COTE D’IVOIRE – Les derives de la FESCI

COTE D’IVOIRE – Les derives de la FESCI
Kakou Brou se dévoile
Source : Frat Matin
Avril 2005

Personnage mythique de la FESCI
Kakou Brou dit “KB”, étudiant en 3e cycle à l’Université de Cocody :
“La lutte paie”
Etudiant en 3e cycle de sciences économiques et de gestion après 11 années de présence à la Fac, il est présenté comme un des pères fondateurs de la Fesci. Pourtant, il affirme ne pas avoir un statut au sein de l’organisation. Ses réalisations sur les campus, ses “272 chambres” en cité sont devenues un sujet de conversation dans le milieu universitaire. Dans l’interview que nous vous proposons, il répond à tout.

Quel est votre vrai nom et depuis quand êtes-vous étudiant ?
Je suis Kakou Brou, plus connu sous l’appelation le maréchal KB . Je suis étudiant en 3ème cycle à l’UFR des Sciences économiques et de gestion, option : Gestion-Finances.
Je suis inscrit à l’Université depuis l’année académique 1994-1995. Je prépare actuellement une thèse de Doctorat sur le thème : Culture et gestion.

Vous passez pour l’étudiant le plus riche avec toutes les réalisations que vous avez. Comment y êtes-vous arrivé ?
Ce n’est pas juste de dire que je suis l’étudiant le plus riche. Par contre, je puis dire que je fais partie de ceux qui ont un esprit d’entrepreneuriat. Et puis les activités que je mène actuellement ne sont que de petites activités. Le financement de mes activités provient en partie de ma bourse.
J’ai toujours été boursier et aujourd’hui j’ai une bourse annuelle de 600.000 francs. Il faut rappeler que j’ai commencé par une blanchisserie, un maquis à Port-Bouët puis un autre à Yopougon, avant d’investir dans le bar ici à la Cité rouge. Parce que nous sommes des étudiants issus de milieux modestes, nous essayons de faire en sorte de pouvoir nous prendre en charge nous-mêmes. Et puis, c’est une façon également de montrer qu’un étudiant peut avoir de bonnes idées et les mettre en pratique. Cela participe à redorer l’image même de l’étudiant ternie depuis quelques temps.

L’on a plutôt été habitué à voir des étudiants propriétaires de cabines cellulaires, de petits kiosques à café ou des " garbadromes ". Or, vous, vous êtes propriétaire d’un bar climatisé et d’autres réalisations. Ce n’est quand même pas courant et la question reste posée : comment y êtes-vous arrivé ?
Je tiens à faire la précision suivante : le Cyber café ne m’appartient. Il appartient plutôt à un opérateur économique que nous avons sollicité.

Etes-vous en partenariat ?
Non, je ne suis pas en partenariat avec lui. Nous, nous lui garantissons la sécurité. Le bar, lui, m’appartient. Et je suis le seul actionnaire. J’ai pu l’acquérir grâce à ma bourse d’étudiant et grâce à l’aide de certains aînés.

Vous pouvez en citer quelques-uns ?
Je préfère taire leurs noms. Mais vous pourriez également poser la question à Blé Goudé, à Damana Picass. Nous sommes de la même génération. Nous avons su montrer aux yeux de la nation que nous sommes des lutteurs…

Et c’est donc la nation qui vous récompense ?
C’est cela. Au fil de la lutte, il y a bien des retombées ! Mais lorsqu’on parle de la nation, ce n’est pas la nation tout entière. Il y a bien une entité au-dessus de cette nation qui admire notre lutte.

C’est qui cette entité ?
Le Chef de l’Etat ? Des membres du gouvernement ?
Le Chef de l’Etat, c’est encore trop loin. Nous avons des devanciers à la Fesci qui travaillent aujourd’hui. Lorsque nous montons des projets, nous les approchons, ils analysent la faisabilité du projet et nous font des prêts que nous remboursons par la suite.

Combien vous rapporte le bar ?
Après avoir réglé toutes les charges, je peux réaliser un bénéfice mensuel de 300 à 400.000 F.

Comment fonctionne-t-il?
Il y a un gestionnaire, des serveuses que nous appelons affectueusement les ” Antillaises ”. Au moins 35 personnes y travaillent. La plupart du personnel est étudiant, en quête d’emploi. Mais nous recrutons également des riverains qui viennent demander de l’aide. Il existe un service juridique en charge du recrutement et de l’encadrement dirigé par le camarade Paulin, un étudiant en DEA, qui prépare une thèse de Doctorat.
Moi, je suis hors de la boîte. J’y viens en tant que client. Je n’exerce aucune pression sur le personnel parce que j’estime que je leur dois la réussite de cette affaire. Et en plus, les comptes sont toujours bons.

On vous dit très proche de la Fesci et vous venez de le confirmer. Mais on ignore votre statut au sein de ce syndicat.
Effectivement, je n’ai jamais eu de statut à la Fesci. Cependant, j’ai été un militant très actif. J’ai mené tous les grands combats de la Fesci.

Lesquels? Celui des machettes par exemple ?
Les combats pour la démocratie, pour la bourse, pour redorer le blason de l’étudiant, pour l’amélioration du bien-être de l’étudiant. Au moment des combats à la machette, j’étais chargé de la sécurité nationale de la Fesci et il était de mon devoir de protéger ce qui était légal. Mais, ce n’est pas nous qui avons introduit la machette. C’est plutôt la dissidence. Blé Goudé étant élu, certains camarades ont voulu le destituer. Ce que nous n’avons pas accepté. Nous pensions que c’était au cours d’une AG que nous devrions nous prononcer. Là, s’il était mis en minorité, l’AG le sanctionnerait.
Malheureusement, ils ont voulu prendre le raccourci avec les machettes. Seulement, comme nul n’a le monopole de la violence, Dieu a été de notre camp. Ce sont ceux-là aujourd’hui qui sont dans la rébellion à Bouaké et ça n’a surpris personne. Ils ont voulu auparavant embrigader l’école ivoirienne, ce à quoi nous avons fait échec.

On vous reproche des pratiques pas très honorables telles que la mainmise sur la gestion des cités universitaires. Vous auriez à vous seul 272 chambres à la " Cité rouge " et vous y règneriez en véritable maître des lieux.
Nous sommes quand même dans un pays de droit et je pense qu’on ne peut laisser faire impunément un individu. Cela aurait été vrai que le directeur du CROU ou son directeur du logement l’aurait dénoncé.
Vous savez, lorsque vous devenez incontournable, il y a toujours des gens pour vous créer des problèmes. La réalité, c’est que mes détracteurs savent que je représente un poids au sein de la jeunesse ivoirienne. Alors, ils tentent de me nuire. D’ailleurs, le directeur du logement de la Cité rouge a déjà répondu à cette question. Il a dit qu’il ne peut pas permettre qu’un individu contrôle à lui seul 272 chambres. Il a également fait remarquer que chaque structure estudiantine (la CERAC, l’UNESCI, l’AUC) a son quota de Chambres. A la fesci, lorsque nous nous retrouvons, les jeunes disent : " Doyen comme c’est toi qui gère la sécurité nationale de la Fesci, voici des chambres pour tes guerriers et toi "….

Cela justifie donc les 272 chambres ?
Non, ce n’est pas possible, ce n’est pas 272 chambres.

C’est combien de chambres alors ?
Je n’ai que 23 chambres.

Est-ce normal ?
Ceux qui y logent sont des étudiants régulièrement logés, qui ont déposé des fiches et qui sont régulièrement inscrits.

Vous sous-louez ces chambres à 20.000 f par mois ?
Donnez-moi le nom d’un étudiant qui a témoigné qu’il loue une des chambres de KB. Si vous avez suivi les débats de la radio il y a quelque temps, vous aurez su que le SG de la Fesci lui-même a répondu à la question.

Peut-être a-t-il voulu vous protéger ? Vous êtes quand même un personnage mythique au sein de la FESCI, il ne peut pas vous clouer au pilori.
Non, je pense qu’on ne peut pas protéger KB de la sorte. Il y a longtemps que je suis à la Fesci. Si à Port-Bouët, j’ai réalisé des maquis, des pressings, ce n’est pas à la Cité rouge que je viendrai bloquer 272 chambres pour en faire du business. On dira peut-être qu’à Port-Bouët, j’avais aussi 272 chambres, ce n’est pas juste !

A Port-Bouët, vous en aviez peut-être une cinquantaine ?
Vous savez, la Fesci est un mouvement organisé et un seul individu ne peut s’accaparer toutes les chambres qui sont allouées au syndicat. Ce n’est pas possible !

Vous venez vous-même de dire qu’en tant que doyen, on vous confie la gestion des chambres allouées à la Fesci.
Non, ce n’est pas moi qui gère. C’est le bureau national qui gère ces chambres. Cependant, la Commission hébergement tient compte des cas du doyen que je suis.
Et ces cas, ce sont des étudiants régulièrement inscrits.

Aujourd’hui, l’opinion publique est choquée par la mainmise de la FESCI sur la gestion des choses universitaires. Tant au niveau des résidences que des bourses, la présence de la FESCI est gênante. Les étudiants s’en plaignent. Il faut avoir les faveurs de la Fesci pour demeurer en cité, sinon, vous êtes vidé parfois à des heures indues. Que pensez-vous de ces pratiques? Il y a longtemps que vous êtes là et je doute fort que vous ayez subi ce diktat à vos débuts.
La Fesci n’est pas la seule structure qui gère des chambres dans les cités universitaires. Pourquoi est-elle tant citée ?

Je vous renvoie la question.
La Fesci est un syndicat qui a su s’imposer et s’illustrer par sa manière de lutter.

Qui n’est pas toujours correcte ?
Nous sommes certes des êtres humains dotés d’une intelligence, mais nous avons aussi un côté bestial. Nous essayons cependant de corriger certaines pratiques. Je suis heureux aujourd’hui d’être le président de la jeunesse communale universitaire de Cocody. A ce titre, nous avons mis une structure en place qui regroupe toutes les autres structures universitaires….

On va y arriver… (il insiste pour terminer).
Ok, je disais donc que la Fesci s’est toujours illustrée par ses combats héroïques. Et puis, sachez que certains étudiants sous-louent eux-mêmes leur chambre et viennent ensuite vider les locataires. Mais tout cela est mis au compte de la Fesci. Il est vrai qu’en notre sein, il y a des brebis galeuses mais lorsque le bureau national est informé de ces agissements, il réintègre l’étudiant et prend des sanctions à l’encontre des fautifs.

Comment expliquez-vous que des personnes étrangères logent dans les cités ? Et pourquoi certains étudiants monopolisent les chambres des années durant ? Vous par exemple, vous êtes là depuis onze ans.
(Rires). Je vous rappelle que j’ai le statut d’étudiant boursier et qu’à ce titre, j’ai droit à une chambre. Pensez-vous qu’étant à la maison, je serais aussi teigneux ? Tant que j’ai le statut d’étudiant, je resterai en cité. Pourquoi n’allez-vous pas poser la question aux étudiants de Médecine ? Ils font également plus d’une dizaine d’années en cité.

Tous les étudiants boursiers ne bénéficient pas de ces privilèges.
Ecoutez, seule la lutte paie. Vous ne pouvez pas rester à la maison pendant que les autres luttent et vous plaindre après. C’est nous qui luttons, parfois dans des conditions dramatiques. Il faut être parmi les étudiants pour lutter. Avant, les étudiants de la Fesci n’étaient pas logés, bien que remplissant les critères d’admission.

Et c’est ce tort que vous avez redressé ?
Effectivement ! Mais nous faisons en sorte que tout le monde soit logé.

Vous venez de dire que la lutte paie. Est-ce à dire que vous ne luttez plus pour un idéal mais pour les retombées matérielles et financières?
Notre lutte n’est pas conditionnée. Mais dans toute lutte, il y a des effets conséquentiels. Vous pouvez être martyrisé. J’aurais pu mourir dans cette lutte. Vous n’allez quand même pas me dire que ma mort est moins importante et moins chère qu’une chambre ! Pour tout dire, le minimum qu’on puisse accorder à ceux qui ont risqué leur vie pour faire en sorte que les autorités de l’époque respectent la Fesci, c’est de les loger.

Aujourd’hui, vous passez plus pour un homme politique que pour un étudiant. Aux élections municipales de 2000, vous étiez sur la liste du FPI dans la commune de Port-Bouët. Vous étiez également candidat pour la présidence de la jeunesse communale de Cocody qui s’est terminée par une crise. Qu’est-ce qui vous fait courir ?
Je vois que vous avez énormément d’informations me concernant et j’en suis fier. Retenez que KB n’est plus le KB de la Fesci. KB est celui qui veut réunir toute la jeunesse. C’est pourquoi, nous avons été candidat pour la présidence de la jeunesse communale de Cocody. Aux élections, il y avait 27 zones et nous avions conquis 22 zones. Ce qui signifiait que KB est aimé à Cocody et que j’avais gagné les élections. Malheureusement, le camp adverse n’a pas digéré sa défaite et a frappé mon directeur adjoint de campagne, qui loge à la cité Mermoz avec l’aide de certains responsables de la Fesci. Aujourd’hui, il a perdu un œil. Nous n’avons pas réagi compte tenu de la situation trouble que traverse le pays mais nous avons porté plainte contre eux. En attendant, la Fesci s’est réunie en assemblée générale extraordinaire et a sanctionné les coupables. Par la suite, le maire nous a réunis étant donné que nous sommes de la même famille et a demandé que je gère la structure universitaire et l’autre, Boga, les structures riveraines. Voilà où nous en sommes aujourd’hui.

A partir de ce fait, on se rend compte que la Fesci est bel et bien parrainée par le FPI.
En fait, ce n’est pas juste de le dire. Certains camarades vont jusqu’à dire qu’ils sont soutenus par le FPI.
Le FPI n’a jamais soutenu de candidat.

Pourtant, vous venez de le confirmer avec l’immixtion du maire FPI de la commune de Cocody.
Mais c’est la jeunesse communale, ce n’est pas la Fesci. Moi, je suis le président de la jeunesse communale même si je viens de la Fesci.

Ces élections ont donc opposé deux candidats issus de la Fesci?
Il n’y avait pas que ces deux là. Il y a eu d’autres candidats qui ne remplissaient pas les conditions d’éligibilité et qui n’ont pu payer la caution de 50.000 f. Certains camarades de la Fesci se trompent de combat en disant que le syndicat appartient au FPI ou à un tel. Ce n’est pas juste de le dire, parce que le FPI n’a jamais cautionné les actions que mène la Fesci A moins que ce soit des actions nobles pour la défense de la République.
Dira-t-on aussi que le FPI soutient des étudiants se réclamant de la Fesci qui se livrent à du banditisme ? Ce n’est pas juste.

Justement, l’on se rend compte que la Fesci, sûre du soutien du pouvoir FPI, se livre de plus en plus à des actes de défiance et on est choqué de ne pas voir le pouvoir réagir. Prenez l’exemple de ce qui s’est passé récemment au Lycée classique. La réaction du ministre Amani n’a pas été à la hauteur.
Vous savez ce qui est intéressant, certaines personnes dans l’administration profitent d’occasions comme celle-là pour semer la zizanie à l’école. Il a été dit que c’est la Fesci qui a mis les élèves en congé forcé. Mais au lieu de sanctionner les éléments de la Fesci c’est tout le Lycée qui a été sanctionné. Même les malades n’y ont pas échappé. Pensez-vous que ce soit juste, alors qu’il y a des notes éliminatoires au Bac ?

Vous jugez les effets de cette sanction. Et les causes alors ? Est-ce normal que la Fesci ou des enseignés décident de la date des congés ?
Ce n’est pas normal. Mais nous disons également que ce n’est pas juste de sanctionner tout le monde. Puisque la Fesci a été désignée coupable, qu’on sanctionne la FESCI. Pourquoi ne le font-ils ? Ceux qui ont pris cette décision sont des partisans du RDR. Ils y tiennent des réunions pour saboter l’école. Nous ne pouvons accepter cela. Le problème est politique. On veut utiliser les enfants pour politiser l’école.
Mais l’école est déjà politisée à outrance !
C’est vrai que l’école est politisée mais il y a encore des personnes conscientes, qui pensent que la nation ivoirienne doit exister et que chacun doit pouvoir faire des sacrifices. Avec la situation que traverse le pays, c’était une façon de soulever ces enfants.

L’on ne devrait pas s’attarder sur la sanction. L’objectif, n’était-ce pas de les dissuader de telles conduites à l’avenir?
Et Soro Guillaume qui a tué des centaines de personnes, qu’est-ce qu’on lui a fait ?

Là, il s’agit de la formation, de l’éducation et de l’avenir de ces enfants. Ce qui n’a rien à voir avec la politique. D’ailleurs, revenons à l’étudiant que vous êtes. Vous êtes un peu trop riche, vous avez un fan club et récemment, vous avez parrainé les journées socioculturelles de l’UFR des Sciences économiques et de gestion.
Il faut bien avoir des ambitions ! Et ces ambitions n’atteignent leur paroxysme que si ceux qui vous entourent sont en phase avec vous. J’ai eu à aider nombre d’étudiants qui ont voulu me le rendre. C’est ainsi qu’ils ont créé le fan club pour me faire connaître. Pour la journée de l’excellence à l’UFR, j’ai été coopté parce que les étudiants ont estimé que je suis moi-même un étudiant excellent.

Ça fait beaucoup quand même pour un étudiant! Avouez que ça sied mieux aux hommes politiques !
A partir du moment où je suis président de la jeunesse universitaire communale de Cocody, je suis un homme politique. Je me démarque désormais des étudiants pour gérer les affaires politiques. En ce qui concerne le parrainage de la journée de l’excellence à l’UFR des Sciences économiques…

Vous avez été coopté parce que vous avez de l’argent !
Ce n’est pas moi qui ai financé la cérémonie mais bien le doyen de l’UFR qui a présidé la manifestation. Et puis, pourquoi croyez-vous que je n’ai pas été coopté en tant qu’étudiant excellent ? De tous les étudiants fescistes, je suis peut-être le seul à avoir atteint ce niveau pour l’instant. Pour une question d’excellence, il a bien fallu prendre quelqu’un d’excellent.

Pourquoi ne laissez-vous pas la lutte aux autres ? La relève est bel et bien assurée. On a l’impression qu’il existe au sein de la Fesci des maîtres à penser qui, sous le prétexte des études, sont des étudiants à vie qui ont tout le temps pour faire la politique et "gâter l’école".
Nous voulons bien sortir du système. Sinon pourquoi pensez-vous que je me sois présenté au concours de l’ENA ? J’ai terminé mon Mémoire du DEA que je soutiendrai bientôt. C’est pour vous dire que nous bossons. Nous n’avons pas l’intention de gâter l’école.

Vous n’en donnez pas l’air.
C’est ce qui est intéressant, nous n’avons pas besoin de nous faire voir. Je vous inviterai à ma soutenance et là, vous découvrirez quel type d’étudiant je suis.
Je voudrais rassurer: nous n’avons pas l’intention de nous éterniser dans le milieu estudiantin.

Mais quand est-ce vous partez alors ? Parce qu’on peut rêver que l’arrivée de nouveaux syndicalistes beaucoup plus soucieux de leurs études, ramènerait, un tant soit peu, le calme à l’école ?
Ecoutez, moi, je ne suis plus de la Fesci. J’ai quitté la Fesci depuis 2001 sous Dibopieu. Aujourd’hui, je ne suis qu’un conseiller. Je me consacre à mes études. Cependant, sachez que la lutte est continuelle et on peut en varier les étapes. On ne finit pas de lutter.

Vous demeurez pourtant incontournable au sein de la Fesci.
Vous direz également que Blé Goudé est toujours de la Fesci ?

De la Fesci au Cojep, il n’y a qu’un pas.
Vous savez, il y a des personnes qui ont fortement marqué le Fesci. Ce sont des mythes qu’on ne peut tuer parce qu’ils représentent des repères pour les générations à venir.

Ne pensez-vous pas que les générations à venir devraient plutôt s’illustrer dans les études que dans la lutte ?
C’est justement en cela que nous constituons un modèle. Nous avons non seulement lutté mais nous avons poursuivi les études nonobstant toutes les intempéries.
Et nous montrons aujourd’hui que malgré le nombre d’années passées à l’Université, nous avons pu atteindre nos objectifs : avoir des diplômes. Moi, j’aurais pu m’arrêter et aller chercher du travail mais je voudrais qu’on dise de moi que j’ai été fesciste et que j’ai eu un doctorat. C’est important.

Vous demeurez dans le circuit pour avoir le contrôle de la situation.
Non, en tant que président de la jeunesse communale universitaire, je suis plus à l’aise aujourd’hui. Tout à l’heure, vous avez dit que j’ai été sur la liste du FPI à Port-Bouët, c’est vous dire que nous avons des ambitions et que nous n’allons pas nous éterniser à l’école.

Vous vous en servez donc pour assouvir ces ambitions ?
Non, pas du tout. Je viens de vous dire que je n’ai jamais été responsable à la Fesci Pourtant j’en avais les qualités.

Tout le monde ne peut être SG, il n’y a qu’un seul fauteuil.
Oui mais, c’est moi qui place ce fauteuil, c’est ça aussi la vérité.

Justement à ce propos, il parait que vous faites et que vous avez la possibilité de défaire un SG.
(Rires) Oui, nous avons la possibilité de faire des SG mais pour les défaire, il faut une A.G.

Parlons du congrès de la FESCI. Déjà, l’on sent une effervescence dans les cités. A Williamsville, deux clans se sont déjà violemment opposés.
C’étaient des incompréhensions. Nous n’avons pas pu tolérer qu’on vide un étudiant de la section Fesci de la cité.

Ah bon ! Pourtant chaque jour ce sont des centaines d’étudiants qui sont vidés des chambres par la Fesci ?
C’est ce que nous voulons corriger. Il y a au sein du mouvement des brebis galeuses qu’il faut extirper. Nous n’arrivons pas à maîtriser tout le monde.

Est-ce à vous de vous rendre justice ? Vous avez quand même des autorités. Finalement, ces autorités sont obligées de s’effacer pour laisser la Fesci voter ses lois et les appliquer elle-même.
Vous voyez, la question de la Fesci est à la fois préoccupante et déterminante. Lorsque les jeunes viennent nous voir, nous essayons de régler certains problèmes avec eux. Et lorsque ces problèmes dépassent nos compétences, nous nous référons à nos devanciers.

Pourquoi ne vous référez-vous pas aux autorités universitaires ? Pourquoi avez-vous tendance à régler vous-mêmes vos problème alors que ça se termine souvent dans la violence ?
Je pense que les autorités elles-mêmes ont peur d’approcher la Fesci parce qu’elles ne peuvent pas prendre parti de peur d’avoir affaire avec un camp. Elles préfèrent nous observer.

Vous les avez amenées à démissionner ?
Ce n’est pas nous qui les avons amenées à démissionner. Ces autorités doivent pouvoir être des lutteurs. Le Président de la République, par exemple, prend ses décisions en toute sérénité. Aujourd’hui, il y a des gens qui ne sont pas venus à l’université pour avoir des histoires. Ils préfèrent rester à l’écart mais ce n’est pas de notre fait. C’est dû au contexte. Nous essayons néanmoins de corriger cet état de fait.

Le congrès de mai, comment s’annonce-t-il ?
Le congrès s’annonce en fanfare parce que tous les 3 candidats m’ont soutenu dans la lutte et je leur ai dit d’aller à ces élections en toute convivialité.

Cette fois, vous êtes dans l’embarras.
C’est vrai, tous les candidats ont mon soutien et je n’ai pas le choix.

Quelles sont vos propositions pour sauver l’école, surtout de cette gangrène que constitue la Fesci ?
(Rires) Cette question, vous feriez mieux de la poser au camarade S.G. Moi, je suis là en tant qu’observateur. Je ne suis plus membre de la Fesci. En tant qu’observateur, je prône la familiarité au sein de la Fesci. Il faut que les uns et les autres cultivent l’amour. Il faut que notre mouvement soit civilisé. Un mouvement émancipé qui doit construire la Côte d’Ivoire. Nous avons donc besoin de travailler dans l’unité. Nous devons privilégier les études parce que pour être fesciste, il faut d’abord être élève ou étudiant.

Le parallèle est souvent fait entre vous et feu Thierry Zébié. Certaines personnes pensent que vous avez été fabriqué par le pouvoir qui se sert de vous et vous entretient. Vous-même avez dit tantôt que la lutte paye et que vous méritez de la nation. Si d’autres étudiants vous considéraient comme le problème, n’avez-vous pas peur de finir comme Thierry Zébié ?
C’est une bonne question que vous posez là. Mais je m’en vais vous dire qu’on peut partir de la Fesci mais qu’on ne peut rompre définitivement avec elle. Nous serons toujours là pour sauver la Fesci tant qu’elle sera amenée à prendre des coups. C’est la Fesci qui nous a fait et nous ne la laisserons pas mourir. En ce qui concerne le parallèle avec Zébié, sachez qu’il a été armé pour venir contre la Fesci. Gbagbo Laurent n’a pas encore armé KB ou Blé Goudé ou Damana Picass pour venir contre la Fesci, ou pour tuer un autre mouvement. C’est là que réside la différence entre nous.

Et la dissidence au sein de la Fesci, elle peut refaire surface ?
La dissidence est déjà là. Mais cette fois au plan macro. Elle peut revenir à tout moment. Pour nous ce n’est pas un problème. Nous y sommes psychologiquement préparés.

Et si vous étiez un problème ?
Si votre présence était devenue gênante ?
Si j’étais gênant au sein de la Fesci, je serais déjà mort. Parce que la Fesci est un mouvement très fort. Moi seul en tant qu’individu, je ne peux rien contre la Fesci. Bien au contraire, c’est parce que ma présence rassure que je suis encore là. Mon départ laissera un vide.

Et pour cela, vous vous sentez obligé de rester ?
On ne veut pas rester. Pour l’instant nous observons et essayons de calmer les choses. Nous sommes encore là parce que nous avons le statut d’étudiant.

C’est une belle couverture.
Ah bon ! Le jour où je travaillerai, vous verrez si je serai encore dans la Fesci.

Par moments, ne pensez-vous pas mettre à mal le pouvoir par vos agissements ? On a l’impression que vous êtes devenu un os dans sa gorge.
Je vais vous dire une chose, la Fesci n’appartient pas au pouvoir actuel et elle n’a jamais appartenu à aucun pouvoir. A la Fesci, il y a tout le monde sinon Soro Guillaume ne serait pas aujourd’hui dans la rébellion. Empirus est au PDCI, moi je suis au FPI. Cela ne nous éloigne pas des idéaux de la Fesci à savoir, lutter pour améliorer le bien-être des étudiants. Cela dit, si aujourd’hui le FPI prend un arrêté de dissolution de la Fesci que nous estimons injuste, nous manifesterons. Mayane Yapo Sillons : Double intérêt Près de quinze ans après sa création, la Fesci est à la croisée des chemins. C’est le moins qu’on puisse concernant cette organisation estudiantine née autour des années 90, au moment où la Côte d’Ivoire reprenait langue avec un système multipartite qui a suscité beaucoup d’espoir chez une frange de la jeunesse. Celle qui avait dès le départ accordé ses violons avec l’opposition et les organisations satellites qui l’ont rejointe sur le terrain des revendications politiques et syndicales.
La Fesci a vraiment besoin de faire sa mue afin de présenter le visage d’une structure responsable, soucieuse de l’avenir et du devenir d’une jeunesse estudiantine et scolaire, otage comme les autres composantes de la société ivoirienne des hommes politiques de tous bords et de leurs intérêts partisans.
Certes à ce stade de son développement, et dans le contexte qui a cours, la structure estudiantine ne peut se départir d’une prise de position claire et sans ambiguïté, mais elle a le devoir d’agir en toute responsabilité. Et de ce point de vue l’interview que l’un des " pères-fondateurs " (si l’on en croit ce qu’il rapporte lui-même) de cette structure a accordée à Mayane Yapo et que nous vous proposons dans les colonnes qui suivent, revêt un double intérêt. Car elle met à la fois en exergue le fait que l’organisation a depuis toujours été confrontée à la difficulté de maîtriser sa base et cette tendance qu’ont les responsables à se laisser déborder par celle-ci trop souvent. Et le trafic d’influence auquel certains ou la plupart des dirigeants se livrent, lorsqu’ils en tirent profit.
Pour tout dire, il y a cette forte tendance à vouloir se servir de la Fesci comme un alibi, surtout lorsqu’il s’agit d’entretenir ce sentiment qu’elle est capable du pire lorsque certains de ses leaders croient leurs intérêts menacés ou tout simplement lorsqu’ils veulent protéger des acquis.
Ainsi, au reproche qui est fait à l’interviewé et à travers lui à la Fesci, d’utiliser la manière forte pour mettre hors des chambres des cités universitaires des étudiants qu’ils jugent ne pas être en règle vis-à-vis de la structure, M. Kakou Brou répond qu’il y a dans le mouvement des brebis galeuses qu’il faut extirper en même temps qu’il reconnaît que l’organisation n’arrive pas à maîtriser sa base. Cet aveu d’impuissance a déjà été fait par le premier responsable actuel du mouvement, M. Serge Kuyo, dans une interview qu’il nous a accordée, il y a quelque temps dans ces mêmes colonnes.
Mais le plus importants c’est qu’elle met à nu cette incapacité à opérer cette mue nécessaire. Et le danger demeure puisque le congrès qui s’annonce révèle encore que tout est en l’état ! " Je pense que les autorités universitaires elles-mêmes ont peur d’approcher la Fesci, parce qu’elles ne peuvent pas prendre parti de peur d’avoir affaire à un camp. Elles préfèrent nous observer ". Sans commentaires. Par
Josette Barry

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