Cameroun: Lycée de Kousseri – les raisons de l’échec
Olivier Lamissa Kaikai
Les responsables de cet établissement classé avant-dernier du palmarès 2006 se plaignent de la rudesse du climat, du manque d’enseignants et du peu d’engouement des élèves.
Au lycée de Kousseri, établissement situé au coeur de la ville, à un jet de pierre du fleuve Logone, on n’est pas encore au courant de la nouvelle, en provenance de l’Office du Bac. Ce vendredi, 16 février est un jour ordinaire de classe. Les enseignants et élèves vaquent normalement à leurs occupations. Dans l’enceinte de l’établissement, c’est le train-train quotidien. Malgré la chaleur accablante, quelques élèves tapent dans le ballon, dans la cour de l’école ensoleillée Les profs de sport ont ramené les cours d’Eps aux premières heures de la journée, " pour ne pas trop subir la chaleur ". Dans les salles de classe, les élèves, studieux, suivent normalement les cours. Personne ne sait que l’Office du Baccalauréat vient de publier le palmarès des établissements aux examens, session 2006 et que selon ce document le lycée de Kousseri occupe la queue du peloton. Ce lycée fait partie des " cancres " de la classe et occupe l’avant-dernier rang au classement général.
" Nous ne sommes pas encore informés. Tant mieux d’ailleurs, cela découragerait plus d’un candidat ", se console Bouba Modo, professeur d’Histoire et géographie, qui déclare ne pas être surpris par ces résultats. Mais, la nouvelle ne saurait être cachée pendant longtemps. Elèves et enseignants sont unanimes que le climat particulièrement rude, en saison sèche, située entre septembre et mai, n’est pas favorable aux études. " A partir de mars, il fait une chaleur accablante. Difficile de se concentrer au travail. Malheureusement, les examens sont programmés aux mois de mai et juin ", déplore Bouba Modo. Et la plupart des enseignants qui viennent du Sud du pays ont de la peine à s’adapter à ce climat. " Certains de mes collègues, originaires du Sud, ont le sentiment d’être oubliés et punis, lorsqu’ils sont affectés ici, ils multiplient les cours et rentrent en début mars, pour ne revenir qu’en septembre ", ajoute notre source.
Mais, la rudesse du climat ne saurait à elle seule expliquer cet échec massif. Le proviseur, Edouard Sadou, qui trouve le palmarès assez sévère et injuste, croit savoir que les responsabilités sont partagées entre les élèves, paresseux et leurs parents, complaisants. " Nous ne contestons pas le palmarès, mais il faut savoir que le gros de nos candidats ne s’intéressent pas au bac camerounais. Ils viennent attendre la date des examens du bac tchadien ", se plaint le proviseur. Pour lui, au-delà de l’attrait du bac tchadien, taxé à tort ou à raison de facile, la faute revient aux élèves qui ne veulent pas étudier leurs leçons. Et le fait que la ville de Kousseri soit située à proximité de N’Djamena, la capitale tchadienne, n’incite pas ces élèves au travail, à l’effort. " Beaucoup sont convaincus qu’ils peuvent acheter leur bac ou Bepc, sans lire leurs leçons ", indique un enseignant.
Et puis, dans cette partie du pays, les élèves préfèrent le commerce à l’école. Et même ceux qui y vont ne trouvent pas de cadre approprié pour les études et se découragent facilement. Au lycée, par exemple, il n’y a ni bibliothèque, ni laboratoire. " Certains parents gâtent leurs enfants, en leur donnant de l’argent, pour acheter les notes, au lieu de leur offrir des livres et des annales ", fustige l’enseignant de Maths qui soutient être régulièrement harcelé par ses élèves qui veulent acheter les points, pour passer en classe supérieure.
Mais, les enseignants, peu qualifiés et démotivés, ne sont pas irréprochables. " Nous avons 18 enseignants vacataires, 11 enseignants formés et trois cadres d’Eps, pour encadrer 1871 élèves ", déplore le proviseur Edouard Sadou qui soutient qu’il ne parvient jamais à tenir son maigre effectif pendant une année scolaire. Le proviseur révèle enfin que deux de ses surveillants généraux ont récemment été promus dans les nouveaux départements ministériels. " On attend toujours leurs remplaçants ", conclut le proviseur.
Source:
Cameroon Tribune
19 février 2007