De Mandela à Wade : Le combat de l’Afrique pour son émancipation économique
Il m’arrive rarement de prendre ma plume pour faire des contributions dans les médias, pour la simple raison que je suis, peut-être par déformation professionnelle, plus ‘result-oriented’ que ‘theoretical’ pour parler comme nos amis de là-bas. Il m’est toutefois difficile, cette fois-ci, de ne pas réagir face aux propos d’une ‘certaine intelligensia’ qui inondent quotidiennement les journaux de la place et qui frisent la méchanceté, voire l’ignorance. Ces gens, à grand renfort de théories fumeuses et de ‘buzz words’, essaient de tromper l’opinion publique et de saper le positionnement du Sénégal au plan international dans l’âpre compétition mondiale qui oppose nos pays pour attirer les investisseurs. Au risque de priver le pays de moyens qui, parmi d’autres, devraient lui permettre de sortir de la pauvreté.
Dans cet ordre d’idées, comment peut-on dénier à une haute autorité d’un pays pauvre comme le Sénégal, une de ses missions principales qui consiste à faire le marketing de sa destination pour en faire un réceptacle privilégié de l’Investissement direct étranger (Ide), gage de la croissance économique et moyen de lutte contre la pauvreté ? Les économistes ont largement démontré le rôle primordial de l’Ide pour booster la croissance. Or, comme le rappelait récemment le président Wade, l’Afrique ne capte que 1 % des investissements mondiaux, donc la portion congrue.
Déjà en mars 1999, une première étude intitulée ‘Roadmap of the Investor’ ou Parcours de l’investisseur (1) qui reste toujours d’actualité, réalisée par une équipe d’experts (parmi lesquels votre serviteur) du Foreign Investment Advisory Service (Fias, un joint service de Ifc et de la Banque mondiale), identifiait les barrières administratives et bureaucratiques à l’investissement étranger et domestique au Sénégal. Cette étude couvrait dans les détails plusieurs autres domaines liés à l’investissement, au code des investissements et au statut d’entreprise. La même étude traitait aussi de la constitution de sociétés, des agréments spécialisés, de l’accès aux terrains, de l’aménagement des sites et de la construction et enfin des formalités opérationnelles.
1. Les barrières administratives et bureaucratiques : Formalités générales et formalités spécialisées
En effet, dans l’’Executive Summary’ de l’étude, traduisons résumé analytique, les experts constataient que ‘les flux d’investissements directs étrangers, en particulier, ont été décevants et se sont concentrés sur un nombre limité de transactions liées au programme de privatisations…, une raison apparente pour ce manque de succès est le climat d’investissement’. Bien entendu, en plus de l’environnement administratif qui peut être amélioré à court terme, nous avions relevé, au cours de cette étude, un nombre considérable de facteurs qui peuvent influer sur la compétitivité de l’économie sénégalaise.
Entre autres contraintes générales et spécifiques à l’investissement consignées dans l’étude, nous pouvons noter : – l’enregistrement des entreprises qui occasionne un nombre considérable de démarches et des délais très longs : enregistrement des statuts auprès des autorités fiscales, puis au tribunal de commerce à travers trois étapes séparées ;
– l’immatriculation successive des entreprises auprès des services des impôts, du travail, de la statistique et de la sécurité sociale, avec à chaque étape la délivrance d’un numéro différent ;
– les autorisations et contrôles supplémentaires et spécifiques pour les entreprises opérant dans des secteurs particuliers tels que les mines, la pêche, les services financiers, etc.
Tant pour les formalités d’ordre général que sectoriel et les multiples contrôles, il existe un degré important de discrétion dans l’application des lois et des règlements. Selon l’étude de 1999, ‘cette lourdeur du système offre la possibilité aux fonctionnaires de niveau intermédiaire d’intervenir et de demander des paiements pour faciliter le traitement des dossiers. Cette pratique s’est généralisée à l’ensemble du système, ternissant ainsi la réputation des services concernés’.
2. L’accès à la terre, l’aménagement et le développement de sites
Avec le débat sur la plateforme de Diamniadio, on s’aperçoit que cette question ne date pas de maintenant. L’étude Fias/Ifc/Bm de 1999, relevait déjà les difficultés innombrables liées à l’accès à la propriété foncière et aux infrastructures de base, de même que la construction de bâtiments industriels et commerciaux pour les investisseurs étrangers et nationaux. La disponibilité limitée de terrains adéquats, l’existence de procédures complexes et les nombreux contrôles occasionnant des délais considérables peuvent être dissuasifs pour les investisseurs. L’accès aux infrastructures de base a été certes amélioré pour ce qui concerne particulièrement les services téléphoniques délivrés par la Sonatel, mais l’accès à l’électricité reste un sérieux handicap en raison de délais considérables et de coûts exorbitants lorsque les besoins de l’entreprise nécessitent des extensions du réseau existant.
Au total, la qualité de l’infrastructure de base et l’accès à celle-ci doivent être grandement améliorés si le Sénégal veut se positionner parmi les destinations privilégiées des investisseurs.
3. Les formalités opérationnelles
A la date de réalisation de notre étude (mars 1999), le temps minimum requis pour qu’un investisseur étranger puisse établir une entreprise était d’environ 9 mois et pouvait aller facilement jusqu’à 24 mois. La recommandation que nous avions formulée à l’endroit des autorités, consistait à réduire ce temps et les coûts y afférents, en améliorant la performance des administrations et en rationalisant les multiples formalités. Afin d’alléger la lourdeur du processus administratif qui pèse sur les entreprises désirant investir au Sénégal, une action concertée au niveau des nombreuses administrations intervenant dans le processus, mieux un point focal avait besoin d’être mis en place le plus rapidement possible. Mieux vaut tard que jamais, le point focal créé au sein de l’Apix est à saluer, malgré la levée de boucliers des syndicats de l’Administration des impôts.
Il convient également d’ajouter que la réforme des procédures administratives préconisée depuis bientôt une décennie, devrait être derrière nous depuis longtemps, si l’économie sénégalaise veut devenir compétitive et tendre vers l’émergence qui est l’objectif visé par le gouvernement et partagé par les populations. Certaines parties de cette réforme nécessiteront un réexamen des politiques économiques et des réglementations sur quelques points. Dans un grand nombre de pays où ce genre de réforme a connu un succès, l’initiative et la direction du processus ont été menées au niveau des plus hautes autorités gouvernementales. C’est la raison pour laquelle, nous pensons qu’au-delà de l’Apix et du ministère des Finances, la Primature doit s’impliquer profondément et assurer un leadership fort, aux fins de mener à leur terme ces réformes attendues depuis longtemps. Nous saluons au passage, les efforts que Mme Aminata Niane et ses collaborateurs déploient quotidiennement, en dépit des réticences et résistances notées ça et là, lesquelles sont inhérentes à un tel processus de rupture qui bouleverse des habitudes bien établies. Par conséquent, il urge de lever toutes les contraintes du parcours des investisseurs pour rattraper le retard accusé par le Sénégal dans ce domaine et attirer l’investissement étranger.
4. Le combat pour attirer l’investissement étranger
Si l’on s’exerce à faire le mapping du marché de l’investissement privé étranger, on se rend compte que le Sénégal tarde à avoir un bon positionnement au niveau international. Or, le premier vendeur d’un pays comme destination privilégiée d’investissement, le chef de sa force de vente, c’est son chef d’Etat. Le président de la République, Me Abdoulaye Wade, est le premier à l’avoir compris en exerçant à merveille ce job de ‘marketer’ de son pays depuis la survenue de l’alternance, à l’image de Nelson Mandela qui savait bien vendre son pays aux investisseurs et aux To (Tour operators) et attirer l’Ide (Investissement direct étranger). Ce combat pour attirer l’investissement étranger, devrait être mené parallèlement à la mise en œuvre de mesures pour aider le développement du secteur privé sénégalais, comme démontré il y a une décennie par feu Elliot Berg (2) et son équipe d’experts : – Créer de nouvelles opportunités d’affaires pour les entrepreneurs sénégalais ;
– Renforcer les capacités des Pme sénégalaises et favoriser la croissance des secteurs d’activités porteurs ;
– Favoriser le développement d’intermédiaires financiers offrant des services financiers et du crédit adapté aux besoins des entreprises ;
– Assurer l’adéquation formation/emploi, etc.
Disons-le tout court : faire le marketing du Sénégal pour attirer l’Ide, en vue d’atteindre une croissance à deux chiffres et se donner les moyens pour pouvoir répondre à la demande sociale, élever le niveau de vie des populations est le seul combat qui mérite d’être mené. Heureusement que le Sénégal dispose maintenant d’un Top manager qui s’appelle Abdoulaye Wade qui conçoit de manière très intelligente cette stratégie et de managers pour la mettre en œuvre, comme dans le cas du projet de Terminal à conteneurs du Port de Dakar, de la Zone intégrée spéciale de Diamniadio ou des nombreux chantiers en cours à Dakar et dans le reste du pays. Que Dieu prête longue vie au président Wade pour qu’il continue, comme Mandela, à jouer ce rôle de leadership dont le Sénégal avait tant besoin.
Mamadou MBENGUE Directeur de l’Administration et des Ressources humaines, Aatr email : [email protected] tel : 77639 9194 Références
1)Roadmap of the Investor, March 1999, Foreign Investment Advisory Service, International Finance Corporation and The World Bank, Washington DC, by James Emery, Melvin Spence, Mamadou Mbengue.
2)L’aide au développement du secteur privé au Sénégal : considérations stratégiques, Usaid, Dai (Maryland), par Elliot Berg, Tom Lenaghan, Mamadou Mbengue.
Source:
http://www.walf.sn/