Lettre ouverte D’olympe bhely-Quenum à YAYI Boni : aigreur, REGIONALISME et décadence d’un écrivain AU SOIR DE SA VIE
Comme le ciel sait toujours bien faire les choses, je viens de lire, presque à la même période, la lettre ouverte d’Olympe Bhêly-Quenum adressée au Président de la République du Bénin, le Docteur Thomas Boni YAYI et le discours sur l’état de la nation que ce dernier a prononcé devant la Représentation Nationale le mardi 30 décembre 2008, à Porto-Novo, capitale du Bénin. Pour ma part, j’y ai vu peints deux tableaux différents : le premier, l’apocalypse et le second, celui de l’espérance.
Sans pour autant caresser le Président Béninois dans le sens du poil et lui jeter des fleurs, car il reste encore beaucoup à faire pour relever les ruines de ce pays (nos aînés, les vautours, l’ont allègrement dépecé et pillé à qui mieux mieux), je voudrais, par la présente, apporter ma modeste contribution au débat et apporter ma pierre à l’édification de notre patrie commune, le Bénin.
A l’école primaire, cela fait déjà plus de 40 ans, mes compatriotes qui avaient, à l’époque, la noble mission de me former pour faire de moi un bon citoyen nous forçaient, à coups de matraque, à mémoriser certains passages du roman « Un piège sans fin », ouvrage dont vous êtes l’auteur. A l’instar de mes camarades de classe, je l’avais fait, sans rien comprendre, mais dans le seul souci de ne pas donner l’occasion au maître de me labourer le dos à coups de cravache faite avec la peau de bœuf ou avec une courroie de motobécane ou de voiture, quand le maître était de bonne humeur. Par la suite, au collège et à l’université, j’ai finalement eu l’occasion, mes maîtres ayant fait du bon travail au primaire, de lire l’intégralité de vos publications. Félicitations, cher compatriote!
Cette fois-ci, j’ai lu avec appétit votre lettre, et c’est à travers elle que j’ai appris que vous êtes de « Gléxwé », Quenum par votre père et Agbo par votre mère. Je l’ai lue, non plus comme à l’école primaire, avec des coups de cravache, mais en homme libre au Bénin. Cependant, je ne puis, comme au primaire, ne pas, à travers ces lignes, exprimer ma douleur, dans la mesure où, cette fois-ci, ce n’est plus le maître, mais l’auteur lui-même, qui assène les coups. Chaque lettre, chaque syllabe, chaque mot, chaque phrase, bref toutes les phrases me rappelaient les coups de cravache du primaire, raisons de ma colère.
Usurpation du titre de faiseur roi
Vous avez dit avoir, en 2006, appelé à voter YAYI Boni. Mes félicitations, Monsieur le faiseur de rois! Mais il y en a qui porte déjà ce titre ici, au Bénin. Etes- vous le seul à avoir appelé à voter pour YAYI Boni, pour qu’il soit élu Président de la République ? Moi, je ne suis ni de Gléxwé, ni issu des familles Quenum et Agbo. Pourtant, je ne suis pas moins béninois que vous. Je suis né au Bénin, de père et de mère béninois. J’ai étudié au Bénin. Je vis et travaille actuellement au Bénin et vu mon âge, j’ai 47 ans, je ne pense pas être de la dernière pluie. J’ai connu la période révolutionnaire dont j’ai vu défiler tous les acteurs. La période d’avant, je la connais assez bien, grâce aux aînés qui ont pris la décision de rester au Bénin, et Dieu sait qu’ils avaient aussi la possibilité d’émigrer, et aussi grâce aux écrits. J’ai interrogé l’histoire, et elle m’a dit ce dont mes aînés ont été coupables. Quant à l’historique du processus démocratique en cours, elle ne m’est guère inconnue. C’est donc ce que je suis, mon aîné Quenum.
YAYI Boni est pour nombre de Béninois n’ayant pas été principaux acteurs et responsables des turbulences de la période 1960 à 1990, le début d’une ère nouvelle, celle de l’espérance. C’est la raison pour laquelle le peuple, comme un seul homme, avait décidé de prendre sa responsabilité. Pour son élection, chacun a joué sa partition, Monsieur Quenum, du nord au sud, et de l’Est à l’ouest du Bénin. Et, pourquoi pas, de l’extérieur ! Je parle de tous ceux-là qui ont fait ce choix audacieux et salutaire pour ma patrie que j’aime tant, je n’en ai pas deux. Ma reconnaissance à tous ceux-là qui ont contribué à l’avènement de cette ère, à tous ceux qui assument leur choix sans vouloir se faire « faiseurs opportunistes de rois » et qui accompagnent avec dévouement et patience le processus, sans rien attendre en retour. Ils sont des hommes de vision. Je vous prie de bien vouloir digérer cette légèreté, celle d’un compatriote né des années bien après votre « deuxième enfant », à l’exemple d’Henri Guaino. Je ne savais pas que vous étiez également l’homme qui sauva le journal français « Libération » quand « il ne battait plus que d’une aile et poussait des cris d’un blessé à mort ». Bravo, Monsieur le « Faiseur de rois et sauveur de journaux français» !!!
En ce qui me concerne , je m’insurge contre le fait de vouloir ramener tout à soi et de vouloir se faire le dépositaire de l’élection du Docteur Boni YAYI, l’homme qui, selon vous, ne connaissait pas le pays et qui n’avait aucune racine profonde au pays. Malgré ce refrain connu depuis 2005 au Bénin, pourquoi l’avez-vous alors soutenu ? Pour que vos ouvrages soient enseignés dans les écoles primaires, secondaires ou supérieures? Comment a-t-il alors pu supplanter les hommes politiques qui, selon vous, connaissaient mieux le terrain ? Où étaient-ils, eux qui pensaient, à l’époque, avoir quadrillé tout le territoire national ? De quelle connaissance du terrain parlez-vous : celle de quelqu’un qui a quitté le pays depuis 1948, qui a vécu royalement chez le colon avant les indépendances et qui continue de tirer sur tout ce qui bouge dans son pays natal, pourvu que ses intérêts inavouables soient atteints?
Promotion du régionalisme et des partisans de la « politique de l’échec »
S’agissant de votre position quant à la méthode de gestion des affaires de la cité, vous vous dites, sans être membre d’un parti politique, du côté du Séminaire de Goho. Chacun est libre d’appartenir ou non à une formation politique. Nous sommes, ici, dans un Etat de droit. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle on peut dire tout du Chef de l’Etat. On peut aussi, hélas, les aînés ont donné le mauvais exemple, l’offenser allègrement, sans se faire tirer les oreilles. Mais pour moi, Monsieur Quenum, le séminaire de Goho représente, et pour nombre de Béninois, le retour aux choses anciennes, la promotion du régionalisme et des malheurs qui ont déstabilisé notre pays de 1960 à 1972. Et, par conséquent, le retour de ceux qui en ont été les responsables. Le séminaire de Goho représente aussi la promotion du régionalisme. Pour s’en convaincre il suffit seulement de considérer l’appartenance ethnique et la provenance géographique des initiateurs de cette rencontre. Etrange qu’un écrivain de votre trempe, enseignant, journaliste, critique littéraire et chroniqueur culturel de surcroît en fasse la promotion. Goho signifie, le retour des fossoyeurs de l’économie nationale, toujours avides de richesses, nuls en ce qui concerne les opérations les plus élémentaires d’addition et de multiplication, mais spécialistes de la soustraction et de la division, pour ne pas dire partage, des richesses du pays. C’est cette situation qui avait amené, le 6 avril 2006, date de la prestation de serment du Docteur Thomas Boni YAYI, à n’avoir, en tout et pour tout, que 202 millions de FCFA dans les caisses de l’Etat béninois, somme qui, en votre monnaie, équivaut à 307.947 Euros. Goho c’est aussi ce que l’autre Quenum, l’Abbé, a appelé, « La politique de l’échec», « Les politiciens de l’échec ». L’avez-vous lu ? Avez-vous des comptes à lui régler ? Etrange, n’est-ce pas, qu’un écrivain soutienne les « politiciens de l’échec », spécialistes de la « politique de l’échec ». C’est çà, l’échec, le vrai.
L’histoire nous a montré que les douze premières années de l’indépendance de notre pays n’étaient pas des années de gloire. Nous étions spécialistes des coups d’Etat. Nous aurions patienté et aurions laissé le président Hubert MAGA mettre en œuvre sa vision, que le Bénin ne serait pas à ce stade aujourd’hui. Mais nous avions préféré les coups bas, fait la promotion du régionalisme. Nous avions, à l’époque, décidé de « tuer » l’espérance de toute une nation. Tout cela, au nom de qui ? En tout cas, pas en notre nom.
La période révolutionnaire, malgré certaines prouesses, n’était non plus celle de la gloire, malgré « les trois glorieuses ». Que dire du règne de Nicéphore SOGLO ? Si ce règne était la référence, le premier président élu à la suite de la Conférence des Forces Vives de la Nation de février 1990 n’aurait pas eu droit à un seul mandat. Et après ? Les mêmes acteurs, ses tombeurs, étaient revenus et, pour quels résultats ? Inversion de l’échelle des valeurs. Tous les secteurs économiques avaient été pris d’assaut par la mafia, trois années d’arriérés de dette coton, plus de 200 milliards de FCFA de dette salariale, idem pour les dettes non salariales, indicateurs au rouge, gouffres financiers à combler. C’est la période pendant laquelle on se partageait allègrement chaque année plus de 25 milliards de FCFA issus du secteur des véhicules d’occasion, sans une trace au budget national. Un gouffre de plus de 60 milliards de FCFA à combler rien que pour une société d’Etat. Et que dire des autres sociétés? Désolation. Cette période est-elle, pour vous, celle de la réussite, la période de référence? Avons-nous véritablement avancé, lorsque les auteurs de ces crimes économiques dont certains se sont réfugiés à l’Assemblée Nationale pour bénéficier d’une immunité, se mettent à discréditer les réformes en cours au Bénin, efforts d’assainissement salués par les institutions internationales ? Peut-on alors se réjouir des retrouvailles de certains d’entre eux et saluer cette initiative ? A chacun sa réponse, selon les valeurs qui sont les siennes.
Arrogance et décadence d’un écrivain
Je fais grâce des insultes d’un célèbre écrivain et intellectuel à l’endroit d’un Chef d’Etat. Je ne lui en veux pas, lui, éducateur, pour les mots grossiers qu’il a utilisés dans son texte. Et il ne me revient pas de dire à un aîné d’apprendre à respecter l’autorité, de savoir donner l’exemple, d’être lui-même un exemple et d’être courtois envers ses compatriotes. A défaut de respecter le roi, dit un adage, il faut au moins, avoir du respect pour la couronne qu’il porte.
De quels « évangélistes arrogants, suffisants et vaniteux » est-il question ? De quels Francs-Maçons parlez-vous ? De quels féticheurs s’agit-il ? Nous sommes certes, dans un Etat laïc. Chacun est libre d’exprimer sa foi et ce n’est pas un problème ici, au Bénin, pays de tolérance. On n’apprend jamais à l’église à insulter quelqu’un. Au contraire on demande de respecter l’être humain. On n’enseigne pas à l’église à voler. On prône la vertu. L’enseignement chrétien, qu’il soit catholique ou protestant n’apprend pas à insulter un être humain. On demande de l’aimer et d’être soi-même un exemple. On n’y fait pas la promotion de l’arrogance, de l’orgueil et de la vanité. On demande aux fidèles d’être humbles, doux, tolérants et respectueux le bien public. Il en est de même pour toutes les autres religions ici, au Bénin. Etonnant, n’est-ce pas, de savoir que vous êtes, comme vous le réclamez, catholique, Franc-Maçon de constitution anglaise, fils d’une grande prêtresse , et se mettre, malgré ce cumul, à fouler aux pieds les valeurs cardinales de toute religion !
De quelle laïcité parlez-vous? Ne savez-vous pas qu’un Président de la République, en prêtant serment au Bénin, invoque les mânes des ancêtres, conformément aux dispositions de la Constitution ? Avez-vous oublié que l’expression «mânes des ancêtres » fait allusion aux religions traditionnelles et que la Constitution béninoise, de ce fait, n’est pas elle-même aussi laïque qu’on le pense ?
Je voudrais, pour finir et en guise de rappel, faire un bilan des 33 mois du pouvoir du Docteur Thomas Boni YAYI.
Le budget de l’Etat est passé d’à peine 650 milliards à plus de 1200 milliards de FCFA en 2009, avec une forte mobilisation des ressources internes autres fois pillées par les hommes politiques aux abois. Ce budget a été voté à l’unanimité dans la nuit du 30 au 31 décembre 2008 à cause de la pertinence des actions programmées ;
Plus de 200 milliards de FCFA investis dans la ville de Cotonou. Cotonou fait la fierté des Béninois. Tout le pays est en chantier ;
Les arriérés salariaux datant des années 80 sont en cours de paiement, soit près de 200 milliards de FCFA, grâce à la politique de titrisation ;
Les dettes internes non salariales (une ardoise) dont celles envers les opérateurs économiques estimées à plus de 100 milliards de FCFA sont entièrement épongées ;
Plus de 12% d’augmentation des salaires en deux ans ;
Hausse significative des primes des agents de l’Etat ;
Près de 20000 personnes recrutées à la Fonction Publique en deux ans ;
Relance des filières agricoles ;
Gratuité de l’enseignement dans les écoles maternelle et primaire publiques depuis 2006 ;
construction de plus de 3500 salles de classe en deux ans et 6000 autres en cours ;
Recrutement massif d’enseignants ;
Pour très bientôt, gratuité des césariennes et des soins des enfants de 0 à 5 ans.
Tout ceci ne se fait pas avec 202 millions de FCFA dans les caisses de l’Etat. (Lire le discours sur l’état de la Nation). Un recul n’est-ce pas, Monsieur Quenum ?
En somme, les Béninois sensés savent que YAYI Boni est victime de sa rigueur dans la gestion des finances publiques. Le « petit a tout verrouillé », ont-ils l’habitude de dire. Pas de quoi alors s’attendre à être applaudi par ceux pour qui la fraude est devenue le sport favori. Il aurait laissé faire, qu’il serait pour eux le meilleur président. Nous nous connaissons tous, ici, au Bénin. Nous les avons tous pratiqués, à l’envers comme à l’endroit. Nous savons ce que chacun vaut et ce dont chacun est capable. Nous savons ce dont ils sont, ensemble, capables. Nous savons, par exemple, qu’ils ont voulu bloquer le Gouvernement, parce que la vitesse avec laquelle les choses changent du bon côté les inquiète (2011 avance à grands pas). Nous savons aussi que certains compatriotes n’ont rien d’autre à faire que de faire le tour des chancelleries occidentales pour discréditer Boni YAYI. Il n’y a rien de caché sous le soleil. Les Béninois sensés savent tout cela.
YAYI Boni, l’éboueur de la république, tâche pourtant indispensable pour un mieux- être, ne peut être applaudi par ceux qui ont rempli les caniveaux et les fosses. Il en a toujours été ainsi sous tous les cieux. Ils bouchent le nez et disent que l’éboueur n’est pas fréquentable, alors qu’ils sont responsables des odeurs nauséabondes. C’est ce à quoi on assiste au Bénin. Heureusement que ces espèces sont en voie de disparition. Quant à l’éboueur, il fait patiemment son travail salutaire. La Nation, elle, lui est reconnaissante. Ne dit-on pas souvent que le propre du génie est d’être de plus de vingt ans en avance sur son temps?
Certes, il reste beaucoup à faire, parce qu’on avait pris l’habitude, depuis que le Bénin s’appelait Dahomey, de ne pas faire chaque chose en son temps. Notre passé nous rattrape. La tâche est immense. Chacun doit jouer au mieux sa partition. A défaut d’être un homme d’action, faire des critiques objectives et non insulter. Le Bénin a besoin de toutes ses filles et de tous ses fils, jeunes et vieux. Le Bénin a besoin de vieux sages et non de ceux qui, voyant le grand saut naturel vers l’inconnu arriver, son prêts à tout donner au diable, y compris leur gloire et leur pays, dans le seul et unique souci de vouloir retarder l’échéance.
Alain S . Kokouvi, sociologue
Janvier 2009