UNIVERSITE DE DOUALA
LES RESIDENTS DE LA CITE UNIVERSITAIRE CONGEDIES AU FORCEPS
Source : http://www.lanouvelleexpression.net
Ils ont libéré leurs chambres le week-end dernier, sous la pression d’une note de service du recteur.
”Ce n’est pas normal ! Où dois-je aller maintenant, étant donné que je n’ai ni famille ici, ni connaissances ”. Alvine, la vingtaine entamée, une mèche rebelle sur la tête, ne réalise pas ce qui lui arrive ce vendredi, 1er octobre 2004. Occupée entre son téléphone portable qu’elle ne cesse de tripoter, et ses effets entassés devant l’entrée du bâtiment A qu’elle doit surveiller, elle perd le contrôle et devient de plus en plus agressive. Surtout quand elle se rappelle qu’elle a raté la licence en droit pour trois points, et essaye de s’imaginer les goulots d’étranglement qui se dessinent devant elle. “Qu’est-ce que je vais faire de tout ceci ”, s’indigne-t-elle, indexant un assortiment composé d’ustensiles de cuisine, d’appareils électroménagers, d’un matelas, et de plusieurs cartons.
Tout juste à côté, au bâtiment B, Marie Laure, aidée d’un solide gaillard, titube derrière un réfrigérateur qu’ils ont enlevé du deuxième étage où elle habitait, pour l’entrée de l’immeuble où l’attend un taxi qu’elle a réquisitionné. “ L’heure est grave ”, répètent-elles en chœur.
Plus loin, du côté des trois bâtiments des garçons, c’est la même mobilisation. Malgré les jérémiades des uns, les dénonciations et défis des autres, les “ cops ” de “ Bonanjo, New-Bell et Bonapriso ”, comme ils aiment bien appeler les bâtiments D, C et E, ont fini par céder. Surtout que certains “ protégés ” ou “ indics ” qui y avaient établi leur titre foncier n’ont pas cette fois-ci résisté à l’ouragan de Bruno Bekolo Ebe. “ Si le chef de la Cité libère déjà sa chambre, cela veut dire que cette histoire est sérieuse ”, atteste, hilare, un ancien résident du bâtiment E qui est venu ce vendredi vivre la galère de ceux qui étaient taxés jusqu’alors de récalcitrants. Mais, ledit après-midi, leurs navettes étaient perceptibles dans le campus, avec des pousse-pousse transportant leurs effets, des téléviseurs qu’ils amenaient dans des destinations inconnues. Ce sont les plus nantis qui s’offraient le luxe de louer un taxi pour évacuer leur patrimoine exagéré pour une modeste chambre.
Ce renversement de situation a été favorisé par l’implication personnelle du recteur de l’université qui, selon les témoignages, avait eu vent des défis personnels de certains étudiants habitués par le passé à prendre la clé des champs avec plusieurs années d’arriérés. “ Le recteur de l’université de Douala informe les résidents que la Cité universitaire sera fermée le vendredi 1er octobre à 15h30. La libération n’est effective qu’après constat des lieux par le service des logements, et remise des clés audit service (…) ”, peut-on lire dans la note de service de Bekolo Ebe.
En effet, non loin d’un ultimatum, c’est ce communiqué qui a déjoué les plans des résidents grabataires de la Cité U, étant donné qu’une fois publiée, les agents du logements veillaient personnellement à sa stricte application. Et au moment où nous mettons sous presse, bien que les bâtiments E, A et C soient encore ouverts, les responsables du service des logements attestent que tous les résidents ont libéré. Fussent-ils nationaux ou étrangers “ Il ne s’agit nullement pas d’une expulsion, leur contrat est arrivé à terme. Ils sont entrés en janvier 2004 et leur contrat de 9 mois arrivait à expiration le 30 septembre dernier. Or la réglementation prévoit qu’ils libèrent d’abord la Cité pour préparer ensemble les nouveaux sollicitants les chambres pour la prochaine année ”, a expliqué un agent du logement, en déplorant certaines mises en scène de certains résidents qui se réfugient sous la casquette d’étrangers, quand ils ne brandissent pas les cas sociaux. “ C’est la mauvaise foi ”, a-t-il résumé.
Bon gré mal gré, tous les occupants des 314 chambres des 5 bâtiments de la Cité ont momentanément pris congé de leurs chambres qu’ils aimaient tant, compte tenu de la devise : liberté-action- irresponsabilité qui y a fait droit de cité, sous la pression du recteur.
Ce congé forcé devra durer un moins un trimestre, étant donné que l’université de Douala accueille le Festival universitaire des arts et de la culture (Fuac). Ce rendez-vous inter-universitaire qui se déroulera en décembre va influencer sur la distribution des chambres. “ On ne veut pas faire entrer les étudiants pour les faire sortir après. La commission de redistribution va normalement se tenir, mais les étudiants pourront réintégrer après janvier ”, présage le responsable susnommé.
Au-delà de ces disputes, le problème de fond reste celui des infrastructures, car comment admettre qu’une cité jadis construite pour moins de 500 étudiants, soit aujourd’hui à la disposition de plus de 15.000 ? Comme on aime bien le psalmodier dans ce campus, “ on utilise les moyens de bord ”.
Hervé B. ENDONG
Publié le 04-10-2004