Lu pour vous
L’Université des Montagnes – Udm : chasse au savoir sur la montagne
Malgré tout, les effectifs augmentent au fil des ans. A quoi ressemble cette institution qui fait courrir les parents d’étudiants? Mutations s’est rendu à Banganté.
1 Etat des lieux.
La municipalité de Bangangté respecte à sa manière les franchises universitaires : le bitume s’est arrêté aux portes de l’udm, et c’est un matelas de poussière qui, sur plus près de 500 m mène l’étranger au sommet de la colline de Feutoum. Une plaque discrète rassure sur l’endroit où on se trouve. Le seuil d’un portail sommairement taillé dans du bois de chez nous franchi,le visiteur est dans le campus.. Un silence de cimetière règne à l’intérieur de l’enceinte. Trois véhicules estampillés " Udm " sont garés de part et d’autre de l’entrée principale. Tout au bout de l’allée centrale, une dizaine d’autres, sont stationnés à l’ombre de géants sapins trentenaires. Autour d’une fourgonnette qui, apparemment revient du port de Douala le ventre chargé de cartons eux mêmes bourré d’équipements divers, deux vigiles s’affairent. Ces derniers , plus préposée aux renseignements et à l’accueil qu’à la sécurité accourent spontanément et conduisent le visiteur à une modeste bâtisse située derrière leur guérite. C’est ici que siège la présidence de l’udm comme l’indique d’ailleurs les écritures peintes au mur dans une encre verte, aux couleurs de l’abondante verdure environnante.
" Le président n’est pas là, il est quelque part dans le campus " renseigne Antoinette Ndigna, la secrétaire. En attendant, un coup d’oeil circulaire dans la salle d’attente. De nombreuses revues scientifiques sur une table basse disent long sur le sérieux des lectures du patron des lieux. Soudain, une silhouette furtive s’engage sur une des allées non pavées qui sortent des salles de cours. De loin, le professeur Fabien Kange Ewane est reconnaissable à son pas alerte. La soixantaine largement dépassée, mais toujours debout comme un i, il se dirige vers ses bureaux. La rencontre entre le reporter et l’homme de science est un inoubliable moment de froid. "Aah Mutations, aah Mutations, Mutations" Visiblement, le quotidien de la Place Repiquet a mauvaise presse à l’udm. Son crime : à travers une de ses manchettes, avoir fait chorus avec les sceptiques, ceux qui ne prédisaient pas une longue vie au projet. Quelques secondes d’explications suffisent à fondre la glace. La visite guidée peut commencer, en compagnie de Justin Fotso, le directeur des affaires administratives et techniques.
L’udm, le tout premier bébé de l’Association pour l’éducation et le développement (Aed), est sorti des limbes en 2000. Très tôt, plusieurs fées ont pris place autour de son berceau, question de lui d’éviter de trébucher. A commencer par l’Eglise évangélique du Cameroun qui a accepté, contre un symbolique loyer annuel de 1.200.000 F, de céder au projet les bâtiments de son ancien collège d’enseignement technique. Après des années glorieuses pendant lesquelles le collège avait vu passer les Elisabeth Tankeu et bien d’autres figures de l’etablishement avait mal supporté la fermeture par les pouvoirs publics du robinet des subventions à l’enseignement privé confessionnel. Les locaux avaient été alors abandonnés à la broussaille. " Tout était pourri quand nous sommes arrivés ici. Il a fallu tout réhabiliter, l’électricité, les adductions d’eau… " témoigne notre guide. Aujourd’hui encore, le campus n’a rien de l’université de Yaoundé I, par exemple, , mais en terme de propreté, les dix batiments d’inégales dimensions occupés par l’udm peut tenir la comparaison avec bien de structures camerounaises de nature semblable, même si, ici et là, une fenêtre réclame encore une vitre, ou une pommelle un peu de graisse…
Prochaine étape de la visite : les laboratoires. Ce jeudi, 19 février, le laboratoire polyvalent de médecine est occupé par les étudiants de deuxième année de médecine. Assis chacun devant un poste de travail, les étudiants protestent contre l’intrusion, cassetophone à la main et appareil photo en bandoulière, d’un corps étranger à cette enceinte où on ne parle que réactifs, tubes, microscopes…. Après insistance de M Fotso, le chef de classe, Estelle Nguewa Tekam, accepte finalement de se confier. " Mais à la fin de la séance de TP ", précise-t-elle. Plus tard, à la sortie des cours à 17h30, elle s’extasiera : " Nos labo sont bien équipés. C’est d’ailleurs l’une des choses que nos parents vérifient au moment de nous inscrire Nous nous considérons comme des enfants gâtés. L’année dernière, au cours de mon stage, j’ai croisé dans les hôpitaux des étudiants d’ailleurs qui ne totalisaient pas le même nombre de manipulations que nous ici ". Quoique un peu excessifs, les propos de Estelle Nguewa Tekam ont du vrai. En plus de ce laboratoire de médecine, trois autres laboratoires de pharmacie galénique, de pharmacie générale et de chimie, et de médecine annexe, totalisant 30 places, sont ouvert aux étudiants des filières médecine et pharmacie:
En termes de comparaison, d’après les statistiques du Minesup, les six laboratoires de la faculté de médecine et de sciences biomédicales de l’université de Yaoundé I avaient une capacité de 25 places pour 399 étudiants, en 2001-2002. Un laboratoire d’électronique et un autre d’informatique viennent compléter la panoplie de ces équipements pédagogiques. " Ils sont destinés aux étudiants des filières d’informatique et réseaux, réseau et télécommunication et instrumentation et maintenance biomédicale " explique M Chime l’un des encadreurs de la Faculté des sciences et de la technologie. Justin Fotso nous entraîne vers un coin de la scolarité, juste à deux pas du centre multi-média d’une capacité de 20 postes, mis en marche au début de l’année académique, avec l’acquisition d’une antenne v-sat. Des cartons sont empilés les uns sur les autres. " C’est du matériel reçu récemment d’une ong allemande " La plus grosse prise réalisée par les chasseur de dons de l’udm est un laboratoire d’anatomie et de chirurgie expérimentale comparée offert par l’université de Milan. Grâce à cet équipement installée dans un local neuf construit par les donateurs, une " prouesse " été réalisée en fin janvier dernier : un babouin, singe considéré comme le primate le plus proche de l’homme, y a subi une opération du coeur. Les rares étudiants ayant pris part à cet exercice croient appartenir désormais à une race supérieure.
Diaspora
Ce matin, la bibliothèque, autre centre névralgique de toute institution universitaire est pas ouverte avec retard. L’explication est courte : " le bibliothécaire arrive à l’heure où les étudiants ont besoin de consulter, de travailler". La bibliothèque compte 1200 ouvrages mais Clovis Simo trouve cette quantité insignifiante. " La bibliothèque est embryonnaire, mais beaucoup de livres sont attendus ". Agé de 26 ans cet informaticien de l’université de Laval au Canada séjourne à l’udm depuis janvier. L’Agence canadienne pour le développement international (Acdi) lui a confié la mission de concevoir en trois mois et quinze jours, un logiciel de gestion de la bibliothèque et de la scolarité, selon les standards des universités nord-américaines. " Si on ne prévoit pas un tel système, il sera plus tard difficile de faire fonctionner une telle structure ". Pour boucler son projet en si peu de temps, il s’est entouré d’un équipe de cinq étudiants triés parmi les meilleurs de la 3è année de la faculté des sciences et de la technologie.
Clovis Simo n’est pas le seul hôte"étranger " de l’udm en ce moment. Chercheur au laboratoire de cardiologie du Pr Zannad de la faculté de médecine de l’université de Nancy,Rosine Nzietchueng profite de ses vacances pour apporter sa pierre à l’édification du projet. Actuellement, elle partage sa science avec les " bleus " de la faculté de médecine. Outre ces deux Camerounais de la diaspora, le babillard fixé à l’entrée témoigne du passage au Campus de Feutoum en ce mois de février, des professeurs Pierre Legros de l’université de Lille et Omer Nkwawo, le chef du département réseaux et télécommunications de l’université de Paris XIII. " Il ne se passe pas deux semaines sans que l’udm recoive un enseignant missionnaire pour un cours ou une conférence " soutient le Pr Fabien Kange Ewane. N’y a t-il pas un risque d’indigestion du fait de ce trop plein de offre en enseignements ? " Une fois par semaine, le conseil d’établissement se réunit, procède à l’évaluation des enseignements et trouve à chaque fois le moyens d’insérer ces contributions bénévoles extérieures dans les programmes ".
Le président de l’udm reconnaît que l’établissement repose en partie sur les épaules de la diaspora dont l’apport en moyens matériels et humains est inestimable
En partie seulement. A l’intérieur du triangle national des enseignants de renom offre leur part de sacrifice. Question au président : " Après 25 années ininterrompues d’enseignement et de recherche de haut niveau, abandonner une retraite tranquille et sa confortable résidence d’Odza, dans la banlieue de Yaoundé, pour se lancer dans une affaire qui tarde à prendre ses marques, n’est ce pas de la folie? ?Au mot " affaire ", le Pr Kange Ewane cligne des yeux. " C’est de là que vient le malentendu . Beaucoup ont pris le projet pour une " ‘affaire " comme on en dénombre à la pelle maintenant au Cameroun. Des Camerounais, à la recherche d’un filon, multiplient établissements et filière, avec en arrière pensée la recherche du fric. L’udm est le projet d’une association à but no lucratif et non une " affaire " au sens camerounais du terme. On ne partage pas de dividendes ici ". " Ce qui motive mon engagement, poursuit-il, c’est l’idéal de valeur, de formation à la responsabilité, la reconnaissance de la compétence fondée sur un travail suivi et contrôlé, toute chose qui existait à l’univesité à mon arrivée en 1975, et que je retrouve dans ce projet. Avec en prime un ancrage sur les réalités africaines". Le catalogue des célébrités de nos universités d’état cheminant aux cotés du Pr Kange Ewane dans cette aventure est impressionnant : ils vont de Dong à Zock à Lazare Kaptué, en passant par Jeanne Ngongang, Lawrence Njikam, Gabriel Lando, Melamane, sans compter Jean Michel Tekam, Nimangue ti Hamade….
Mais tous n’est pas rose sur la colline de Feutom. La verdure du campus oppose certes un barrage à la poussière en provenance du tronçon de route que la municipalité ne se décide pas à bitumer, mais le campus reste ouvert à toutes sortes de tentations. Faute d’aire de jeu, les étudiants se disent quelques fois tentés par l’air de la ville. Les activités sportives et culturelles sont encore timides. La petite structure de reprographie tenue par Chimène ne satisfait pas entièrement la demande. Et le café attenant, ne vaut pas le restaurant et le petit hôtel réservés aux enseignants. Enfin, contrairement à l’engouement noté, à Soa par exemple, avec la création de l’université de Yaoundé II, après quatre ans de fonctionnement de l’Udm, les bâtisseurs des mini-cités dignes de ce nom se font toujours désirer. Si les responsables de l’intitution reconnaissent du bout des lèvres ces insuffisances, c’est pour promettre aussitôt que ce problème trouvera sa solution avec le déménagement de l’université vers son site définitif. Derrière l’école publique de Banékané, à 10 km de Bangangté sur l’axe Yaoundé-Bafoussam, le chef supérieur de Njimoluh a fait don d’une étendue de 204 ha à l’Aed. Le premier bâtiment qui abritera un des six pavillons du Chu, sort peu à peu de terre. A en croire le conducteur des travaux, M.Hervé Mbounga de l’entreprise Cacoco, les travaux s’achèveront dans un mois.
Ces désagréments semblent quantité négligeable aux yeux des parents. Paradoxe que l’avenir expliquera sans doute un jour, plus les pouvoirs publics jouent à colin maillard avec l’udm, plus le capital d’estime grimpe auprès des parents, et plus les effectifs prennent les ascenseurs. De 146 étudiants en 2001-2002, les effectifs sont progressivement montés à 230 en 2002-2003 et 285 cette année académique. Pourtant, les taux de scolarité ne sont pas donnés : 1000000 F pour la Fss et 500 0000 F pour la Fst. Cette sélection par l’argent est le principal talon d’Achille de l’udm. Les promoteurs de l’établissement rejettent l’étiquette de "université pour riches " et demandent à leurs contradicteurs de comparer avec le coûts des études à l’étranger. Parmi les étudiants figurent la fille de l’ancien ministre Ahmadou Moustapha, le fils d’un ministre en fonction,de quelques députés, de banquiers… mais également des enfants issues de milieux modestes. Dominique Fopoussi, ancien député à l’Assemblée nationale avoue avoir établi ce rapport qualité-coûts au moment d’y envoyer son fils : "Plusieurs éléments m’ont guidé dans ma décision. D’abord la volonté de lui faire faire de sérieuses études de médecine à moindre cout, ensuite la difficulté de la lui faire faire dans une université d’Etat où la politique des quotas limite le nombre des places, et, enfin, la chance de le soustraire aux incertitudes liés à l’expatriation des enfants en bas age ".
2 Le maquis de la loi
L’Udm sortira-elle bientôt du maquis ? Les promoteurs de l’institution sont en droit de l’espérer. Le dernier verrou sur le chemin de la mise en conformité avec le réglementation a été levé. Un accord-cadre avec l’université de Yaoundé I a été paraphé en novembre 2003 et un autre avec l‘Université de Ngaoundéré en août 2003. Cet accord a été suivi de deux conventions spécifiques, l’une avec l’Ecole nationale supérieure polytechnique, l’autre avec la faculté de médecine et des sciences biomédicales. De sources proches du ministère de l’enseignement supérieur, une autre convention existerait entre l’udm et l’université de Ngaoundéré.
Le décret 2001/ 832 du 19 septembre 2001 fixant les règles communes applicables aux institutions privées d’enseignement supérieures subordonne la création d’un Ipes à l’obtention préalable d’un accord de création délivré par le ministre de l’enseignement supérieur, après avis de la Commission nationale de l’enseignement supérieur privé. L’accord de création, incessible et personnel, est, aux termes de la réglementation, frappé de caducité au bout de trois ans. En clair, l’autorisation de création ne vaut pas autorisation d’ouverture, qui lui, exige des conditions draconiennes, surtout quand il s’agit d’une université. L’article 47 stipule que : " toute institution doit souscrire une assurance pour l’ensemble de ses enseignants, ses élèves ou étudiants et son personnel d’appui contre les risques d’accidents dont ils pourraient être victimes à l’intérieur de ladite institution ou pendant le temps ou ils sont sous la surveillance de ses préposés. " Plus loin, s’agissant du personnel enseignant, le décret du Premier des ministres dit ceci : "dans le cadre des conventions et des accords de collaboration entre les institutions publiques d’enseignement supérieur et les Institutions [supérieures privées], les enseignants permanents des institutions publiques peuvent assurer des prestations académiques dans les institutions [supérieures privées] à travers des contrats de service et vice-versa. "
La justesse de cette dernière disposition est évidente. D’un coté, une jeune université, à l’instar de l’udm, ne saurait prétendre voler de ses seules ailes dès sa sortie de nid, sans le bénéfice de l’expérience d’université plus anciennes. L’udm avait signé des conventions avec les universités étrangères de Parakou au Bénin, de Milan en Italie, et serait en pourparlers avancés avec les universités de Paris XIII, La Sapienza à Rome, Marien Ngouabi à Brazzaville, Kinshasa au Congo démocratique… De l’autre, ces différents accords, déjà paraphés ou en cours de conclusion, quoique de nature à traduire la dimension internationale de l’udm, n’étaient pas suffisantes pour rassurer sur la régularité des enseignements, du moment où l’udm bénéficie grassement des compétences des enseignants des universités publiques dont il faut s’assurer de la disponibilité afin de ne pas pénaliser leurs établissements d’attache. La guerre des textes, vécue à Bangangté , sans doute à tort, comme de l’acharnement était quelque peu indispensable, compte tenu du caractère nouveau des Ipes. Avec la paraphe des conventions avec des universités publiques la balle est maintenant dans le camp de la toute puissante Commission nationale de l’enseignement supérieure privée, une structure dont certain membre est mis en cause dans les déboires du Groupe HECI.
Repères
Ouverture : 2000-2001
Accord de création : 29 octobre 2002
Établissements fonctionnels
– Faculté des sciences de la santé
– Faculté des sciences et de le technologie
– Institut des études africaines et des langues
Établissements en perspectives :
– Faculté de commerce et de gestion
– Faculté des ressources naturelles
Effectifs : 285
Nombre d’enseignants (permanents et vacataires) : 40
Équipements pédagogiques:
– Laboratoires : 9
– Centre multi-média
– Bibliothèque : 1200 ouvrages
Droits universitaires:
– FSS : 1.000 000
– FST : 500.000
Salles de cours : 13
Amphithéâtres : 1 (80 places)
Site internet : www.aed.udm.org
3 Le crayon et la daba
Il y a onze ans, le chef de l’Etat signait le décret 93/026 du 19 janvier 1993 portant création des six université d’Etat. Au delà des mobiles politiques de la réforme, à savoir casser le mouvement de contestation estudiantine, l’objectif affiché était, à l’époque, d’apporter une réponse au problème des effectifs devenus pléthoriques. Créée en 1962 pour, tout au plus 3000 étudiants, le campus de Ngoa-ekelle en comptait déjà 40 000. Dans un contexte social marqué par les compressions dans les entreprises publiques, la baisse des salaires et la suppression de la bourse aux étudiants, l’université de Yaoundé menaçait de se transformer en poudrière. Dix ans après la réforme, tout laisse penser que la situation n’a guère changé. A l’exception de l’université de Buéa qui évolue dans un environnement un peu particulier, chacune des cinq autres universités issues de la réformes de 1993 sont en train de reproduire les maux de l’ancienne institution mère, avec en prime, la dégradation de l’encadrement en terme qualitatif et quantitatif
Un tel bilan peut s’expliquer par la précipitation dans laquelle les initiateurs de la réforme ont travaillé. Sous la pression des événements, et dans un climat social caractérisé par une absence de sérénité, les pouvoirs publics n’ont ni associé toutes les meilleures compétences à la réflexion, ni adressé les vrais problèmes. En effet, dans ses fondements idéologiques, l’université camerounaise est restée une université coloniale . Conçue pour perpétuer l’assimilation culturelle, à une époque où le Cameroun, quoique théoriquement indépendant, était toujours perçu comme un appendice de la France, l’université répondait au souci de satisfaire une administration à la recherche de cadres pour remplacer le blanc et satisfaire les besoins d’une économie tournée vers l’extérieur. Sur le schéma français, on a donc mis sur pied de grandes facultés qui déversaient chaque année des pelletées de diplômées dans les administrations.
Les rares ingénieurs formés dans quelques écoles étaient également absorbés par l’administration, et les meilleurs d’entre eux rapidement happés par les entreprises le plus souvent à capitaux non camerounais. Qu’on nous comprenne : il ne s’agit pas ici de nier la valeur des humanités sans lesquels, reconnaissons le, un scientifique ne saurait être fécond, mais de déplorer le peu de cas fait pendant longtemps aux disciplines qui auraient pu accélérer le décollage et le développement d’un pays où tout reste à construire.
Chaque jour qui passe, les effets néfastes de cette université coloniale crèvent nos yeux. Elle a notamment développé parmi les "longs crayons ", le goût de la fonction publique et le goût de vivre sur l’impôt payé par les autres. D’une certaine manière, on peut affirmer que la pauvreté matérielle et morale du Cameroun d’aujourd’hui traduit l’échec de l’université camerounaise.
On pourrait mettre à l’actif des ministres Atangana Mebara et Maurice Tchuente quelques initiatives visant à articuler les savoirs dispensés avec l’environnement économique. De même, la création à l’Esstic d’un département de communication africaine qu’anime le Pr Jacques Fame Ndongo témoigne d’un effort d’indigénisation des programmes.
Tout comme l’ouverture, toujours à l’Esstic, d’un cycle de master piloté par le Pr Laurent Charles Boyomo Assala. Ces initiatives pêchent cependant par leur caractère isolé. Pourtant la réforme de 1993 était l’occasion unique d’une franche remise en cause du modèle colonial. Le Cameroun aurait pu en cela suivre l’exemple des universités américaines et asiatiques. L’université, comme on le sait, est une invention européenne du Moyen age. En traversant l’Atlantique, elle a subi des transformations. L’université asiatique a connu la même métamorphose. Bref, nulle part dans le monde occidental, le modèle européen n’a été transposé tel quel. Pour rester compétitifs aujourd’hui, les Européens sont contraint d’adapter leurs universités en s’inspirant de l’expérience des Américains qui, eux mêmes, n’hésitent pas à copier chez les Asiatiques. En vrai " guetteur d’avenir ", Jean Marc Ela fut l’un des premiers à souligner cette nécessité de rompre avec l’ université coloniale.
" Le but de l’enseignement, écrivait-il il y a 33 ans , n’est pas de former des salariés mais de rendre les Africains capables de devenir eux-mêmes des accélérateurs du développement d’ensemble de leurs congénères. En effet, la déficience fondamentale de l’enseignement exporté c’est qu’il s’avère incapable de créer une véritable conscience du développement chez les Africains et d’intégrer ces derniers dans ce développement comme agents conscients et responsables… L’enseignement décolonisé doit avoir pour objectif essentiel de rendre à l’Africain sa conscience culturelle et de le préparer à assumer sa tache irremplaçable de facteur dynamique de sa propre croissance " C’est cette volonté de décoloniser l’éducation, de coller la connaissance aux besoins des populations, qui aurait présidé à la création de l’udm. De ce point de vue, l’expérience, d’une université profondément intégrée à son environnement et enracinée dans les réalités du Cameroun, en cours en ce moment à Banganté, semble mériter de l’attention.
4 Ils ont dit…
Rosine Nzietchueng
Enseignant-chercheur à l’Université de Nancy
Je suis venue pour me rendre utile à mon pays. C’est gratifiant de partager un peu de son savoir Beaucoup de Camerounais de Nancy sont prêts à faire de même. Ils m’ont mandaté pour venir voir ce qui se passe ici… De mon point de vue, les choses sont faites de manière qu’on peut avoir envie d’y travailler. Les collègues sont très motivés. Ils sont tellement impliqués dans ce qu’ils font, et les étudiants sont interactifs… Je voudrais à terme faire de la recherche en France où les infrastructures sont sophistiquées, et de l’enseignement ici.
Clovis Simo
Informaticien, Université de Laval
Je suis ici grâce à un financement de 9 millions de francs de l’Acdi. Pendant trois mois et demi, je vais mettre en réseau les appareils de l’udm et concevoir un logiciel pour la gestion de la bibliothèque. Ce projet, je l’ai par le passé proposé à une université d’Etat sans recevoir le moindre écho. Des mois durant, j’ai attendu en vain le feedback avant de me tourner ver l’Association pour l’éducation et le développement. Dès que je me suis adressé à sa section canadienne, j’ai été aussitôt mis en contact avec les responsables de l’Udm au Cameroun et, on m’ répondu en temps réel. C’est cette absence de paperasserie qui m’a séduit .
Patrick Nkemenang Tikdo
Etudiant en 2è année de médecine
Les infrastructures ne sont pas terribles, mais les choses vont s’améliorer quand nous allons regagner notre site définitif. Ce qui me plait le plus, c’est l’ouverture de l’udm sur le monde extérieur… Mes parents ont comparé avec ce qui se passe à l’étranger avant de m’inscrire . Ils n’ont pas voulu que j’aille à l’étranger pour chercher ce que je peux acquérir au Cameroun.Je fais confiance à mes encadreurs… Personnellement, je ne nourris aucun complexe vis-à-vis des des étudiants en m édecine de Yaoundé que je côtoie lors des stages en milieux hospitalier
Nanga Ayissi
Chef du département réseaux locaux à l’Ecole nationale des postes
Je viens de terminer mon premier séjour à Bangangté. Je ne savais pas qu’un tel établissement existait. Je l ‘ai appris par le Dr Boyom de la faculté des sciences à Yaoundé. Les étudiants sont très motivés et le laboratoire d’électronique permet de travailler. Je crois que j’essayerai de faire de la sensibilisation autour de moi à Yaoundé
Reportage de Xavier Deutchoua
Le Quotidien Mutations