Berlin, Allemagne)
Samedi 26 août 2006
Source: http://www.lefaso.net