Centrafrique: la population livrée aux bandits, rebelles et soldats dans le nord-ouest
PAOUA (AFP) —14/10/07 Les bandits, les rebelles, mais aussi l’armée loyaliste terrorisent en permanence la population du nord-ouest de la Centrafrique et cette région rurale est devenue une zone de non-droit.
Depuis de nombreuses années, les "coupeurs de route" ou "zaraguinas", font régner l’insécurité dans la région. Ils dépouillent voyageurs et commerçants et enlèvent les villageois.
Souleimane Gada, éleveur peuhl de Paoua (500 km au nord-ouest de Bangui), vient à peine de retrouver sa femme, enlevée un an auparavant avec son frère de 15 ans et ses enfants de 6, 9 et 13 ans. Il a versé 6 millions de francs CFA (9.000 euros) pour la faire libérer. Mais les kidnappeurs exigent encore un million pour chacun des enfants…
"Ils sont très bien armés, bien mieux que les rebelles", rapporte une source sécuritaire à la présidence centrafricaine, car "leurs activités leur ont fait gagner beaucoup d’argent". Leur nombre reste difficile à estimer.
Apparu dans les années 80 au Cameroun voisin, le phénomène a essaimé dans la sous-région. "Il s’agit de véritables organisations criminelles qui bénéficient des défaillances sécuritaires au niveau des Etats et ont des relais à l’étranger", estime Francis Bozizé, chef de cabinet au ministère de la Défense, et fils du président François Bozizé. "Notre territoire est vaste, nous n’arrivons pas à assurer la sécurité", admet-il.
Avec une armée dont "à peine la moitié des 5.000 hommes est opérationnelle pour défendre un pays un peu plus grand que la France, les +zaraguinas+ ont le champ assez libre", abonde la source sécuritaire.
C’est officiellement pour pallier l’inefficacité des Forces armées centrafricaines (Faca) contre ces coupeurs de route, que la rébellion de l’Armée populaire de restauration de la démocratie (APRD) s’est créée en 2005, a affirmé à l’AFP un de ses chefs, Laurent Djim-Woei. "L’APRD et les zaraguinas c’est blanc bonnet et bonnet blanc", nuance un diplomate, "leurs motivations sont essentiellement économiques".
Les effectifs rebelles varient, selon les estimations, de 300 à un millier d’hommes, pauvrement équipés, essentiellement de fusils de chasse et dépourvus de moyens de communications. Agrégat de groupuscules plus ou moins autonomes, l’APRD, composé pour partie d’anciens partisans de l’ex-président Ange-Félix Patassé, originaire de la région et renversé par le président Bozizé en mars 2003, se ravitaille, de gré ou de force dans la population.
"Il y a actuellement une radicalisation de la forme de taxation sur les populations, qui commence à devenir vraiment importante", s’inquiète un responsable d’une ONG.
Mais la population subit surtout la répression militaire contre les rebelles. Les représailles, particulièrement de la garde présidentielle, contre les villages suspectés de sympathie pour l’APRD se sont soldées par des centaines d’exécutions sommaires et par l’incendie de milliers de maisons depuis 2005, poussant les villageois à fuir en brousse.
Francis Bozizé affirme que des sanctions ont été prises et des ordres données pour que soient mis fin aux exactions. Le cas d’Alphonse Zerematou résume l’étau dans lequel sont pris les habitants. En janvier, les Faca ont attaqué son village de 200 habitants, Koumpo-sud, où des rebelles étaient venus se ravitailler, et ont incendié 57 maisons, a-t-il raconté à l’AFP.
Réfugiés en brousse, Alphonse et sa famille se sont fait voler par les zaraguinas bâches et vivres données par la Croix-Rouge, les obligeant à repartir, en direction de Paoua… tenue par les Faca.