Côte d’Ivoire – Examens de fin d’année : Un spécialiste explique l’échec

Examens de fin d’année : Un spécialiste explique l’échec

80% d’échec au baccalauréat. Ce chiffre est tombé, lourdement, le 28 juillet, faisant couler beaucoup de larmes et de salive. Adama Wattara, psychopédagogue, formateur des formateurs à l’Institut pédagogique national de l’enseignement technique établit son diagnostic et propose des remèdes.

La crise a frappé tous les domaines, y compris l’école. Du moins si l’on s’en tient aux propos de M. Adama Wattara, psychopédagogue à l’Institut pédagogique national de l’enseignement technique (Ipnetp). Il lie les résultats catastrophiques aux difficultés économiques des enseignants : « Tout est cher sur le marché. Le prix du stylo augmente au vu et au su de tous. L’enseignant, dont le salaire n’a pas bougé depuis longtemps, n’est pas motivé. Malgré les mauvaises notes, on passe en classe supérieure. On donne des notes complaisantes surtout aux filles.

La démission des parents

Et comme ce n’est pas le professeur qui compose à l’examen, ça devient sérieux. Devant la réalité, tu as la note que tu mérites », constate-t-il, amer. A l’en croire, les cours sont dispensés en fonction de la motivation salariale. « On ne distribue que des polycopies (dans les écoles publiques) et on fait ses « gombos » ailleurs (Donner des cours dans des écoles privées pour accroître le revenu). Tous les enseignants courent après les « gombos », même les stagiaires sortis fraîchement de l’Ipnetp. Les stratégies pédagogiques, on n’en parle pas. Les directeurs d’écoles privées, eux-mêmes, recrutent des vacataires qui n’ont pas la pédagogie. Et cela joue sur la formation. Les enseignants sont des chasseurs de primes. C’est dommage », déplore M. Wattara. La qualité des enseignements dispensés est remise en cause. Les enseignants ne seraient pas recyclés comme cela se passe en Europe tous les six mois. Les cours sont alors mal préparés.

Dans ce cas, un élève peut être bon et échouer. Même s’il condamne les enseignants, le spécialiste reconnaît que les élèves eux-mêmes, s’adonnent à des pratiques malsaines. «Les élèves devraient éviter de se polluer personnellement. Tant au niveau de la musique qu’ils écoutent qu’au niveau de l’environnement qu’ils fréquentent. On est soi-même le facteur de son propre échec», ajoute-t-il. Les grèves à répétition expliquent également le manque de concentration selon le pédagogue : «Tantôt nous faisons cours, tantôt nous marquons une longue pause.» Une part de responsabilité est attribuée aux parents. « Quand il (le parent) rentre le soir, il est fatigué. La seule question qu’il pose concernant son enfant, c’est de savoir s’il a mangé », déplore le chef de famille. Pour lui, les parents devraient, dans leur programme, prévoir la place de la réussite de leurs enfants. Quand ils n’ont pas le temps, ils doivent confier la tâche à un répétiteur. Mais, pas n’importe lequel. « Le répétiteur ne doit pas être une deuxième classe pour l’enfant. Sinon cette attitude embrouille l’esprit. Les répétiteurs ne doivent pas faire de nouveaux cours. Seulement faire réviser aux enfants la substance des exercices qu’on leur a donnés. Pour les parents analphabètes, il appartient aux médias de leur montrer la voie à suivre », conseille le psychopédagogue. Selon lui, à la différence de cette responsabilité des parents qu’il qualifie de volontaire, il y a la responsabilité involontaire. Il s’agit des cas où, l’enfant échoue malgré les efforts du parent. « On ne peut pas par exemple contrôler un enfant qui va au cyber surfer sur des sites dépravés. Mais dans tous les cas, quand on constate que les enfants échouent malgré les efforts fournis, les parents doivent faire appel à des spécialistes de l’éducation. Souvent des problèmes de famille peuvent agir sur l’enfant sans qu’on ne le sache », conseille M. Wattara. On se demande le nombre de parents qui invitent les amis de leurs enfants à la maison. Il faut une renaissance à tous les niveaux. La recette est toute trouvée. L’accent doit être mis sur le comportement social et moral. Aussi, le spécialiste préconise plus d’importance aux « matières qui enseignent les valeurs et leur donner des quotients importants dans le programme : Education physique, moral, rien ne doit être négligé depuis les premières classes jusqu’aux dernières. Ainsi, poursuit-il, on n’aura plus de docteurs d’Etat auteurs de détournements de deniers publics. Au niveau des ministères à charge de l’éducation, il faut de véritables techniciens aux côtés des ministres.». Pour lui, la religion intervient dans la bonne éducation. « Les structures religieuses doivent aller dans les famille et dans les quartiers pour éduquer. La formation continue des enseignants et la revalorisation salariale sont aussi importantes », conclut-il.

Les résultats du baccalauréat peinent à atteindre les 50% de réussite depuis cinq ans. En 2008, le chiffre était à 26,14% et en 2007, on avait 25%. Le taux a été un peu acceptable en 2006 avec 40,29%. Il était toujours bas, soit 31,77% en 2005. La barre historique de 80% d’échec atteinte cette année laisse inquiet.

Par N.D.
Source: Nord-Sud
10/08/2009

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