Bac avec mention

France – Bac avec mention

Notre opinion

François d’Orcival, de l’Institut, le 16-07-2009

Ceux-là au moins sont partis en vacances heureux : les 500 000 bacheliers de l’année, leurs parents et leurs professeurs.Leur ministre aussi est très content, comme le sont sans nul doute le premier ministre et le président de la République. On a dépassé les 80 % de reçus parmi les 622 322 inscrits.

Mieux,300 000 de ces bacheliers ont obtenu une mention ! Quel niveau ! Seulement voilà,quelques professeurs scrupuleux vendent la mèche: pour que le bonheur soit complet,on a donné des consignes afin de juger avec bienveillance et de relever les notes. Et pourquoi donc ces professeurs consciencieux ont-ils obéi aux consignes ? Mais pour n’être pas mal notés eux-mêmes ! Interrogée par le Journal du dimanche du 12 juillet, un professeur de philosophie d’un lycée de Montpellier qui donne son nom, Élisabeth Cassou- Barbier, explique que, jugeant les copies en toute liberté,elle observe tout de même « la déroute du niveau d’expression et d’orthographe, pas celui de la réflexion ».Autrefois, la déroute de l’orthographe et du français eût été éliminatoire ; aujourd’hui,on sauve la copie grâce au raisonnement…

Le baccalauréat avait été conçu comme l’examen d’entrée dans le cycle des études supérieures.On l’a oublié. Il est devenu la consécration des études secondaires. Qui l’a voulu ? Tout le monde. La gauche, politique et syndicale, puis la droite. Donner le baccalauréat au plus grand nombre, c’était dans la logique du collège unique, la voie générale pour tous, cela faisait plaisir aux classes moyennes, qui pouvaient ainsi montrer que leurs enfants bénéficiaient aussi de l’ascenseur social, et surtout cela justifiait toutes les demandes de crédits du corps enseignant du secondaire. Gauche et droite ont donc mis le paquet. Et forcément au détriment d’un autre budget : celui du supérieur.

On a fini par atteindre les limites de cette politique. Quand les 500 000 bacheliers de l’année s’engouffrent dans les 85 universités françaises, où la sélection à l’entrée et les droits d’inscription sont deux tabous,que se passe-t-il ? Ils s’entassent dans les amphis du premier cycle, se lassent assez vite de ces enseignements magistraux auxquels ils sont peu préparés et ils décrochent.Entre les étudiants fantômes et ceux qui ne suivent plus,60% des inscrits de la première année sont refusés à l’entrée de la deuxième.Après l’été triomphal du bac, celui qui suit prend le goût amer du gâchis.Tout est à recommencer.

La répétition de l’exercice, année après année, a eu sa vertu pédagogique. Sans parler des enfants de familles de cadres supérieurs, aiguillés avec soin par leurs parents, beaucoup d’autres lycéens ont compris qu’il était inutile de s’engager dans des voies sans issue.Profitant du système informatique de préinscription avant d’avoir passé les épreuves de leur baccalauréat,ceux-là font part de leurs priorités ; désormais, 35 à 40 % d’entre eux choisissent ce que ni les syndicats d’enseignants ou d’étudiants, ni les conseils d’université, ni les enseignants-chercheurs,ni les politiques n’ont eu le courage de vouloir pour eux :les filières sélectives ! C’est-à-dire les BTS, les IUT, les classes préparatoires, les écoles, grandes et petites, et les universités dérogatoires, bref tout ce qui, d’une manière ou d’une autre, pratique la sélection à l’entrée et dispense un enseignement débouchant sur un emploi.

Pendant ce temps, mis à part les études de médecine,où s’applique un numerus clausus, ou celles de droit, le gros des filières, sciences et sciences humaines, a continué à se dégrader à grande vitesse.Le palmarès établi par l’université de Shanghai a fini par ouvrir les yeux de l’opinion publique sur le déclassement subi par nos universités dans la compétition mondiale.Avec une conséquence capitale : la moindre performance économique – et une illustration pratique : si les Européens déposent le tiers des brevets inventés par les Américains, les Français ne dépassent pas le tiers des brevets déposés par les seuls Britanniques ! Voilà où a conduit le baccalauréat pour tous.

Nicolas Sarkozy a voulu sortir du piège par l’autonomie des universités. La loi défendue par Valérie Pecresse,votée dès l’été 2007,a été accompagnée par 5 milliards de crédits pour les campus.Mais elle allait avec des changements de gouvernance et des procédures d’évaluation des performances qui se sont heurtés, pour de bonnes et de mauvaises raisons, à un mur : cinq mois de grève.Une année perdue. Pourtant, cela n’a pas empêché 51 des 85 universités de signer des contrats d’autonomie.Grâce à quoi, elles vont pouvoir former des pôles, nouer des alliances, choisir des entreprises partenaires, recruter de meilleurs enseignants. Cela prendra du temps, mais c’est le seul espoir qui reste aux bacheliers.

Source: http://www.valeursactuelles.com
16 juillet 2009

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